Un nouvel espace de dialogue, le Forum NanoRESP, a l’ambition de « mettre en partage les connaissances, les initiatives concrètes, les incertitudes et les attentes liées aux nanotechnologies pour questionner les usages, les bénéfices et les risques des nanoproduits au regard des alternatives existantes », et « d’examiner comment les différents acteurs concernés assument leurs responsabilités ». Premier volet, jeudi 5 décembre (18h30-21h), à la Mairie du 2e arrondissement de Paris, sur le thème de la traçabilité des « nanoproduits ».
D’après le dernier inventaire du Woodrow Wilson International Center for Scholars (WWICS, Washington) (1), 1 628 produits de consommation du marché mondial sont des « nanoproduits », c’est-à-dire qu’ils contiennent des nanomatériaux – soit une croissance de 24 % depuis 2010.
Parmi eux, 741 proviennent des Etats-Unis, 440 d’Europe, 276 de producteurs asiatiques. On trouve près de 50 % de ces produits (788) rien que dans la catégorie « santé et fitness », correspondant aux soins de la personne (292 produits), aux cosmétiques (154), aux vêtements (187), aux sports (119), aux appareils de filtration (43) et aux crèmes solaires (40).
Viennent ensuite les produits de la maison et du jardin (221 produits), de l’alimentation (194), de l’automobile (142), les produits multifonctionnels (83, dont les revêtements), ceux de l’électronique et de l‘informatique (61), de l’électroménager (48) et les jouets (29). Les six nanomatériaux les plus répandus dans l’ensemble de ces produits sont le nano-argent (383 produits), le dioxyde de titane (179), les nanotubes de carbone (87), la silice (52), le zinc (36) et l’or (19) (voir le graphique).
Mais qu’est-ce qu’un nanomatériau, et pourquoi en parle-t-on ?
Les définitions varient encore selon les sources, mais on admet communément qu’il s’agit de toute substance de dimensions comprises entre 1 et 100 nanomètres (1 à 100 milliardièmes de mètre) présente dans les produits de consommation en raison de ses propriétés physico-chimiques ou biologiques. De telles substances peuvent avoir des effets biologiques une fois inhalées ou ingérées par l’homme ou des organismes vivants.
L’identification de leurs sources et des produits dans lesquels ils sont présents permettrait, en principe, de prendre les mesures de bon usage et de prévention nécessaires dans les milieux où une exposition à des nanomatériaux est possible à brève ou longue échéance.
L’inventaire du WWICS donne aux consommateurs une idée des produits qui contiennent des nanomatériaux. Cependant, il ne permet pas une analyse quantitative et qualitative précise des nanomatériaux utilisés sur tel ou tel marché national, et par suite des éventuelles expositions à des risques associés.
Cette analyse est l’un des objectifs de la déclaration annuelle des quantités et des usages des « substances à l’état nanoparticulaire » mises sur le marché en France. Elle est obligatoire en France depuis le 1e janvier 2013 pour tous les fabricants, importateurs et distributeurs de telles substances (2).
Le 30 juin 2013, 3 400 déclarations de distribution ou d’importation de substances nanoparticulaires faite en 2012 avaient été effectuées par environ 930 déclarants, dont plus de 90 fournisseurs étrangers. Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit être rendu public prochainement – légalement au plus tard six mois après la date limite de déclaration (3) . Il recensera les substances déclarées et leurs usages, ce qui permettra peut-être de commencer à décrire les filières et les quantités des différents types de nanomatériaux (nanoargent, dioxyde de titane…) utilisés en France.
A l’échelle de l’Union européenne, suite à une recommandation de la Commission européenne d’octobre 2011, le règlement Reach sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques est en cours d’adaptation pour prendre en compte les nanomatériaux (4) , tandis que le règlement CLP (Classification, Labelling, Packaging) définit des obligations de classification, d’étiquetage et d’emballage des substances et des mélanges, dont les nanomatériaux et les nanoproduits (5).
Concrètement, ces règlements n’ont encore rien changé, et les nanomatériaux sont de plus en plus utilisés sur le marché européen, sans réel contrôle et sans études d’impact. Par ailleurs, depuis mi-2013, la réglementation européenne sur les produits biocides, et celle sur les cosmétiques prévoient un étiquetage spécifique indiquant la présence de nanomatériaux. Il en sera de même à compter du 13 décembre 2014 pour les additifs nanoparticulaires présents dans les produits alimentaires. Toutefois, l’étiquetage « nano » sur les emballages de ces produits indique seulement la présence d’un nanomatériau ; il ne dit rien des quantités et des risques associés, des précautions d’utilisation et sert donc plutôt un choix par défaut qu’un choix raisonné.
Pour inventer une traçabilité des nanoproduits ou des nanomatériaux, il est probable qu’il faille aller plus loin. Par exemple en développant dans tous les pays européens des registres nationaux de l’ensemble des nanomatériaux produits et importés et des produits qui en contiennent, et en rendant accessible via ces registres, pour les utilisateurs professionnels et les consommateurs, les connaissances scientifiques correspondantes (propriétés, effets toxicologiques, impacts écologiques connus ou soupçonnés, travaux en cours).
Ne serait-ce pas le seul véritable moyen pour tout un chacun d’exercer ses responsabilités et de consommer sans courir le risque d’affecter son entourage, la société et l’environnement ?
(1) Project on Emerging Nanotechnologies, Woodrow Wilson International Center for Scholars http://www.nanotechproject.org/cpi/
(2) Articles L. 523-1 à 523-3 du Code de l’environnement
(3) http://www.r-nano.fr
(4) Comment adapter REACH aux nanomatériaux ? Consultation de la Commission européenne jusqu’au 13 septembre, VeilleNanos, 25 juillet 2013 http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=NanoReachConsultationCE2013
(5) http://echa.europa.eu/fr/chemicals-in-our-life/nanomaterials