Quarante millions de « fausses » montres sont produites chaque année dans le monde contre 30 millions de « vraies » montres suisses, selon les chiffres de la Fédération de l’industrie horlogère suisse. C’est en observant ce constat alarmant que la startup suisse Nanoga a eu l’idée de rendre les objets infalsifiables en appliquant, sur verre, métal ou céramique, un marquage nanoscopique, invisible à l’œil nu mais détectable uniquement à la lumière ultraviolette.
Lutter contre la contrefaçon en rendant le produit unique sans modifier son apparence : ce tour de passe-passe est rendu possible par la start up Nanoga. Le processus, développé à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, permet de réaliser une image invisible à l’œil nu. Seule une lumière ultraviolette permet de faire apparaître le motif. Développé pour les verres en saphir des montres de luxe, le système vient d’être adapté et breveté pour en faire des « timbres photoniques » que l’on peut apposer sur d’autres types de supports tels que verre, céramique ou métal.
Le niveau de sécurité est de haut vol. Pour un faussaire, reproduire des images marquées à l’échelle du nanomètre avec le procédé de la startup basée à l’EPFL serait tout aussi compliqué que répliquer un billet de 50 euros. Le procédé nécessite en effet de coûteuses machines, mais aussi et surtout une recette secrète d’éléments chimiques protégée par un brevet. Le résultat prend la forme d’une série de couches d’atomes plus de dix mille fois plus fines qu’un cheveu qui n’altère en rien les propriétés du matériau.
Dans une machine utilisée habituellement pour fabriquer des LEDs, les substances sont déposées sous forme de vapeur sur le support. Un procédé d’écriture lithographique permet d’activer certaines parties de la surface afin de faire apparaître le motif choisi. La suite consiste en une gymnastique d’atomes. Excités par la lumière ultraviolette, ceux qui ont été activés révèlent instantanément leurs couleurs à l’œil humain.
La lithographie se déroulant à l’échelle nanoscopique, il est possible d’apporter encore davantage de sécurité en incluant des éléments discrets, difficilement lisibles à l’œil nu même en présence de lumière ultraviolette. Par exemple un minuscule numéro de série de la taille d’un grain de sable, placé judicieusement, et visible uniquement sous une loupe avec un fort grossissement.
L’intégration de ces éléments de sécurité dans la chaîne de production peut prendre différentes formes. La startup est en passe d’acquérir une machine industrielle pour le dépôt de ces couches nanophotoniques, l’étape la plus compliquée. Les marques pourront donc fournir les verres à marquer selon le motif et la couleur de leur choix, puis les récupérer, prêts à être montés.
Nasser Hefyene, CEO de la startup, est un bon connaisseur de la contrefaçon horlogère. C’est en prenant contact avec Nicolas Grandjean, professeur au Laboratoire en semi-conducteurs avancés pour la photonique et l’électronique voilà quelques années qu’il a trouvé ce qu’il cherchait. Un procédé anti-contrefaçon qui ne nécessite pas d’outil technologique pour vérifier l’authenticité du produit et qui n’implique pas une modification esthétique de l’objet. « Le but était de combiner des briques technologiques déjà rodées pour concevoir un tout nouveau système de sécurité qui ne soit pas reproductible », souligne le fondateur de la société. Le procédé, qui a nécessité deux ans de développement est au point et Nasser Hefyene a su susciter l’intérêt de plusieurs contacts dans les milieux de la haute horlogerie.
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