Le texte final de l’accord de Paris est validé, il sera donc un point de départ indispensable pour répondre au péril climatique, mais il est semble insuffisant pour l’enrayer. Pour l’instant, le mode d’emploi proposé dans l’accord reste encore vague et le calendrier repousse à plus tard certains efforts à fournir tout de suite. Il faudra que les États renforcent leurs engagements pour maintenir la hausse des températures bien en deçà de 1,5 ou 2°C.
L’accord de Paris doit aussi accélérer la transition énergétique mondiale qui est déjà en marche dans les territoires. Ce texte fixe un cap de long terme ambitieux. Il exige que tous les États renoncent définitivement aux énergies fossiles, au profit des énergies renouvelables et des économies d’énergies. Et ce, le plus vite possible.
L’accord de Paris doit enfin garantir aux pays les plus pauvres et les plus démunis les moyens de faire face à la crise climatique. Si l’engagement des 100Md$ est renouvelé jusqu’en 2025, les engagements sont trop vagues pour donner des garanties financières, notamment sur l’adaptation. Réactions.
« Un accord multilatéral, certes indispensable, ne peut suffire. Il reste beaucoup à faire pour accélérer la transition et la société civile sera plus que jamais mobilisée pour dénoncer les responsables et déployer les (vraies !) solutions. Les initiatives locales et citoyennes se multiplient pour réduire les gaspillages, diminuer la pollution de l’air, favoriser des mobilités alternatives, développer les énergies renouvelables et l’agro-écologie. Les citoyens et les collectivités montreront la voie aux Etats ».
« Nous savions qu’il ne fallait pas compter que sur la COP21, et l’espoir que les discours des chefs d’état ont pu susciter à l’ouverture ont vite été déçus. Mais nous savons que hors de la bulle des conférences onusiennes, un véritable mouvement pour les énergies renouvelables grandit tous les jours dans les villes, les entreprises, les pays entiers. Et que c’est aux chefs d’états, chacun dans leurs pays, de se donner les moyens de faire cette transition ».
Pour Greenpeace, selon qu’on pense relativement ou dans l’absolu, deux lectures différentes de l’accord peuvent être prononcées. Si l’on pense relativement, on constate des « avancées ». D’abord, contrairement à Copenhague, un accord universel et contraignant qui reconnaît la nécessité d’agir contre le réchauffement climatique, a été adopté. Bonne surprise, le texte mentionne même un seuil à 1,5°C qu’il faudrait tenter de ne pas dépasser comme objectif. La question climatique s’installe durablement dans le paysage diplomatique : une sorte de dynamique politique, au moins chez les élites, se forme.
Dans cette optique, le texte prévoit que toutes les parties, dès 2020, devront se retrouver tous les cinq ans avec obligation de renforcer leurs ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre – les fameuses contributions nationales (ou INDC dans le jargon). Autant d’occasions pour la société civile de faire entendre sa voix et pour les États de s’aligner avec les évolutions sociales et technologiques en cours. Et surtout, de se coordonner entre eux. En fait, la constitution de cet agenda va permettre d’exercer une pression diplomatique – et publique – sur ceux qui ne font pas les efforts requis.
Mais si l’on pense dans l’absolu, alors l’accord n’est pas à la hauteur. D’abord parce que d’ici à 2020, nous restons avec les mêmes INDC, qui nous placent sur une trajectoire d’environ 3°C supplémentaires d’ici la fin du siècle nous faisant perdre un temps précieux et peut-être irrattrapable. Pire, à cause de la pression exercée par les États-Unis, ces INDC ne sont toujours pas formulés dans un langage juridiquement contraignant : libre à chaque État de proposer ce qu’il veut et de le réaliser s’il le veut.
En outre, l’interprétation de l’article 4, sans doute l’un des articles primordiaux du texte, laisse perplexe. Celui-ci fixe en effet l’objectif de long terme… : « [Les États] doivent réduire rapidement les émissions de manière à parvenir à un équilibre entre les émissions d’origine humaine et leur stockage dans la seconde moitié du siècle ». D’une part il n’est pas mentionné où se trouve le point d’équilibre exactement, d’autre part, il n’est pas fait état de date précise.
Enfin, cette formulation verse implicitement dans une tendance vers « zéro émission nette » en matière de gaz à effet de serre, ce qui laisse la porte ouverte aux meilleures solutions – les énergies renouvelables – comme aux pires : le stockage du carbone, la géoingénierie, les mécanismes de compensation divers. Par conséquent, elle ne suppose pas forcément de changer de système énergétique ou de modèle de société. Tout dépend le sens qu’on veut bien lui donner – ce qui permet aux pollueurs et à ceux qui défendent leurs intérêts, de leur donner le sens qu’ils voudront bien lui donner. Pratique.
Par ailleurs, nulle sortie des énergies fossiles n’est mentionnée explicitement, pas plus qu’une transition massive vers les énergies renouvelables. Si des financements pour l’adaptation des pays vulnérables au changement climatique sont assurés jusqu’en 2025, l’objectif d’obtenir 100 milliards par an ayant été prolongé, les choses demeurent très vagues sur le mécanisme qui permettra de les mobiliser réellement. Et la somme n’est pas à la hauteur. Selon l’ONG Oxfam, les pays en développement vont en effet avoir besoin d’environ 800 milliards par an d’ici à 2050 pour s’adapter au dérèglement climatique. C’est un peu comme si la réalité du changement climatique, son impact sur des millions d’existences précaires, n’étaient finalement pas pris en compte.
Enfin, la question des droits humains est à peine esquisée en préambule, la question des femmes oubliée, et des secteurs polluants de première importance, comme l’aviation civile ou le transport maritime, ne sont pas inquiétés puisqu’il n’est rien dit de la mobilité….
[…]
De notre côté, nous n’avons jamais cru que l’Accord de Paris serait décisif. Il s’agit plutôt d’un jeu diplomatique qui peut débloquer certaines portes. C’est aussi l’occasion de porter nos messages, d’organiser le mouvement de la société civile et de porter sa parole.
Hier après-midi, pendant qu’au Bourget les officiels discutaient des détails, des milliers de citoyens défilaient dans Paris, se géolocalisant afin de former un message pour la justice climatique, ou formant les lignes rouges à ne pas dépasser pour construire un monde vivable pour tous. Ces lignes n’ont pas encore pénétré les textes officiels. Mais elles existent dans la conscience d’un nombre croissant de gens ordinaires, dont la rencontre tisse le grand mouvement climatique de demain.
« En intégrant un objectif de limitation à long terme de 2°C de hausse de la température moyenne mondiale – avec une référence à la limite de 1,5°C – les gouvernements envoient un signal fort indiquant que les gouvernements sont engagés à s’aligner sur la science. L’accord contient bien les éléments pour créer l’opportunité de rendre les actions gouvernementales de plus en plus fortes au fil du temps en termes d’atténuation, d’adaptation et de finance. C’est un point important mais nous sommes très inquiets devant le fait qu’il n’y a aucune garantie de soutien pour ceux qui seront les plus touchés par les impacts du changement climatique, particulièrement les populations les plus vulnérables. »
« Les discours parfois inspirés des chefs d’Etat lors de l’ouverture de la COP21 n’ont pas survécu aux petits arrangements entre amis habituels des négociations climat. L’Accord de Paris n’est pas une fin en soi et les Etats devront se donner à l’avenir les moyens de répondre à l’urgence climatique. Les engagements de financements pour soutenir les plus vulnérables devront être clarifiés dans les années à venir à travers la mise en place d’une taxe sur les transactions financières européenne ambitieuse. »
« Le gouvernement français cherche à sauver les apparences, mais il n’est en aucun cas en train de sauver le climat. Malgré tout, le dérèglement climatique n’est pas une fatalité : les peuples du monde entier sont déterminés à ne pas laisser leurs dirigeants et les multinationales mettre en péril leur futur. Nous déclarons donc l’état d’urgence climatique, et continuerons sans relâche notre mobilisation pour transformer le système extractiviste et productiviste à l’origine du dérèglement climatique en des sociétés soutenables plus justes, plus solidaires et en paix. »
L’accord de Paris ne garantit pas que le monde restera bien en dessous 2°C de réchauffement. L’action doit continuer au niveau international, national et local. Alors que 1000 maires de villes du monde entier se sont engagés à soutenir un cap vers 100% d’énergies renouvelables en 2050, la France doit maintenant acter cet objectif et revoir à la hausse ses ambitions en matière d’énergies renouvelables pour 2018 et 2023 dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cet objectif ne sera crédible que s’il s’accompagne de l’arrêt de certains projets néfastes. L’Etat doit également engager les entreprises dont il est actionnaire vers la fin du charbon. Les solutions existent avec des initiatives locales s’appuyant sur des dynamiques citoyennes comme les territoires à énergie positive, les projets citoyens d’énergies renouvelables ou encore les démarches zéro déchet. Enfin, la France – qui a pris des engagements conséquents cette semaine – doit convaincre ses partenaires européens d’instaurer une taxe européenne ambitieuse qui pourrait dégager entre 24 et 34 milliards d’euros par an, dont 50% iraient à la lutte contre le changement climatique, pour soutenir les plus vulnérables.
(Sources : Réseau Action climat – Greenpeace – AFP)
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