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Obésité : une découverte bouleverse 60 ans de certitudes sur le métabolisme des graisses

Une découverte toulousaine sur une enzyme clé ouvre la voie à de nouveaux traitements

Depuis les années 1960, la lipase hormono-sensible (HSL) (1) est connue comme l’enzyme qui permet d’accéder à l’énergie stockée dans nos graisses. On pourrait dès lors penser que son absence provoquerait une obésité par excès de masse grasse. Ce n’est pourtant pas le cas : c’est même l’inverse qui se produit. Une équipe de l’Université de Toulouse et de l’Inserm, au sein de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, a résolu ce paradoxe en montrant que cette protéine agit également de façon inattendue dans le noyau de nos cellules graisseuses. Cette découverte, publiée ce 23 octobre dans la revue Cell Metabolism, ouvre de nouvelles pistes pour prévenir et soigner les complications liées à l’obésité.

Maladie chronique en forte progression, l’obésité s’impose aujourd’hui comme l’un des défis majeurs de santé publique dans les pays industrialisés. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) la qualifie de première épidémie non infectieuse de l’histoire, tant son expansion est rapide et mondiale. Sa prise en charge est désormais une priorité sanitaire, d’autant que l’excès de poids touche des individus de plus en plus jeunes, parfois dès l’enfance. En France, la prévalence de l’obésité chez les adultes est d’environ 17 % (étude Obépi-Roche 2020). D’autres sources indiquent jusqu’à 18 % (ou 18,1 %) en 2024. Le surpoids + l’obésité concernent près de 47-48 % des adultes français. Chez les enfants et adolescents de 6 à 17 ans en France, la prévalence de l’obésité est d’environ 4 % (et le surpoids + obésité ~20 %) selon la HAS en 2025. Certaines études évoquent pour la France une cible de 25-29 % d’obésité d’ici à 2030.
C’est dans ce contexte qu’une équipe de chercheurs toulousains vient de lever le voile sur un mécanisme cellulaire inédit, susceptible de bouleverser notre compréhension — et bientôt le traitement de l’obésité.

Quand nos graisses deviennent des organes régulateurs

Nos cellules graisseuses, appelées adipocytes, ne servent pas seulement à stocker des kilos en trop. Elles jouent un rôle clé dans la gestion de l’énergie du corps. Elles accumulent des graisses sous forme de gouttelettes lipidiques, que l’organisme peut mobiliser selon ses besoins — notamment lors des périodes de jeûne entre les repas. Pour ce faire, il utilise la protéine HSL comme un interrupteur. Quand le corps manque d’énergie, HSL est activée par des hormones comme l’adrénaline, libérant les graisses pour fournir du carburant aux organes.

En l’absence de cette protéine, on pourrait supposer que le « robinet énergétique » est fermé et que les graisses vont s’accumuler. Pourtant, de façon paradoxale, les chercheurs ont observé chez la souris — et chez des patients porteurs de mutations du gène HSL — que cela ne conduit pas à une obésité, mais à son contraire : une baisse de la masse grasse, appelée lipodystrophie.

Lipodystrophie et obésité : deux faces d’un même déséquilibre

Obésité et lipodystrophie semblent opposées : dans un cas, trop de graisse ; dans l’autre, pas assez. Mais toutes deux partagent un même problème : un dysfonctionnement des adipocytes, qui perturbe le métabolisme et entraîne des complications métaboliques et cardiovasculaires similaires (résistance à l’insuline, diabète, stéatose hépatique, etc.).

Pour comprendre ce phénomène, l’équipe dirigée par Dominique Langin, professeur à l’Université de Toulouse et chercheur à l’I2MC, a montré que la HSL ne se limitait pas à son rôle enzymatique sur la surface des gouttelettes lipidiques : elle est aussi présente dans le noyau des cellules graisseuses. « Dans le noyau des adipocytes, HSL est capable de s’associer avec de nombreuses autres protéines et de participer à un programme qui maintient une quantité optimale de tissu adipeux et des adipocytes “en bonne santé” », précise Jérémy Dufau, co-auteur de l’étude et auteur d’une thèse sur le sujet.

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Rôles de la HSL dans les adipocytes. La HSL participe à la mobilisation des graisses stockées dans la gouttelette lipidique. Dans le noyau, elle assure le fonctionnement harmonieux de l’adipocyte. Crédit : I2MC, 2025. Créé avec biorender.com.

Une enzyme sous haute surveillance hormonale

Les chercheurs ont aussi découvert que la quantité de HSL dans le noyau est finement régulée. L’adrénaline, qui active HSL à la surface des gouttelettes lipidiques, favorise simultanément sa sortie du noyau pendant le jeûne. Mais dans les situations pathologiques, comme chez la souris obèse, la quantité de HSL dans le noyau augmente anormalement, perturbant la santé du tissu adipeux. « HSL est connue depuis les années 1960 comme une enzyme de déstockage des graisses. Mais on sait désormais qu’elle joue aussi un rôle essentiel dans le noyau des adipocytes, où elle participe au maintien d’un tissu adipeux sain », conclut Dominique Langin.
Ce nouveau rôle pourrait expliquer la lipodystrophie observée chez les patients dépourvus de HSL et ouvre des perspectives inédites pour comprendre et traiter les maladies métaboliques, comme l’obésité.

L’obésité : un défi de santé publique mondial

Cette découverte intervient dans un contexte d’urgence sanitaire. En effet, en France, un adulte sur deux est aujourd’hui en situation de surpoids ou d’obésité, selon Santé publique France.
Dans le monde, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que plus de 2,5 milliards d’adultes sont concernés, soit plus d’un tiers de la population mondiale. Chez les enfants et adolescents, le nombre de cas d’obésité a été multiplié par quatre depuis 1975.
Cette pathologie complexe augmente le risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de certains cancers, et impacte lourdement la qualité et l’espérance de vie. Au-delà de la génétique et du mode de vie, la recherche s’intéresse désormais aux mécanismes cellulaires et hormonaux qui gouvernent le stockage et la libération de l’énergie — un champ où la découverte toulousaine apporte une clé majeure.

Comment va-t-on soigner l’obésité à partir de cette découverte ?

La mise en lumière du rôle nucléaire de la HSL change la donne. Jusqu’à présent, les traitements de l’obésité ciblaient essentiellement l’appétit, l’absorption des graisses ou le métabolisme global. Désormais, il devient possible d’imaginer des thérapies visant à restaurer ou moduler la fonction de HSL dans le noyau des adipocytes, afin de maintenir un tissu adipeux sain et fonctionnel. Les chercheurs envisagent plusieurs pistes : développer des molécules capables de réguler la localisation ou l’activité nucléaire de HSL ; identifier les protéines partenaires de HSL pour corriger les dérèglements métaboliques ; utiliser ces découvertes pour affiner la médecine personnalisée de l’obésité et des lipodystrophies rares.

Ces avancées pourraient, à terme, permettre de prévenir la dégradation du tissu adipeux, de limiter les complications métaboliques et d’améliorer la santé globale des patients.

Un espoir de prévention et de compréhension

L’étude de l’équipe toulousaine offre une vision nouvelle : nos graisses ne sont pas de simples réserves d’énergie, mais des organes métaboliquement actifs, capables de réguler leur propre équilibre. Comprendre ces mécanismes ouvre la voie à des stratégies thérapeutiques plus fines, fondées sur la biologie cellulaire, plutôt que sur la seule restriction calorique.
La poursuite des recherches sur la HSL et ses fonctions multiples pourrait bien marquer un tournant dans la lutte contre l’obésité — une maladie du siècle dont les racines sont aussi profondes que cellulaires.

(1) Enzyme clef du métabolisme lipidique. Exprimée dans le tissu adipeux, elle régule la production d’acides gras. En période de restriction calorique, l’hydrolyse des triglycérides en acides gras libres couvre la majeure partie des besoins énergétiques de l’organisme.

Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet SPHERES, qui est un projet de 7 ans (2020-2027) financé par le Conseil européen de la recherche (ERC) dans le cadre du programme de recherche et d’inno-vation Horizon 2020 de l’Union européenne (accord de subvention N°856404).

Sources scientifiques sur la découverte (HSL et adipocytes) :

  • Cell Metabolism, “Hormone-sensitive lipase controls nuclear programs maintaining adipocyte function”, 23 octobre 2024.
    ↳ Étude publiée par l’équipe de Dominique Langin, Inserm / Université de Toulouse / I2MC (Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires). Résumé sur Cell Press (consulté en octobre 2024).
  • Communiqué de presse Inserm – Université de Toulouse (I2MC), octobre 2024 : “Une enzyme bien connue des graisses dévoile une nouvelle facette au cœur du noyau cellulaire.” inserm.fr – Actualités scientifiques, 23 octobre 2025
  • Interviews de Dominique Langin et Jérémy Dufau, chercheurs à l’I2MC, publiées dans les communiqués Inserm (octobre 2024)

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