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Macron, comme Bolsonaro, veut déforester l’Amazonie en Guyane
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Macron, comme Bolsonaro, veut déforester l’Amazonie en Guyane

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La France, qui a accueilli en 2015 l’historique Accord de Paris sur le climat et qui vient de coorganiser un sommet international pour aider à préserver les trois plus grandes forêts tropicales encore existantes dans le monde, cherche à obtenir une dérogation politique de l’Union européenne lui permettant de financer la coupe rase de milliers d’hectares de forêt amazonienne intacte et riche en biodiversité pour la production de bioénergie. Si ce plan fonctionne, les arbres abattus et la biomasse ligneuse cultivée sur les terres déboisées de Guyane française fourniraient du carburant aux nouvelles centrales biomasse, contribuant ainsi à alimenter le port spatial de Kourou pendant des décennies.

Début février, les alliés politiques du président Emmanuel Macron ont progressivement introduit, dans les dernières étapes des négociations sur la troisième directive de l’UE sur les énergies renouvelables (REDIII), un amendement qui fait aujourd’hui polémique.

L’objectif principal de la directive est de permettre aux autorités politiques de se conformer à la loi visant à réduire les émissions de carbone de l’UE de 55 % d’ici 2030. Ces nouvelles réglementations visent à limiter les subventions et le bois récolté dans les forêts indigènes dans le but de fabriquer des granulés de bois à brûler pour la production d’énergie. Cependant, la dernière itération de la directive RED continue de définir la biomasse ligneuse comme une source d’énergie renouvelable et neutre en carbone, même si de nombreuses études montrent qu’elle « dégage des niveaux plus élevés d’émissions de carbone que le charbon », et même si les arbres abattus pour produire de la biomasse et qui mettent plusieurs décennies à repousser ne peuvent pas atteindre la neutralité carbone dans les délais urgents requis pour lutter efficacement contre la crise climatique.

Plus de 98 % de la Guyane française est constituée de forêts tropicales et de mangroves intactes et riches en biodiversité. Mais la France poursuit ses efforts pour couper à blanc des portions de la forêt tropicale afin de produire de la biomasse énergétique. Image de Ronan Liétar via Wikimedia.

Si l’amendement sollicité par la France est approuvé, « cela représenterait le premier encouragement pour le remplacement de milliers d’hectares de forêts [amazoniennes] riches en biodiversité par des plantations intensives d’arbres à des fins énergétiques », a déclaré Marine Calmet, présidente de l’ONG Wild Legal, basée à Paris.

La France a les yeux braqués sur les richesses de la forêt amazonienne

La directive RED s’applique à la Guyane française, département français situé sur la côte nord de l’Amérique du Sud et limitrophe du Brésil. Il représente le seul ancrage territorial de l’Europe en Amazonie. Malgré ses 268 000 habitants, la Guyane française est encore constituée à plus de 98 % de forêts tropicales et de mangroves intactes et riches en biodiversité.

Depuis des années, le gouvernement français a les yeux braqués sur les vastes étendues de forêts du département pour leur potentiel bioénergétique. Le but premier était de brûler le bois, puis d’utiliser les terres défrichées pour faire pousser des cultures bioénergétiques dans des plantations d’arbres, de soja et de canne à sucre.

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Les adeptes français de cette exemption environnementale à la directive REDIII veulent permettre à IDEX, une entreprise de construction française, de bâtir deux centrales biomasse d’ici 2024-2025 pour fournir de l’énergie à l’Agence spatiale européenne et à l’Agence spatiale française dans le district de Kourou, sur la côte nord de la Guyane française. Ces centrales consommeraient environ 120 000 tonnes de biomasse ligneuse amazonienne par an pendant au moins 20 ans, contribuant ainsi à alimenter le port spatial européen.

Si la construction a lieu, IDEX pourra bénéficier de subventions publiques européennes pour la construction et de subventions publiques françaises pour la vente de bioénergies.

L’ONG Biofuelwatch estime que la déforestation de plus de 5300 hectares de forêt tropicale sur une période de 20 ans serait nécessaire pour produire 120 000 tonnes de biomasse. Les défenseurs de l’environnement soulignent que l’usine libérerait également du carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait un effet néfaste sur le climat.

Une rainette tropicale colorée en Guyane française. Ce département français d’outre-mer est connu pour son extraordinaire biodiversité amazonienne, avec de nombreuses espèces que la science n’a pas encore inventoriées. Image de Stephan Roletto via Flickr.

Les responsables gouvernementaux de Guyane française soutiennent cette proposition comme un moyen de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis des combustibles fossiles. Les responsables locaux espèrent également que la bioénergie créera de nouveaux emplois dont le territoire a tant besoin, avec un taux de chômage s’élevant actuellement à 26 %.

Parallèlement, dans le cadre d’une menace similaire pour les forêts tropicales de la Guyane française, la France a récemment obtenu gain de cause en appel d’une décision de justice rendue en 2021 dans son département d’Amérique du Sud, qui avait empêché le projet de coupe rase de 230 000 hectares — soit une superficie équivalant à trois fois celle de la ville de New York — de forêt tropicale dense et intacte en Guyane française afin de cultiver du soja pour trois grandes centrales électriques à biocarburant liquide (remplaçant les centrales vieillissantes fonctionnant aux combustibles fossiles), dans le but de produire de l’énergie pour l’ensemble de la population.

Francois Kuseni, défenseur de l’environnement en Guyane française, a déclaré à Mongabay que les ONG en France et dans son département font appel de la décision de justice. Les décisions concernant la dérogation de la directive REDIII et le plan de biocarburants liquides pourraient être prises en mars.

Carte historique de la végétation en Guyane française. En 2007, la France a conservé une grande partie du sud de la région, mais la majorité de la zone côtière ne bénéficie pas de protections aussi fortes. Image offerte par Perry-Castañeda Library Map Collection University of Texas Austin.

« Très inquiétant »

Les écologistes de l’UE, qui n’ont appris l’existence de la proposition de la directive RED qu’après sa présentation, sont atterrés. Ils se sont empressés de former une opposition à la dérogation au sein du Conseil européen, de la Commission européenne et du Parlement, alors que les négociations en vue de la conclusion de la directive REDIII se poursuivent.

« C’est très inquiétant que le gouvernement français fasse pression sur l’UE pour être autorisé à déboiser une partie de l’Amazonie », a déclaré Almuth Ernsting, experte en bioénergies chez Biofuelwatch en Écosse. « Comble de l’ironie, le même gouvernement français coorganisera le mois prochain, [il a eu lieu le 1er mars], un One Forest Summit au Gabon [Afrique] consacré à la protection des trois plus grandes forêts tropicales encore existantes dans le monde. En encourageant la déforestation dans une partie de la forêt tropicale qu’elle contrôle, la France risque de perdre toute crédibilité en matière de préservation des forêts dans le monde et de ses engagements envers le changement climatique ».

Pour l’instant, la politique administrative de l’UE ainsi que les tribunaux ont empêché cette déforestation ciblée en Guyane française, alors que d’autres parties de l’Amazonie telles que le Brésil, le Pérou et l’Équateur font l’objet de vastes coupes rases dans le but de construire des ranchs, des routes, des plantations et d’extraire des ressources. Cette destruction continue de l’environnement menace la faune et la flore et pousse la plus grande forêt tropicale du monde à passer du statut de puits net de carbone à celui de source nette de carbone, ce qui pourrait perturber le cycle de l’eau et les régimes climatiques en Amérique du Sud et dans le monde.

Les défenseurs des forêts condamnent également la déforestation incontrôlée qui continue de porter atteinte aux droits et à la qualité de vie des peuples indigènes d’Amazonie et craignent que cela ne se produise en Guyane française.

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Kourou, commune de Guyane française où la France cherche à obtenir une dérogation de l’UE pour subventionner la construction et l’exploitation de deux centrales électriques biomasse qui fourniraient de l’énergie à l’Agence spatiale européenne et à l’Agence spatiale française. Image offerte par l’Agence spatiale européenne.

Mobilisation pour s’opposer à la dérogation

Ces dernières semaines, les défenseurs des forêts se sont mobilisés pour s’opposer à la dérogation proposée. Une pétition circule actuellement dans l’UE, intitulée « Amazonie en danger : stop à l’essor de l’industrie biomasse en Guyane ». Le 7 février, le quotidien Le Monde a publié une tribune signée par 19 environnementalistes et scientifiques, principalement français, qui s’opposent au projet. La forêt de Guyane « est à la fois l’une des plus riches et des moins fragmentées, reconnue comme l’une des 15 zones de forêts tropicales humides les mieux préservées de la planète », ont-ils écrit, ajoutant :

« La France, sous le couvert de développer cette énergie qui n’a de vert que la couleur des arbres qu’elle consume, entend, notamment, verdir le secteur spatial, une activité qui représente à elle seule 18 % de l’électricité produite en Guyane, et lancer des projets de production locale de nouveaux [biocarburants] sur ces terres déboisées. Envoyer dans l’espace des fusées repeintes en vert grâce aux biocarburants semble être une priorité, là où la préservation des conditions d’habitabilité de notre planète ne l’est pas. »

Aussi, les défenseurs des forêts ont rapidement souligné l’incongruité de la dérogation de la Guyane française, alors que la France soutient une nouvelle politique européenne agressive qui vise à interdire l’importation de produits de base tels que l’huile de palme, le soja, le bœuf, le caoutchouc et le cacao produits sur des terres récemment déboisées partout dans le monde.

Marine Calmet, présidente de l’ONG Wild Legal, a souligné que les opposants à la dérogation ciblent le président Macron dans leur attaque en raison de son image soigneusement élaborée de champion mondial de l’environnement : « Nous espérons faire basculer les choses », a-t-elle déclaré. « Macron déteste ce genre de critique ».

Martin Pigeon, un défenseur du climat et des forêts au sein de l’ONG Fern en Belgique, a cosigné la tribune du Monde. Il a déclaré à Mongabay qu’étant donné que les partis libéraux et verts du Parlement européen ainsi que d’autres partis au sein de la Commission européenne semblent s’opposer à la dérogation de la Guyane française, il est possible que la proposition échoue.

Bien que la France puisse toujours poursuivre son projet sans obtenir le feu vert de la directive REDIII, M. Pigeon a déclaré que la France et l’UE ne seraient pas en mesure d’accorder des subventions publiques pour la bioénergie du port spatial, ce qui pourrait compromettre la viabilité financière du projet. Selon lui, « il devrait être évident pour quiconque acceptant les preuves scientifiques de la crise du climat et de la biodiversité, que les forêts devraient être entretenues et reconstituées autant que possible partout en Europe et dans le monde ».

Marine Calmet, qui est aussi cosignataire de la tribune du Monde, a déclaré qu’elle était affligée par les actions de son gouvernement. En effet, ce dernier bénéficie d’une réputation internationale en matière d’activisme environnemental, mais ses actions, selon elle, sont souvent contradictoires. « Les forêts tropicales de Guyane sont si riches en biodiversité qu’elles n’ont même pas été totalement inventoriées par les scientifiques », fait-elle observer. « Comment est-il alors concevable d’autoriser l’introduction [d’une dérogation] pour détruire le seul territoire [détenu par] l’Europe qui abrite une grande forêt tropicale ? Alors que [l’ancien président du Brésil] Jair Bolsonaro quitte à peine le pouvoir, remplacé par le président Lula, qui s’est engagé à mettre fin à la déforestation, il est impensable que la France veuille se diriger dans cette si mauvaise direction ».

Justin Catanoso, Mongabay 

 Cette enquête a été réalisée par Mongabay dans le cadre de l’initiative Covering Climate Now dont UP’ Magazine est membre

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