L’arrivée en Europe de Solenopsis invicta, communément appelée fourmi de feu, est confirmée en Sicile. C’est l’une des espèces de fourmis envahissantes les plus nuisibles au monde, constituant une menace sérieuse pour les écosystèmes, l’agriculture et la santé humaine. Sa piqûre est venimeuse et brûlante, et comme ces insectes vivent en bandes de plus d’un demi-million d’individus, ils peuvent facilement attaquer et écraser des proies plusieurs fois plus grandes qu’eux. Les experts s’alarment, craignant qu’elles n’envahissent l’ensemble du continent.
Aujourd’hui, les fourmis de feu rouges importées (Solenopsis invicta) sont la cinquième espèce invasive la plus coûteuse au monde, causant des milliards de dollars de dégâts environnementaux dans de nombreux pays. Comme son nom l’indique, cette espèce possède une piqûre venimeuse et brûlante, et comme ces insectes vivent en bandes de plus d’un demi-million d’individus, ils peuvent facilement attaquer et écraser des proies plusieurs fois plus grandes qu’eux. À mesure que les colonies s’étendent, elles engloutissent plantes et animaux, envahissant et débarrassant les terres d’une faune et d’une flore précieuses.
Ces fourmis sont réputées pour posséder l’un des venins les plus irritants au monde. Ses piqûres « ardentes » provoquent en effet de fortes douleurs, des démangeaisons, voire plus dans certains cas. Mortelle pour les petits animaux comme les oiseaux, la piqûre de la fourmi de feu n’est en principe pas létale pour l’Homme, mais certains rapports médicaux ont signalé plusieurs décès causés par un choc anaphylactique consécutif à une piqûre de Solenopsis invicta.
Les fourmis de feu, en plus d’être une espèce invasive, sont des prédatrices très dangereuses pour les œufs d’autres insectes, voire d’autres fourmis. Les ouvrières rouges agitent leur abdomen afin de diffuser ce venin destructeur dans l’air sous forme de gouttelettes. En Australie, cette espèce envahissante est sur le point de dépasser les dommages environnementaux causés par les chats et les chiens sauvages, les renards, les chameaux, les lapins et les crapauds de canne combinés.
L’une des pires espèces invasives
« S. invicta est l’une des pires espèces envahissantes. Elle peut se propager à une vitesse alarmante« , explique Mattia Menchetti, biologiste de l’évolution à l’Institut de biologie de l’évolution en Espagne. L’on estime que la reine pond en moyenne un œuf par minute, et peut pondre jusqu’à 2 000 œufs par jour, ce qui permet à de nombreuses colonies de se créer et s’étendre très rapidement sur un nouveau territoire. Elles sont de plus extrêmement résistantes au froid, pouvant survivre à des températures atteignant les -10°C.
Les fourmis de feu sont comme des mauvaises herbes envahissantes : elles se répandent plus facilement dans les zones déjà perturbées par l’homme. Alors que notre propre espèce modifie radicalement le visage de la planète, les fourmis nous emboîtent le pas.
Depuis des années, les scientifiques nous avertissent que la propagation mondiale de ces fourmis de feu est en grande partie inévitable. Au cours du siècle dernier, l’espèce a déjà atteint le Mexique, le sud des États-Unis, la Chine, Taïwan, l’Australie, les Caraïbes, le Japon et les Philippines. Historiquement, la plupart de ces infestations semblent provenir du sud des États-Unis. Avec la mondialisation du commerce, les experts affirment que les fourmis de feu ont plus de chances que jamais de faire le tour du monde dans des produits tels que le gazon, les plantes de pépinière, le foin ou les ruches. Il suffit qu’un colis infesté passe entre les mailles du filet. En Europe, les autorités ont déjà intercepté quelques produits contaminés à la frontière au fil des ans.
Si ces fourmis parviennent à franchir un port, elles ont la capacité à se disperser sur de longues distances, souvent aidées par le vent. Elles peuvent ainsi parcourir des kilomètres en peu de temps, en volant sur les courants d’air ou en créant des radeaux avec leur propre corps pour flotter sur les rivières ou les eaux de crue. Elles peuvent même se déplacer sous terre. Autant de raisons pour appeler à une détection précoce et à une action coordonnée au niveau européen immédiate pour contenir leur progression.
Les fourmis de feu sont à Syracuse
« Pendant des décennies, les scientifiques ont craint que [les fourmis] n’arrivent [en Europe]« , explique M. Menchetti. « Nous n’en avons pas cru nos yeux lorsque nous l’avons vu. M. Menchetti et ses collègues ont été mis au courant de l’existence des fourmis de feu lorsqu’ils ont reçu une photographie de l’espèce en provenance de Sicile. » Pour voir les fourmis de leurs propres yeux, l’équipe s’est rendue dans la région, située près de Syracuse. Les chercheurs ont trouvé 88 nids sur un terrain relativement petit, près d’une rivière, et ces colonies comprenaient déjà des milliers de fourmis ouvrières.
« La manière dont l’espèce a atteint ce site n’est pas claire, mais aucun grand projet d’aménagement paysager ou de plantation ne semble avoir eu lieu au cours des dernières années et il est très peu probable qu’il s’agisse du premier point d’arrivée et du seul emplacement dans la région », écrivent les chercheurs. « La proximité de l’un des principaux ports de marchandises de l’île, le port d’Augusta (∼13 km vers le nord), pourrait jouer un rôle dans son introduction. »
Les habitants de l’île ont déclaré aux scientifiques qu’ils se faisaient piquer depuis au moins 2019, ce qui signifie que les fourmis se sont probablement répandues dans d’autres régions également. En comparant la génétique des fourmis de feu d’Italie à celle d’autres régions du monde, les chercheurs estiment qu’elles sont probablement venues des États-Unis, de Chine ou de Taïwan jusqu’à un port d’Italie, avant de se propager à l’intérieur des terres.
Les chercheurs estiment qu’environ 50 % des zones urbaines en Europe sont propices à la colonisation par cette fourmi invasive, et le réchauffement climatique ne fera que faciliter son expansion sur le territoire. « C’est d’autant plus préoccupant que de nombreuses villes, dont Londres, Amsterdam et Rome, disposent de grands ports maritimes, ce qui pourrait permettre aux fourmis de se répandre rapidement dans d’autres pays et continents« , explique le biologiste Roger Vila, également de l’Institute of Evolutionary Biology (Institut de biologie évolutive).
Menchetti, Vila et leurs collègues prévoient maintenant d’éradiquer le plus grand nombre possible de nids de fourmis de feu en Sicile. On ne sait pas combien de temps ils pourront empêcher la propagation de l’espèce.
Source Current Biology