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biomimétisme
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Les nouveaux promoteurs d’inventions bioinspirées

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L’année 2015 a été jalonnée d’événements pour montrer les atouts du biomimétisme pour l’industrie. La prochaine loi biodiversité qui sera discutée en janvier au Sénat doit renforcer les impulsions dans ce domaine. Enjeux et perspectives. 
 
“Ce n’est pas à la nature de produire comme nos usines, c’est à nos usines de produire comme la nature”
Gunter Pauli, promoteur de l’économie bleue et directeur de la Fondation Zéri. 
 
« La nature fait des tas de choses avec une économie de moyens ; pourquoi ne pas faire comme elle ? » Celui qui s’exprime ainsi n’est pas un doux rêveur mais un homme d’affaires. Antonio Molina Nolin, président fondateur de la société Mäder (1), est un des premiers acteurs mondiaux de la peinture technique, qui va annoncer en mars la mise sur le marché d’une peinture dite « biosourcée » : la base polyester est issue de l’amidon de maïs. Passionné d’innovation, il croit aux bonnes idées que l’évolution a cristallisées dans les organismes vivants.
Président du Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis (CEEBIOS) il a introduit le colloque des 16 et 17 décembre dernier consacré aux « Recherches inspirées de la biodiversité » qui a été organisé conjointement par le CEEBIOS et le Muséum nationale d’histoire naturelle (MNHN). « Il faut bien se rendre compte que l’industrie a tout à gagner si elle se tourne vers des procédés proches des métabolismes biologiques, explique-t-il. Les solutions biomimétiques évitent les rejets de CO2, les extractions de matières fossiles, et elles économisent de l’énergie. Un exemple très simple est le durcissement des peintures (polymérisation) dans l’industrie qu’on effectue classiquement dans des fours à 300°C. Nous savons aujourd’hui comment fabriquer des peintures qui polymérisent sous l’effet de la lumière ultraviolette, ce qui économise toutes les pertes en chaleur ». 
 
Bien d’autres « innovations futées » ont été présentées pendant le colloque. Copier la soie d’araignée est au cœur des projets des sociétés Amsilk (en Allemagne), Kraig Biocraft Laboratories et Araknitech (aux Etats Unis), Spiber (au Japon). Cette dernière produit 10 tonnes/an de son fil de soie artificiel, bien plus résistant que du kevlar. Ces entreprises ont transféré les gènes d’araignée, soit dans des vers à soie, soit dans des bactéries ou encore dans des chèvres. Quand la biologie de synthèse fait alliance avec le biomimétisme…
Les exposés ont aussi montré la fécondité des échanges entre écologues, évolutionnistes, taxonomistes et ingénieurs. « Nous avons vu que la connaissance des filiations permet d’avoir des stratégies judicieuses pour trouver des propriétés communes entre organismes, relate Vincent Bels, professeur au MNHN et initiateur du colloque. On peut ainsi cibler les tests analytiques. Le biologiste souligne la pertinence des solutions biologiques qui intègrent des exigences diverses des écosystèmes mais aussi les échelles. C’est juste le contraire de ce que l’on fait dans l’habitat, par exemple, quand on construit des bâtiments parfaitement thermo-régulés. Résultat ? Les gens se précipitent pour …ouvrir les fenêtres ! Simplement parce qu’on n’a pas été capables d’intégrer plusieurs paramètres comme ici le besoin d ‘air ou d’interaction avec l’espace ouvert. A l’opposé,  le centre commercial d’Eastgate situé dans la ville de Harare au Zinbabwe a été conçu pour être ventilé et refroidi de manière totalement naturelle, en s’inspirant des termitières. Conçu par l’architecte Mick Pearce en 1996, il démontre que l’on obtient ainsi de formidables bénéfices multiples : économie d’énergie et confort à la fois. 
 
Portcullis House’s in the Eastgate Centre, Harare – Zimbabwe 
 
Les spécialistes qui se passionnent pour le biomimétisme ont un état d’esprit. Interdisciplinaire et réceptif. Ils sont capables de pirouettes mentales et revisitent les notions de performance. « Car le vivant ne gère pas la puissance et l’énergie comme on le fait dans l’industrie », insiste Antonio Molina Nolin. Changement de perspective aussi dans les matériaux « Pour les prothèses médicales, ce sont les trous dans la matière qui sont importants et non la matière » observe le président du CEEBIOS. Fasciné par les matières que cristallisent les organismes vivants, Jacques Livage (du Laboratoire de la matière condensée de l’Université Pierre et Marie Curie) a présenté sa découverte des diatomées dont les fines cavités servent à filtrer la bière, le vin ou l’eau de piscine. Le pionnier de la chimie douce a repéré aussi les propriétés optiques étonnantes des cages siliceuses de ces microalgues. Il envisage de les utiliser comme biosenseurs ou bioréacteurs. 
 
Diatomées, appelées bacillariophycées ou diatomophycées, sont des organismes microscopiques de nature végétale, vivant dans l’eau, soit en suspension (plancton), soit sur le fond, libres ou fixés à des supports divers.
 

LIRE AUSSI DANS UP‘ : Des inspirations qui vitalisent

Si le biomimétisme fait l’objet de politiques et investissements forts, notamment en Allemagne (voir la création du réseau Biokon, en 2001 sous la houlette du ministère de l’Education et de la Recherche (BMBF), qui regroupe une trentaine de laboratoires, d’instituts ou de centres de recherche et d’universités), on attend en France une impulsion de ce type….« La Région Aquitaine a annoncé la réalisation d’une cartographie et d’une feuille de route sur Croissance bleue et biomimétisme » signale Kalina Raskin, chargée du développement du CEEBIOS.
 

VOIR AUSSI DANS UP’ : L’interview de Kalina Raskin

Au niveau international, l’instance de normalisation ISO a publié deux textes faisant référence au biomimétisme, l’un consacré aux biomatériaux, l’autre aux algorithmes métaboliques. Il est clair qu’en France le CEEBIOS dans ses activités de formation, d’accompagnement, de démonstration, de mise en réseau, facilite l’articulation entre recherches et réalisations industrielles. Situé à Senlis, il crée une émulation entre acteurs de proximité présents sur le site agro-industriel de Pomacle Bazancourt (près de Reims), ceux de l’Institut Pivert en Picardie et de l’Institut Français des Matériaux Agro-Sourcés (IFMAS) à Villeneuve d’Ascq, tous deux labellisés comme ITE (Institut pour la Transition Energétique) dans le cadre du PIA (Programme d’Investissements d’Avenir). 
 
En 2015, le mouvement vers ces démarches biomimétiques s’est amplifié. Le 10 novembre dernier, le laboratoire d’excellence “Arcane” a co-organisé, avec le Commissariat général au développement durable du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, un colloque scientifique dédié aux recherches en matière de chimie biomimétique dans le contexte du développement durable et de la transition énergétique. Le Conseil économique environnemental et social (CESE) a aussi présenté – en septembre dernier – son rapport S’inspirer de la nature pour innover durablement, coordonné par Patricia Ricard. On y trouve le témoignage d’Idriss Aberkane, professeur à Centrale-Supelec, qui ose penser que nous trouverons sans doute dans vingt ans que nos usages actuels du pétrole sont bien ringards ! « Les matières premières ne sont pas infinies mais si nous basons notre croissance sur les connaissances, il n’y a plus de limites, propose-t-il. Et la nature est notre bibliothèque ! ».
 
Gilles Bœuf, ancien président de Muséum national d’histoire naturelle et pressenti pour piloter la prochaine Agence de la biodiversité, espère que 2016 mettra sur les rails quelques axes forts pour valoriser la bio-inspiration.  On attend la loi cadre  » pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » – sans cesse repoussée – mais qui « devrait être  examinée au Sénat à la mi-janvier et votée avant l’été », a déclaré la ministre de l’Ecologie le 8 décembre.
C’est cette loi qui doit instituer l’Agence de la biodiversité. Les associations et syndicats (FNE, la FNH, H&B, la LPO, CFDT, Surfrider Fondation et l’Unaf) ont manifesté leur impatience vis-à-vis des retards de calendrier. Il se pourrait que les industriels viennent ajouter leurs doléances, tant certains comprennent que miser sur la nature peut devenir stratégique : « 30% des produits chimiques seront produits par des procédés biotechnologiques d’ici 2040 » a indiqué Marc Fontecave, titulaire de la chaire Chimie des processus biologiques au Collège de France lors d’une conférence prononcée en mars 2015
 
 
(1) Sa petite entreprise de Maroeuil (Pas-de-Calais) est devenue en vingt ans un groupe de 850 salariés répartis dans 16 usines implantées dans une vingtaine de pays d’Europe et d’Asie.  La société dégage un chiffre d’affaires annuel de 200 millions d’euros  dont au moins 10 % sont consacrés chaque année à la R&D. 
 
 

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