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Biodiversité: une loi pour inverser la tendance ?

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Sommes-nous à l’aube d’une 6ème crise d’extinction des espèces ? Les scientifiques estiment que 60 % des services écosystémiques mondiaux sont dégradés. La COP 21 vient de s’achever, réaffirmant l’importance de la biodiversité pour l’adaptation et la lutte contre les changements climatiques, confortant ainsi l’importance que joue la biodiversité pour l’avenir de nos sociétés.
En cours de relecture au Sénat, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est une opportunité à saisir. Quarante ans après la loi du 10 juillet 1976, il s’agit de renverser la tendance et agir concrètement pour freiner l’érosion et reconquérir la biodiversité en France.
 
Partout dans le monde, cette biodiversité se dégrade. La France possède en la matière une responsabilité toute particulière, à la fois au regard de la taille de son espace maritime (le 2e au niveau mondial) et de la diversité de ses territoires, en métropole et en outre-mer. À l’échelle française, seuls 22 % des habitats naturels d’intérêt communautaire (1) sont en bon état de conservation (2). Cinq causes de dégradation ont été identifiées, toutes d’origine anthropique : disparition et destruction des milieux naturels, surexploitation des ressources, pollutions, introduction d’espèces invasives, changements climatiques. Si les humains sont à l’origine de cette dégradation, ils en subissent également les conséquences et sont les seuls à pouvoir trouver les solutions collectives pour y remédier.
 
Certaines grandes associations françaises (3)  font le pari que les moyens humains et financiers seront déployés à hauteur des enjeux. Une véritable transition écologique ne peut se faire sans l’intégration des enjeux de biodiversité et plus largement environnementaux dans l’ensemble des politiques sectorielles. Par ailleurs, la réussite de la loi dépendra in fine des niveaux de financement qui seront accordés à la biodiversité et à la future agence qui lui sera dédiée. Analyses et avis des associations.

Principes fondamentaux de la loi (articles 1 à 4)

La nouvelle loi entend apporter dans le code de l’environnement une vision plus dynamique de la biodiversité en inscrivant « la nécessité de veiller au maintien de la capacité d’évolution des écosystèmes ». Il précise et complète les principes généraux du droit de l’environnement  en :
1. apportant une définition complète et pertinente de la biodiversité ;
2. intégrant le principe de la solidarité écologique (existant déjà pour les parcs nationaux et la gestion de l’eau), qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés ;
3. précisant le principe de compensation écologique dans le domaine de la biodiversité.
Par ailleurs, sera inscrite la notion de préjudice écologique dans le code civil, rappellant l’importance du cadre que constitue la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et rend les stratégies régionales (SRB) obligatoires dans toutes les régions.
Les associations demandent à ce que les mesures essentielles qui consistent à étendre dans le code pénal le délit pour sévices existants pour l’animal domestique à l’animal sauvage et celles relatives à la pollution lumineuse soient réintroduites.
 
L’avis des associations :
 
Elles partagent cette vision dynamique et trouvent pertinent le renforcement des principes généraux du code de l’environnement ainsi que la mise en place d’un cadre collectif d’actions à travers la SNB et les SRB.
Cependant, elles ne peuvent souscrire au principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture instauré dans le code rural qui reconnaît n’importe quelle activité agricole ou sylvicole comme « bonne » pour l’environnement et sans aucune distinction entre les pratiques. Il faut revenir sur cette vision en fixant ce principe de complémentarité comme un objectif à atteindre pour ces secteurs d’activités afin de mettre les acteurs concernés devant leurs responsabilités.
Par ailleurs, elles portent l’inscription d’un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire de gain net, dans la mise en œuvre de la compensation écologique. Rappelons que lors des projets d’aménagements, la loi impose d’éviter, de réduire et de compenser les impacts sur la biodiversité. Il s’agit ici de fixer un objectif de résultats à cette compensation.
 
Enfin, les associations portent la reconnaissance des sols dans le patrimoine commun de la Nation avec la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général pour mieux les préserver. N’oublions pas qu’ils sont le support du vivant ainsi que de notre alimentation.
 

Gouvernance de la biodiversité (article 5 à 7 ter)

Ce second chapitre instaure une réforme des instances de gouvernance sur la biodiversité. Cette réforme crée deux instances différentes, articulées au niveau national, l’une sociétale (comité national de la biodiversité), l’autre scientifique et technique (conseil national de protection de la nature). A l’échelon régional, le comité régional trame verte et bleue deviendra le comité régional pour la biodiversité. En Outre-mer, le comité de bassin devient le comité de bassin et de la biodiversité.
Ce chapitre fait également entrer l’enjeu « lumière » dans la définition de la Trame verte et bleue.
 
L’avis des associations
 
Le projet de loi vient simplifier le paysage des instances consultatives placées auprès du ministre en charge de l’écologie, en confortant les deux piliers de la concertation que sont l’analyse scientifique et l’avis sociétal. Les associations soulignent que, dès lors qu’il s’agit d’écologie, toutes les parties et tous les acteurs sont invités à donner leur avis. Elles constatent que trop rarement encore les intérêts écologiques sont défendus dans les instances économiques, les sphères agricoles, forestières, cynégétiques, pharmaceutiques etc.
 
Elles saluent ces évolutions mais regrettent que cette réforme de la gouvernance reste au milieu du gué. Pourquoi s’arrêter au niveau régional ?
Elles proposent d’aller au bout de la démarche en réformant aussi les instances au niveau départemental par la fusion de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage avec la commission des sites, en formation protection de la nature, pour créer un unique comité de suivi des politiques de la biodiversité au niveau départemental. La création de ce comité départemental de la biodiversité permettrait par ailleurs aux conseils généraux de mieux rendre compte aux acteurs locaux de l’utilisation de la taxe pour les espaces naturels sensibles qu’ils perçoivent, dont le montant, rappelons-le, est plus  important que le budget de la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de l’écologie.
 

Agence française pour la biodiversité (articles 8 à 17 bis)

Une des mesures phares du projet de loi sera instituée par ce chapitre III : l’Agence française pour la biodiversité.
Cette agence regroupera quatre organismes existants : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l’Agence des aires marines protégées, Parcs nationaux de France et l’Atelier technique des espaces naturels. Elle intégrera également tout ou partie des personnels issus de plusieurs structures telles que la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux.
L’objectif est de créer, à l’image de l’ADEME (mais avec une gouvernance différente) pour l’énergie et les déchets, un opérateur unique et plus fort pour mettre en œuvre les  politiques de la biodiversité sur le territoire, qu’elles soient terrestres ou marines, et en associant dans une gouvernance équilibrée les acteurs. Sauf que le compte n’y est pas !
 
L’avis des associations :
 
La création de l’Agence française pour la biodiversité était une demande forte des associations, et la réussite de ce projet de loi dépend beaucoup de la création réussie de cette agence. Elle dépend notamment de deux choses :
1. Le rééquilibrage de son expertise qui pour le moment est majoritairement aquatique et marine. En effet, la  configuration actuelle revient à créer « une ONEMA élargie »  en laissant hors de son périmètre le plus gros opérateur ayant de l’expertise sur les milieux terrestres : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il est indispensable de l’intégrer pour ne pas avoir une agence « unijambiste ». Au vu de l’expérience de nombreux pays européens ayant institué de telle Agence, ce particularisme est un non-sens.
2. Les moyens humains (plafond d’emploi) et financiers supplémentaires par rapport à l’existant. Il faudrait a minima 250 millions d’euros de crédits d’intervention pour l’agence et 250 millions de crédits de fonctionnement via une taxe dédiée qui lui assure une autonomie d’intervention et une capacité d’actions pérennes. Les associations seront vigilantes sur le contenu de la prochaine loi de finances qui sera déterminant pour cela.
Par ailleurs, les structures soutiennent une double proposition : l’établissement d’un conseil d’administration efficace et resserré composé en particulier de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements donc certains issus de  l’outre-mer, ainsi que du personnel de l’agence. Celui-ci serait accompagné du futur comité national de la biodiversité comme conseil des parties prenantes de l’agence, chargé de donner un avis sur le budget, le programme et le document d’objectif qui lie l’agence à sa tutelle. Il faut de plus garantir une représentation significative des Outre-mer et des enjeux ultramarins dans le conseil d’administration de l’agence.

Gouvernance de la politique de l’eau (articles 17 ter à 17 quinquies)

Le chapitre III bis, introduit par les députés lors de l’examen du projet de loi en séance plénière à l’Assemblée, est très court. Il porte sur la gouvernance de la politique de l’eau et la composition des comités de bassin. Le rapport annuel 2015 de la Cour des Comptes indique que « la réforme de la composition des comités de bassin, intervenue en 2014, n’a que faiblement amélioré la représentativité du collège des usagers, qui se caractérise encore par une forte proportion des usagers professionnels ». En résumé, l’article 17 ter du projet de loi, dans sa version actuelle, conforte la réforme de 2014 et ignore les recommandations de la Cour des Comptes.
 
L’avis des associations :
 
Ainsi, souhaitent-elles que cet article soit modifié afin de garantir la représentation des usagers non professionnels au sein d’un collège spécifique du comité de bassin, en assurant une égalité entre la représentation des usagers professionnels et non professionnels de l’eau et des milieux aquatiques, et sans modifier l’équilibre général des représentations entre acteurs. En cohérence, les associations portent également une réforme pour que la représentation des usagers non économiques soit également améliorée au sein des conseils d’administration des agences de l’eau. En effet, il n’est pas acceptable au regard de l’élargissement des compétences des agences de l’eau et la répartition des coûts de gestion de l’eau majoritairement assumés par le contribuable, que les usagers non professionnels soient encore si peu nombreux pour participer aux décisions.
 
Enfin, sur ce thème de la composition des comités, on peut regretter que le projet de loi n’ouvre pas la recomposition d’autres comités sectoriels où les acteurs environnementaux sont minoritaires voire absents. À ce titre, on peut citer par exemple le Conseil supérieur de la forêt et du bois, le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire ou encore le Conseil national de l’Industrie. En effet, depuis le Grenelle, les instances de suivi des politiques environnementales se sont ouvertes aux autres acteurs via la mise en place d’une composition « grenellienne » équilibrée, soit une organisation en cinq collèges. Elles regrettent que la réciprocité ne soit pas d’actualité.
 

Accès aux ressources génétiques et partage juste et équitable des avantages (articles 18 à 26)

Le partage équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques, 3ème objectif de la Convention sur la Diversité Biologique décliné par le Protocole de Nagoya, vise à lutter contre la biopiraterie et assurer une utilisation équitable de ces ressources. Ce chapitre organise l’accès aux ressources génétiques et à l’utilisation des connaissances traditionnelles qui y sont associées ainsi que le partage des avantages qui en sont issus.
 
La traduction de ce dispositif en droit français est importante car nous sommes à la fois un pays utilisateur (recherche, industrie, etc.) et fournisseur de ressources génétiques, notamment grâce aux Outre-mer qui concentrent 85 % de la biodiversité nationale. La mise en place, en France, d’une régulation de l’accès aux ressources génétiques est donc une avancée. Elle doit fixer un cadre juridique clair pour les utilisateurs, garantir les droits des communautés locales ainsi qu’une totale transparence et un contrôle efficace.
Actuellement, le dispositif distingue deux grands régimes d’application : un régime de déclaration dans le cas de la recherche fondamentale, un régime d’autorisation dans le cas d’une recherche à vocation commerciale.
 
L’avis des associations :
 
Elles se félicitent de la traduction en droit français du protocole de Nagoya mais certains points restent à améliorer. Il faut notamment garantir le « consentement préalable donné en connaissance de cause » par les communautés d’habitants pour l’accès aux ressources génétiques situées sur le territoire sur lequel elles vivent. En effet, le projet de loi prévoit bien le consentement préalable des communautés d’habitants en cas d’utilisation de leurs connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques mais n’intègre pas ce consentement pour l’accès aux ressources génétiques. C’est très insuffisant et ne retranscrit que de manière partielle les principes du protocole de Nagoya. Lorsque les ressources se situent sur le territoire où vivent une ou plusieurs communautés d’habitants, même si c’est l’Etat qui exerce la souveraineté sur ces ressources, cela doit se faire dans le respect des principes du protocole de Nagoya. Enfin, autre lacune du projet de loi, qu’il s’agisse de l’accès à la ressource ou de l’utilisation des connaissances traditionnelles, l’avis des communautés locales – consentement ou non – doit être respecté.
 
Le respect des communautés locales est essentiel. Le chapitre IV pourrait constituer un signal fort pour améliorer l’articulation entre la République et les communautés autochtones en assurant leur prise en considération pour l’accès aux ressources génétiques situées sur un territoire où elles vivent depuis des siècles. Or le projet de loi ne prévoit ni l’obligation d’informer les communautés en cas d’accès à ces ressources génétiques, ni l’obligation de leur restituer les connaissances acquises à partir de ces prélèvements. Les associations demandent donc que ces deux obligations soient inscrites dans la loi afin de ne pas créer un sentiment de dépossession.
Le projet de loi ne prévoit en effet que l’information et la consultation des parcs nationaux, qu’en est-il pour la majorité des communautés d’habitants qui seront concernées et qui ne vivent pas dans un parc ? Cela crée un système discriminant selon le lieu où l’on vit, ce n’est pas acceptable dans une République qui porte l’étendard de l’égalité dans sa devise.
 
Enfin, puisque des autorités locales peuvent demander à gérer les questions relatives à l’APA, les associations demandent à ce que soient institués, dans ces cas, des « Comités territoriaux d’accès et de partage des avantages ». Constitués des parties prenantes concernées, ils seraient chargés de donner un avis à l’autorité décisionnaire sur les demandes d‘accès aux ressources génétiques. Un tel comité existe en Guyane. Elles souhaitent qu’il soit élevé au niveau législatif et qu’il puisse aussi exister dans les autres départements ultra-marins.
 

Espaces naturels et protection des espèces (articles 27 à 68 sexies)

Ce chapitre V opère des adaptations et compléments aux outils actuels de gestion des espaces naturels et de protection des espèces. Il instaure plusieurs mesures qui semblent utiles pour renforcer les dispositifs existants ou préserver certains milieux particulièrement fragiles. En voici quelques exemples :
– la création des obligations réelles environnementales : un propriétaire et une tierce partie (collectivité, association ou particulier) pourront passer un contrat pour la mise en place, sur la propriété et sur un temps long, de mesures favorables à la biodiversité ;
– la création des « espaces de continuités écologiques » : cet outil, à destination des élus locaux, permet de préserver, via une désignation volontaire dans le document d’urbanisme, des milieux naturels indispensables au bon fonctionnement des continuités écologiques ;
– l’interdiction de pratiquer le chalutage en eaux profondes, destructeur pour les fonds marins, ce qui constitue une avancée qu’il faut saluer ;
– l’extension de la protection des espèces à la zone économique exclusive et au plateau continental ;
– le rétablissement de l’exonération de la taxe foncière sur le foncier non bâti en zones humides ;
– la mise en place de zones de conservation halieutique, la reconnaissance dans le droit français des réserves biologiques (gérées par l’Office national des forêts), des zones humides Ramsar et des réserves de biosphère ;
– le confortement du rôle joué par le Conservatoire du littoral dans la maîtrise foncière des espaces sensibles sur le littoral ;
– le renforcement des possibilités d’enquête dans le cadre de la lutte contre le trafic d’espèces, de suivi des animaux en captivité et des sanctions en cas d’atteinte à la biodiversité.
 
L’avis des associations :
 
Elles saluent ces avancées qu’elles souhaitent bien sûr conserver mais il faut aussi rétablir des mesures disparues, adoptées lors des phases d’examen préalables du projet de loi. C’est le cas de :
– les « zones prioritaires pour la biodiversité » : cet outil, initialement créé par la loi sur l’eau de 2006 pour protéger les captages prioritaires en eau potable, pourrait être mobilisé pour la biodiversité. Il s’agit en effet d’un outil hybride innovant entre des approches contractuelle et réglementaire, puisqu’il vise à définir collectivement un programme d’actions pour la biodiversité sur un territoire à enjeux clairement identifié, programme pouvant s’imposer aux acteurs si les résultats escomptés n’arrivent pas. Nous proposons de restaurer cet outil afin de ne pas priver l’État français d’un levier pour obtenir des résultats pour la biodiversité dans des situations où (i) toutes les autres politiques, actions et outils ont échoué et où (ii) l’urgence pour la biodiversité se fait sentir, d’un point de vue écologique (risque de disparition d’une espèce…) ou juridique (risque de manquement à une directive européenne…) ;
– l’interdiction d’ici le 1er janvier 2017 de l’utilisation des néonicotinoïdes, molécules présentes dans certains insecticides qui sont problématiques pour les insectes pollinisateurs dont les abeilles, ainsi que pour la santé humaine ;
– l’interdiction de la chasse des mammifères pendant les différents stades de reproduction et de dépendance des jeunes, ce qui éviterait par exemple le déterrage des blaireaux en période d’élevage des jeunes ;
– et l’interdiction de la chasse aux oiseaux à la glu, non sélective et cruelle pour les animaux.
Par ailleurs, dans le domaine de l’urbanisation, les associations proposent que la surface des places de stationnement imperméabilisées compte pour le double de leur surface réelle afin de freiner l’artificialisation des terres sachant que l’équivalent d’un département comme l’Hérault est bétonné tous les sept ans.
Concernant la compensation écologique, elles souhaitent rendre plus transparent et plus pérenne ce qui est réalisé en obligeant le maître d’ouvrage à publier un rapport de suivi des mesures compensatoires mises en œuvre sur ses projets. Par ailleurs, elles demandent la suppression de la disposition qui crée les réserves d’actifs naturels ou a minima leur encadrement via leur mise en conformité avec les directives européennes afin qu’elles soient soumises aux mêmes obligations que les autres types de mesures compensatoires. En effet, il leur semble prématuré d’instaurer au niveau juridique le système de compensation par l’offre sachant que les expérimentations lancées par le Ministère de l’écologie n’ont pas encore été menées à leur terme. De nombreuses questions se posent quant à la généralisation possible d’un tel système, que ce soit en termes d’impact sur le foncier et sa disponibilité ou pour le respect du principe de l’équivalence écologique. Comment savoir si la parcelle achetée correspond à ce que le projet a détruit en termes de biodiversité ? Enfin, il ne faudrait pas qu’une généralisation hâtive de ce dispositif conduise à une précipitation vers les mesures compensatoires au détriment d’une réflexion de fond conduite par le maître d’ouvrage sur les deux premières étapes du triptyque « éviter, réduire, compenser ».
 
Dans le même sens, une réforme de l’ « Autorité environnementale » en région est souhaitée afin qu’elle soit indépendante ; cela signifie que l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement pour émettre des avis sur les projets ne peut être la même personne que le maître d’ouvrage, le pétitionnaire ou l’autorité décisionnaire. Au-delà du respect du droit communautaire, cette réforme est un élément clef du chantier de la démocratie participative annoncé par le Président de la République lors de la dernière conférence environnementale. L’appréciation des conséquences des projets sur l’environnement par une autorité indépendante du maître d’ouvrage et de l’autorité décisionnaire permettra d’assurer la transparence nécessaire à l’engagement de tout débat public constructif. En effet, l’acceptation des résultats de l’évaluation environnementale par le public n’est possible que si celle-ci est présumée avoir été appréciée par une autorité à la fois compétente et indépendante.
 
Concernant la protection des espèces marines, la mise en place obligatoire d’un système anticollision pour tout le trafic maritime dans les deux sanctuaires dédiés à la protection des cétacés est souhaitée : Pelagos en Méditerranée et Agoa dans les Antilles françaises. En effet, les collisions avec les navires sont l’une des principales causes de mortalité non naturelle pour ces animaux sur cette zone. Un dispositif anticollision comme REPCET, réseau informatisé fonctionnant sur le même principe que le système Coyote pour la route, permettrait aux navires de recevoir et de transmettre en temps réel des alertes sur les positions des cétacés. Les tests effectués dans le sanctuaire Pelagos en Méditerranée ont démontré l’efficacité de ce système. Alors que son adoption pour tout le trafic maritime dans le sanctuaire Pelagos était l’une des mesures issue de la Conférence Environnementale 2013, Ségolène Royal a annoncé le 12 novembre 2015 que les navires de l’Etat présents dans cette zone en seraient équipés. Il faut aller plus loin et inscrire dans la loi l’obligation de système anticollision non seulement pour les navires de l’Etat mais aussi pour les navires de commerce et de grande plaisance. Outre l’efficacité anticollision, c’est un dispositif qui permettra d’améliorer la connaissance scientifique sur les cétacés.
 
Les associations souhaitent aussi la mise en place d’un comptage annuel des espèces gibier relâchées dans le milieu naturel afin de mieux connaître et suivre les relâchers de gibiers pour apprécier à terme, dans un souci de chasse durable et de préservation de la biodiversité, leurs impacts potentiels sur les espèces sauvages et les milieux naturels (pollution génétique, introduction de pathogènes, équilibres forêt-faune et proies-prédateurs…). Enfin, plusieurs propositions seront soumises pour renforcer la capacité à agir en justice des associations de protection de la nature.
 

Paysages (articles 69 à 72 bis)

Enfin, le chapitre VI donne sa part belle aux paysages. Il encourage la mobilisation des acteurs pour la mise en place d’objectifs paysagers dans les documents d’urbanisme. Il « toilette » également le dispositif des sites inscrits.
 
L’avis des associations :
 
Elles sont favorables à l’existence d’un titre sur le paysage dont les liens avec la biodiversité sont indéniables. De plus, le maintien de l’outil « sites inscrits » qui fait partie des outils les plus anciens de la protection de la nature (loi 1930) est le bienvenue. Un toilettage est pertinent au regard de l’évolution et de la dégradation de certains sites mais le dispositif d’inscription doit absolument être sauvegardé en plus de celui du classement, cette procédure étant plébiscitée localement pour sa souplesse en comparaison d’autres outils de protection. N’oublions pas que cet outil a permis de préserver de l’urbanisation de nombreux espaces naturels, notamment littoraux.
Par ailleurs, les associations portent deux mesures complémentaires sur ce titre : (i) l’intégration de la lumière dans les objectifs de qualité paysagère afin de progresser sur l’enjeu de la pollution lumineuse, ainsi que (ii) le rôle de chef de file aux régions en matière de paysage, en cohérence celui obtenu récemment sur la biodiversité.

 
Source : Associations France Nature Environnement, Fondation Nicolat Hulot, WWF, LPO, Agir pour la biodiversité, Humanité et biodiversité
 
Crédit photos ©Alex Tharreau
 
 
(1) La directive européenne Habitats Faune Flore fixe depuis 1992 des listes de milieux naturels et d’espèces dont la conservation est d’importance européenne et pour lesquelles chaque pays a une responsabilité particulière.  
(2) Voir cette page Internet : http://indicateurs-biodiversite.naturefrance.fr/indicateurs/etat-de-conservation- des-habitats-naturels
(3) Associations engagées :  France Nature Environnement, Fondation Nicolas Hulot, WWF, LPO, Agir pour la biodiversité, Humanité et biodiversité
 
 

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