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vie intraterrestre

Une vie inconnue grouille dans les profondeurs de la Terre

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La Terre est beaucoup plus vivante qu’on ne le pensait : un riche écosystème intraterrestre vivant dans les profondeurs de la Terre a été découvert. Il a presque deux fois la taille de tous les océans du monde.

Malgré la chaleur extrême, l’absence de lumière, une nutrition minuscule et une pression intense, les scientifiques estiment que cette biosphère souterraine regorge de 15 à 23 milliards de tonnes de micro-organismes, soit des centaines de fois le poids combiné de chaque être humain sur la planète.
 
Environ 70% des microbes de la Terre vivent dans ses profondeurs, dans des roches autrefois considérées comme stériles mais où bactéries et autres organismes unicellulaires abondent. Pour la première fois, des chercheurs ont estimé l’ampleur de cette vie profonde ou « intraterrestre ».
 
Des centaines de chercheurs internationaux membres du Deep Carbon Observatory – observatoire du carbone en profondeur – ont publié lundi 10 décembre à l’occasion du sommet américain de géophysique à Washington, la somme de leurs travaux, estimant que la vie profonde représentait une masse de 15 à 23 milliards de tonnes de carbone, soit 245 à 385 plus que celle des sept milliards d’humains.
Cela n’avait jamais été quantifié. Auparavant, la communauté scientifique ne disposait que d’observations ponctuelles.
 

Galapagos souterrain

La biosphère profonde constitue un monde qui peut être considéré comme une sorte de « Galapagos souterrain » et comprend des membres des trois domaines de la vie : les bactéries, les archées (microbes sans noyau lié à la membrane), et les eucaryotes (microbes ou organismes multicellulaires avec des cellules qui contiennent un noyau ainsi que des organites liés aux membranes)
Deux types de microbes – les bactéries et les archées – dominent la Terre profonde. Parmi eux se trouvent des millions de types distincts, dont la plupart restent encore à découvrir ou à caractériser. Cette « matière noire » microbienne élargit considérablement notre perspective sur l’arbre de la vie. Les scientifiques disent qu’environ 70 % des bactéries et des archées de la Terre vivent dans le sous-sol.
 
Les chercheurs à l’origine de cette découverte affirment que la diversité des espèces du monde souterrain est comparable à celle de l’Amazonie ou des îles Galápagos, mais contrairement à ces endroits, l’environnement est encore largement vierge parce que personne n’a encore sondé la majeure partie du sous-sol. « C’est comme trouver un tout nouveau réservoir de vie sur Terre », a déclaré au Guardian Karen Lloyd, professeure agrégée à l’Université du Tennessee à Knoxville. « Nous découvrons sans cesse de nouveaux types de vie. Une grande partie de la vie se trouve à l’intérieur de la Terre plutôt qu’au sommet. »
 

Mystères de la vie intraterrestre

L’équipe de recherche de cette collaboration internationale regroupe 1 200 scientifiques de 52 pays dans des disciplines allant de la géologie et de la microbiologie à la chimie et à la physique. Ils ont réalisé pendant dix ans des centaines de forages, sous les continents et les océans. Des échantillons ont été prélevés dans des forages de plus de 5 km de profondeur et sur des sites de forage sous-marins pour établir des modèles de l’écosystème et estimer la quantité de carbone vivant qu’il pourrait contenir. Un bateau japonais a ainsi foré 2,5 km sous le plancher océanique, lui-même à 1,2 km sous la surface, capturant dans ses carottes des microbes jamais observés auparavant et vivants dans une couche de sédiments vieille de 20 millions d’années. « Les microbes vivent partout dans les sédiments », explique à l’AFP Fumio Inagaki, de l’agence japonaise pour les sciences marines et de la terre. « Ils sont là et attendent… On ne comprend pas encore le mécanisme de leur survie à long terme ».
 
La vie profonde reste un formidable mystère scientifique et pose une multitude de questions : Comment les microbes se répandent en sous-sol ? Comment la vie profonde peut-elle être aussi semblable en Afrique du Sud et à Seattle, Washington ? Avaient-elles des origines similaires et étaient-elles séparées par la tectonique des plaques, par exemple ? Ou est-ce que les communautés elles-mêmes se déplacent ? Quel rôle jouent les grands événements géologiques (tels que la tectonique des plaques, les tremblements de terre, les bombardements météoritiques) dans les mouvements de la vie profonde ?
La vie a-t-elle commencé dans les profondeurs de la Terre (soit à l’intérieur de la croûte terrestre, près des cheminées hydrothermales, ou dans les zones de subduction) puis a-t-elle migré vers le soleil ? Ou est-ce que la vie a commencé dans un petit étang de surface chaud et a migré vers le bas ? Comment les zombies microbiens de subsurface se reproduisent-ils ou vivent-ils sans se diviser pendant des millions à des dizaines de millions d’années ? Jusqu’à quelle profondeur trouve-t-on du vivant ?
Quelles sont leurs sources d’énergie principales, le méthane, l’hydrogène, les radiations naturelles… ? Le méthane, l’hydrogène ou le rayonnement naturel (de l’uranium et d’autres éléments) sont-ils la source d’énergie la plus importante pour la vie profonde ? Quelles sources d’énergie profonde sont les plus importantes dans différents contextes ? Comment l’absence de nutriments et les températures et pressions extrêmes influent-elles sur la distribution et la diversité microbiennes dans le sous-sol ?
 
Enfin, la question fondamentale : « les scientifiques ne savent pas encore la manière dont la vie souterraine affecte la vie en surface, et vice versa », dit Rick Colwell, de l’université d’État de l’Oregon.
 

De nouvelles branches dans l’arbre de la vie

Ces organismes vivent à des kilomètres sous la surface, dans la croûte terrestre, et ont apparemment évolué séparément de la vie en surface. « Ce sont de nouvelles branches dans l’arbre de la vie qui existent sur Terre depuis des milliards d’années, sans qu’on ne les ait jamais remarquées », affirme Karen Lloyd, de l’université du Tennessee.
 
Ces microbes sont principalement des bactéries et des archées, des micro-organismes unicellulaires. Certains sont des zombies : ils utilisent toute leur énergie à survivre, sans aucune activité, dans des poches isolées de la surface depuis des temps immémoriaux, des dizaines de millions d’années ou plus. L’un des chercheurs ayant participé à cette vaste étude affirme : « Le plus étrange pour moi, c’est que certains organismes peuvent exister depuis des millénaires. Ils sont métaboliquement actifs, mais en stase, avec moins d’énergie qu’on ne le pensait possible pour soutenir la vie. »
 
Rick Colwell, écologiste microbien à l’Oregon State University, a déclaré que les échelles de temps de la vie souterraine étaient complètement différentes. Certains micro-organismes sont vivants depuis des milliers d’années, à peine en mouvement, sauf en cas de déplacement des plaques tectoniques, de tremblements de terre ou d’éruptions.
« Nous, les humains, nous nous orientons vers des processus relativement rapides – des cycles diurnes basés sur le soleil, ou des cycles lunaires basés sur la lune – mais ces organismes font partie de cycles lents et persistants à des échelles de temps géologiques ».
 
D’autres bactéries ont une activité qui fascine les biologistes car elles fonctionnent dans un système qui n’a rien à voir avec la surface où toute la chaîne alimentaire dépend de la photosynthèse, qui fait pousser les plantes et permet à un ensemble d’organismes de se nourrir. « Leur source d’énergie n’est pas le soleil et la photosynthèse », déclare à l’AFP Bénédicte Menez, responsable de l’équipe géomicrobiologie à l’Institut de Physique du Globe de Paris. « Ici ce qui fait démarrer les communautés, c’est la chimiosynthèse, ils tirent leur énergie des roches, quand des roches s’altèrent ». Le record observé appartient à un organisme unicellulaire baptisé Geogemma barossii, trouvé dans des sources hydrothermales sur les fonds des océans. Il vit, croît et se réplique à 121°C.
 

Changement de regard

Un monde mystérieux qui grouille sous nos pieds et que l’on ne connaissait pas. Un réservoir de vie et donc de connaissances et de bio-inspiration jusque-là cachées. Cette découverte éclaire sous un nouveau jour certaines activités humaines que nous menons en toute inconscience. Il en est ainsi des projets d’exploitation du sous-sol profond, par exemple pour stocker du CO2 ou enfouir des déchets nucléaires. Jusqu’à présent, ces projets considéraient que les profondeurs étaient « globalement stériles », dit Bénédicte Menez. Mais les interactions sont sans doute sous-estimées. « Il y a une vraie prise de conscience de cet impact du vivant très profond dans la Terre », dit-elle.
 
Cette recherche change aussi notre regard sur les autres planètes, sur l’exobiologie ou étude de la vie extraterrestre.  Robert Hazen, minéralogiste à la Carnegie Institution for Science, affirme au Guardian : « Nous devons nous demander : si la vie sur Terre peut être si différente de ce à quoi l’expérience nous a habitués, alors quelle étrangeté pourrait nous attendre en cherchant la vie dans d’autres mondes ? » Une question qui dépasse le contexte scientifique et caresse les confins de la philosophie.
 
 
Sources : Deep Carbon Observatory, AFP, The Guardian
 

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