Cet article paru à l’origine dans GreenBiz est republié ici dans le cadre du partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de plus de 400 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique du changement climatique.
Quel grand moment d’apprentissage nous vivons actuellement ! La crise du coronavirus nous apporte quantités d’expériences que nous pourrions faire fructifier. Nous avons ainsi appris à connaître la notion d' »aplatissement de la courbe » de la pandémie. Pourquoi ne pas profiter de cette expérience et des concepts qui en sont nés pour améliorer et renforcer nos actions contre la crise climatique ?
Nous apprenons par l’expérience, tout simplement. Presque toutes les nouvelles compétences ou connaissances que nous acquérons sont fondées en partie sur ce que nous savons déjà ou avons vécu. Dans une salle de classe, l’apprentissage par l’expérience diffère de l’apprentissage par cœur ou didactique en ce sens que les élèves jouent un rôle plus actif dans le processus plutôt que de se contenter de mémoriser des choses.
Contextuel, l’apprentissage par l’expérience nous permet de déterminer ce qu’il faut faire des connaissances que nous acquérons. Il est aussi additif : plus nous faisons l’expérience, plus nous pouvons apprendre. Il n’y a pas de limite pratique à la quantité ou au type d’informations qu’il est possible d’absorber et d’intérioriser.
Dans ce contexte, quel grand moment d’apprentissage nous vivons actuellement !
On a déjà beaucoup écrit sur ce que la pandémie de coronavirus signifie pour le changement climatique — comment des milliards d’actions individuelles affectent les problèmes mondiaux et leurs solutions, par exemple, ou l’importance d’écouter les scientifiques et autres experts plutôt que les fondamentalistes et les idéologues.
Nous découvrons également les redoutables capacités des vecteurs de maladies à se propager et à infecter rapidement. Nous apprenons ce que signifie être résilient face à une perturbation massive. Nous apprenons comment vivre avec un danger clair et présent tout en gardant la tête froide et en regardant vers le jour où tout sera passé.
Et, au milieu de tout cela, nous apprenons la notion d' »aplatissement de la courbe ».
La pandémie n’est qu’une répétition générale de la vie dans un monde en changement climatique. Certes, ceci est une perspective fataliste sur laquelle je préfère ne pas m’attarder. Je m’inspire plutôt de ce que nous apprenons sur la manière d’agir rapidement et de manière concertée face à un problème mondial catastrophique, afin de nous assurer que nous pouvons en atténuer les pires conséquences.
Je n’ai probablement pas besoin d’expliquer le graphique ci-dessus. Il s’agit d’une transposition du concept désormais bien compris de répartition des effets d’une crise de santé publique, afin que ceux qui sont là pour aider — professionnels de la santé, premiers intervenants, dirigeants politiques, groupes communautaires — puissent faire face à la crise de manière durable et ordonnée.
Cette notion est peut-être trop simplifiée par cette visualisation, mais elle envoie un message clair et brutal : agissez maintenant ou sinon.
Cette réflexion amène une question : pouvons-nous étendre le thème « aplatir la courbe » au changement climatique et le rendre aussi omniprésent et accepté qu’il l’est pour le coronavirus ?
On peut convoquer plusieurs raisons justifiant pourquoi l’aplatissement de la courbe climatique est un schéma utile, bien qu’imparfait :
♦ C’est simple à saisir, surtout après l’expérience de la pandémie : plus nous pourrons contrôler l’incontrôlable, mieux nous serons en mesure de nous adapter et de faire face aux impacts.
♦ Il s’agit d’une expérience partagée, à laquelle chacun doit s’atteler pour faire face à la crise.
♦ Il s’agit d’une grande idée que nous pouvons suivre à tout moment pour déterminer si nous allons assez loin, assez vite.
♦ Elle crée un cadre pour un vaste éventail de solutions, allant des habitudes personnelles et des changements politiques aux technologies de transformation et aux nouveaux systèmes de commerce.
♦ Elle ne concerne pas nécessairement un secteur d’activité ou une activité humaine en particulier, mais nous laisse le soin de déterminer, individuellement et collectivement, ce qui doit être fait.
♦ Elle suggère que nous — chaque famille, chaque quartier et chaque communauté — devons avoir un plan en place pour faire face à divers scénarios et être prêts à le mettre en œuvre.
♦ Elle montre clairement qu’une action précoce permettra d’atténuer les problèmes ultérieurs.
Différences et inconvénients
Bien sûr, il y a de grandes différences entre la courbe climatique et celle de la pandémie. La pandémie a été soudaine et sera ans doute limitée dans le temps : elle est apparemment venue de nulle part et finira par se terminer, même si beaucoup de choses seront sans doute différentes après qu’elle se soit déclarée. Avec le climat, tout le monde sait que les impacts sont à venir — ils sont déjà là. Et si ces impacts seront pour la plupart relativement modérés pendant un certain temps, ils finiront par devenir graves et persistants, et pourraient s’étendre sur un siècle ou plus.
Nous devrons nous méfier des inconvénients potentiels de la propagation de ce schéma de l’aplatissement de la courbe. Lorsque les gens sortiront la tête de l’eau une fois que la pandémie se sera calmée, ils seront probablement résistants aux signes avant-coureurs d’une autre prétendue urgence, en particulier si les effets de celle-ci sont loin d’être négligeables. Ils pourraient en avoir tellement marre des récents désagréments — distanciation sociale, guerres des masques et du papier toilette et tout le reste — qu’une autre directive ou mission « d’aplatir la courbe » pourrait être perçue une marque de cynisme, voire d’hostilité pure et simple.
Nous devons néanmoins garder l’idée à l’esprit, voire saisir l’occasion, en nous appuyant autant que possible sur cette expérience commune. Malgré toutes les connaissances scientifiques détaillées sur le climat, nous n’avons pas encore trouvé la communication efficace sur ce sujet, capable de contrer les mythes et la désinformation qui ont frustré la plupart des tentatives d’engager le public sur la crise climatique et de le pousser à l’action.
Pouvons-nous y parvenir ? Devrions-nous le faire ? J’aimerais avoir votre avis.
Joel Makower, président et rédacteur en chef du GreenBiz Group Inc, producteur de GreenBiz.com, et auteur principal du rapport annuel sur l’état des entreprises vertes. Journaliste chevronné avec plus de 40 ans d’expérience, il anime également les forums annuels de GreenBiz, la série d’événements mondiaux VERGE et d’autres manifestations. Il est l’auteur de plus d’une douzaine de livres, dont son dernier, « The New Grand Strategy » (St. Martin’s Press).