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La nature comme cible de guerre

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La destruction du barrage ukrainien de Kakhovka est susceptible de rebattre les cartes de la stratégie militaire de Kiev, mais elle constitue aussi un désastre environnemental sans précédent. Selon certains, elle serait la pire catastrophe écologique depuis Tchernobyl. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, ne s’y est pas trompé, qualifiant la destruction du barrage de “catastrophe humanitaire, économique et écologique monumentale”, nouvelle preuve du “prix épouvantable de la guerre”.

Citant l’ancien ministre de l’Écologie ukrainien, Ostap Semerak, le quotidien britannique The Guardian observe que “d’autres dangers pourraient surgir dans les jours et les semaines à venir, quand les eaux engloutiront villes, stations-service et fermes, et seront contaminées par des produits agrochimiques et pétroliers, avant de se déverser dans la mer Noire”. Olena Kravchenko, directrice d’une ONG ukrainienne de défense de l’environnement, déplore pour sa part “les conséquences environnementales sans précédent” de “l’écocide” perpétré par “la Russie”. Elle s’attend à des taux de mortalité “massifs” dans les populations de “poissons, mollusques et autres espèces aquatiques, une perturbation généralisée de l’habitat, et des répercussions négatives sur plusieurs parcs nationaux”, notamment la Réserve de biosphère de la mer Noire, reconnue par l’Unesco.

L’ampleur des dégâts

Ecoaction, la plus importante ONG environnementale ukrainienne fait le même constat et craint le pire. Dans un rapport préliminaire, elle liste les premières conséquences liées au déversement brutal des 18 milliards de tonnes d’eau que retenait le barrage hydroélectrique construit dans les années soviétiques sur le Dniepr, l’un des plus longs fleuves d’Europe.

La première liste des dégâts que les experts de l’ONG recensent est déjà impressionnante :

n Destruction et perturbation significative des écosystèmes du réservoir de Kakhovka et des masses d’eau qui s’y jettent, ainsi que des zones situées en aval de la rivière Dniepr, de l’estuaire du Dniepr, et la perturbation des écosystèmes de la zone côtière de la mer Noire ;

n Mortalité massive potentielle d’organismes aquatiques (poissons, mollusques, crustacés, micro-organismes, végétation aquatique) dans le réservoir de Kakhovka, entraînant une détérioration de la qualité de l’eau en raison de la décomposition des organismes morts ;

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n Perturbation des habitats des poissons, mollusques, crustacés, oiseaux, amphibiens et autres animaux vivant dans les masses d’eau et les complexes côtiers depuis le réservoir de Kakhovka et en aval jusqu’à la péninsule de Kinburn ;

n Perturbation des habitats et perte potentielle d’animaux vivant dans les zones terrestres qui seront inondées. Il existe des risques importants pour les populations de rongeurs, y compris les espèces endémiques et celles figurant dans le livre rouge de l’Ukraine ;

n Perturbation des écosystèmes végétaux : la végétation aquatique côtière en amont du barrage de Kakhovka mourra en raison du drainage, tandis que les zones situées en aval seront inondées, y compris les steppes et les complexes forestiers qui ne sont pas adaptés à la submersion, ce qui entraînera leur engorgement et leur destruction. En aval du fleuve Dniepr, on trouve des espèces endémiques inscrites sur la liste rouge de l’UICN qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans le monde ;

n Dépôt imprévisible de sédiments fluviaux et de matériaux érodés de la surface terrestre ;

n Impact négatif sur les masses d’eau, les zones côtières et les parties terrestres de trois parcs naturels nationaux ukrainiens – « Nyzhniodniprovs’kyi », « Kam’yanska Sich », « Biloberizhzhia Sviatoslava », la réserve de biosphère de la mer Noire (qui est également une réserve de biosphère de l’UNESCO), le parc paysager régional « Kinburn Spit » et de nombreuses zones plus petites du fonds de réserve naturelle ainsi qu’un impact potentiel sur les zones planifiées de conservation de la nature. Ces zones ont également le statut de zones humides d’importance internationale protégées par la convention de Ramsar et font partie du réseau Émeraude protégé par la convention de Berne ;

n Interruption de l’approvisionnement en eau des installations dans la région de Kherson et partiellement dans la région de Zaporijia ;

n Pollution des eaux du fleuve Dniepr – pollution primaire résultant du lessivage des déchets, des produits agrochimiques et d’autres matières dangereuses, ainsi que de l’inondation et de la mise hors service des systèmes de traitement des eaux usées et des réseaux d’égouts. Il en résulte une pollution secondaire causée par la perturbation des couches de sédiments, où les polluants se sont accumulés pendant des décennies ;

n Inondation de maisons, de bâtiments et d’entreprises, perte et destruction de biens ;

n Mort du bétail, des animaux domestiques et des animaux des zoos, dont les cadavres, par temps chaud, contaminent l’eau et le sol, polluent l’air et risquent de propager des maladies infectieuses ;

n Entrave ou impossibilité totale d’approvisionnement en eau pour les besoins agricoles dans la partie sud de la région de Kherson ;

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n Déplacement de mines et d’autres matériaux explosifs, augmentation des risques de dissémination des mines antipersonnel ;

n Entrave ou impossibilité de la prise d’eau nécessaire au refroidissement de la centrale nucléaire de Zaporijia, ce qui constitue une menace pour la sécurité nucléaire mondiale ;

n Modification du mésoclimat de la région en raison de la modification de la surface du réservoir d’eau, de la violation de l’équilibre hydrique et de l’augmentation des zones de terres ouvertes ;

n Incapacité à réguler les niveaux d’eau en cas d’engorgement et d’inondations. La destruction du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka élimine la protection des objets situés en aval, ce qui entraîne un risque de ré-inondation des zones dépendant de la régulation de la centrale hydroélectrique de Kakhovka.

Crime de guerre et écocide

D’ores et déjà, la destruction du barrage viole selon l’ONG les dispositions du paragraphe 3 de l’article 35, chapitre I de la partie III du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux et à l’interdiction des méthodes ou moyens de guerre qui visent à causer, ou dont on peut attendre qu’ils causent, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel.

Elle viole aussi la Convention relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, et la Convention sur la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels en Europe.

L’explosion du barrage relèverait « pleinement » selon plusieurs ONG de la qualification pénale de crimes de guerre au titre de l’article 8, paragraphe 2, point b) iv), du statut de Rome de la Cour pénale internationale. Cette disposition rend les individus responsables de crimes de guerre impliquant le lancement intentionnel d’une attaque, avec la conscience que cette attaque causera incidemment des pertes en vies humaines ou des blessures à des personnes civiles ou des dommages à des biens de caractère civil, ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement, qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’avantage militaire concret, direct et global attendu.

Par surcroît, le travail de recensement de l’ONG Ecoaction servira sans nul doute à l’Ukraine à faire reconnaître cette destruction du barrage comme un écocide commis par la Russie. « Nous assistons à un écocide à l’échelle régionale, et non pas seulement ukrainienne », a répété le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, au regard des dégâts déjà visibles sur la faune et la flore du sud du pays. Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine emploie le terme d’ « écocide » pour caractériser les dégâts environnementaux causés par l’invasion russe. En juillet 2022, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avertissait déjà que « le suivi préliminaire du conflit fait apparaître des conséquences importantes sur les environnements urbains et ruraux qui pourraient laisser au pays et à la région un héritage toxiques pour les générations à venir ».

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Vancolenludovic@gmail.com
10 mois

On parle des nuisibles rats renard héron mais la seule race qui est vraiment nuisible c’est l’homme. Car si un renard est nuisible car il vol une poule c’est pour manger alors que les humains détruisent des pays complet par cupidité

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