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Quelles solutions face à l’augmentation du nombre des réfugiés économiques et climatiques ?

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La question des réfugiés ébranle les principes fondamentaux de la civilisation européenne. Nos sociétés bien confortables, mais pétries de peurs de tout, regardent les files interminables et les embarcations précaires d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont qu’un rêve : une vie enfin paisible. La crise des migrants n’est pas un incident parmi d’autres dans notre histoire contemporaine. Elle est le début d’un phénomène qui va bouleverser nos civilisations. Pour comprendre, cette tribune libre du sociologue Thierry Brugvin.

En 2050, le nombre de réfugiés climatiques devrait atteindre 250 millions et peut-être même un milliard d’êtres humains, selon le Haut commissariat aux Réfugiés (HCR)… Actuellement, ce sont les guerres et les problèmes économiques qui se révèlent être les deux premières causes des migrations. Or le climat deviendrait la cause principale des migrations et viendrait faire quadrupler leur nombre en 2050, voire le faire multiplier par plus de 8, s’il atteint un milliard ! Et c’est sans compter les prévisions encore plus alarmistes du rapport Meadows commandé par le Club de Rome en 1972 et réactualisé périodiquement jusqu’à aujourd’hui, concernant les pressions écologiques et donc agricoles et alimentaires qui devraient s’exercer sur la démographie mondiale à l’avenir.

Si tous les réfugiés sont des migrants, à l’inverse certains migrants ne sont pas des réfugiés. L’Organisation internationale des migrations (OIM) définit ainsi les migrants : Ils « choisissent de quitter leur pays non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail, et dans certains cas, pour des motifs d’éducation, de regroupement familial ou pour d’autres raisons. Contrairement aux réfugiés qui ne peuvent retourner à la maison en toute sécurité, les migrants ne font pas face à de tels obstacles en cas de retour. (…) Interchanger les deux termes détourne l’attention de la protection juridique précise dont les réfugiés ont besoin. »[1]

Dette

Les occidentaux, en particulier les classes les plus riches, oublient généralement qu’ils ont une dette économique vis à vis des pays en développement, une dette sociale engendrée par le colonialisme du passé et le néo-colonialisme présent, plus une dette écologique, et en particulier une dette climatique. Cela génère donc aussi une dette morale. Pour ceux qui considèrent que les nations les plus riches sont en parties responsable de ces dettes, il y a un devoir moral à se montrer solidaire avec les réfugiés politiques ou les demandeurs d’asile économique, pour les pays les plus riches.

La dette économique des pays les plus riches vis à vis des citoyens des pays les plus pauvres a principalement pour origine l’accumulation des intérêts de la dette, l’exploitation économique, la prédation sur leurs ressources, l’échange inégal. Par exemple, en 2003, les prêts des pays riches aux pays en développement s’élevaient à 54 Mds $, tandis que le remboursement des dettes avec leurs intérêts était de 436 Mds, soit huit fois plus[2]!

Quant à la dette écologique, elle relève de l’empreinte écologique et de l’empreinte carbone inégale. Les pays les plus riches par habitants sont les plus gros émetteurs de carbone et devraient donc diminuer leurs émissions de CO2 afin de ne pas dépasser 460 Kg d’équivalent carbone par hab./an. Or cet objectif maximum d’émission de CO2 ne représente que « 2 fois les émissions d’un Pakistanais ou d’un Philippin, et 5 fois celles d’un habitant du Bangladesh. » Les habitants des pays les plus pauvres disposeraient donc, d’un point de vue éthique, du droit d’émettre encore un peu plus de CO2[3].

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Devoir moral ?

Vis à vis des réfugiés, une des solutions à court terme consiste à les accueillir au nom d’un devoir moral de solidarité en tant que personnes en difficulté socio-économique, morale et psychologique. Même si cette crise a de grandes conséquences en Europe, ce n’est pourtant pas elle qui est en première ligne pour l’accueil de ces populations déracinées. La Turquie est le plus grand pays d’accueil avec plus de trois millions et demi de réfugiés qui vivent dans des camps ou dans les villes de la région frontalière avec la Syrie. En 2016, au Liban, il y avait environ un réfugié pour cinq habitants. Proportionnellement à son nombre d’habitants, le Liban est le pays qui a accueilli le plus de réfugiés : c’est comme si la France avait accueilli 17 millions de réfugiés ! Or, la même année, le nombre de personnes ayant le statut de réfugiés politiques en France était de… 165 000 ! À l’inverse, « on constatait que les six pays les plus riches de la planète, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine et le Japon participaient seulement à l’accueil de 9 % des réfugiés à l’échelle mondiale, soit 2,1 millions de personnes, sur 70 millions ! » estime Dominique Delpiroux[4].

Fin 2016, « à l’échelle mondiale, la plupart des réfugiés, 84 pour cent d’entre eux se trouvaient dans des pays en développement ou à revenu moyen, et qu’une personne sur trois (soit 4,9 millions de personnes) était accueillie dans un des pays les moins développés »[5]. La solidarité se révèle donc plus importante de la part des pays les plus pauvres.

La question qui se pose parfois est : à quel niveau se situe la limite matérielle et la limite d’acceptabilité politique ?L’arrivée excessive de migrants commence lorsqu’il n’est plus possible pour les populations d’un territoire de satisfaire leur besoin essentiel, tel que les nourrir, les loger, les soigner ou leur donner du travail pour qui accède à une certaine autonomie. Le seuil de rupture dépend à la fois des ressources matérielles, mais aussi du niveau de la volonté, d’acceptabilité politique par les habitants et de leurs dirigeants. Car, même les peuples les plus accueillants peuvent atteindre leur limite, du fait de la limitation de leurs ressources matérielles.  

Tensions destructrices

Face à l’arrivée excessive de migrants, on observe deux types de politiques extrêmes et opposées. D’un côté, n’accepter d’accueillir aucun réfugié et de l’autre, leur ouvrir les frontières sans aucune restriction, ni condition. Cela engendre une forte probabilité de créer « un appel d’air » et d’être débordé comme ce fut le cas du Liban. Car, il semble assez probable, qu’à partir d’un certain seuil, ce « devoir moral de solidarité » vis à vis des réfugiés génère des problèmes sociaux et politiques, tel qu’un accroissement du chômage, donc de la pauvreté, de la délinquance, de l’insécurité et finalement une montée de l’extrême droite. Car la mesure politique prioritaire de cette dernière consiste à généralement expulser les étrangers hors de frontières du pays, parce qu’ils seraient la principale cause de tous les problèmes de cette nation.

Or les migrants sont des bouc-émissaires faciles, surtout dans les nations ou l’immigration reste encore relativement faible en comparaison de son nombre d’habitants, comme en France en 2019. Il y a donc un point d’équilibre à trouver. Car, à partir d’un certain niveau, un excès d’accueil, de même qu’un refus d’accueil complet des migrants pourrait à terme devenir réellement problématique et donc avoir pour conséquence, soit une répression plus violente envers eux, voire générer des guerres.

L’ouverture complète et sans limite des frontières, tel que le prônent notamment les militants de l’organisation « No Border » (pas de frontières) peut-elle engendrer d’autres scénarios que des tensions destructives ? Même si c’est assez peu probable, dans ce cas, cela pourrait produire une autre conséquence, la prise de conscience de la responsabilité collective des citoyens du monde et en particulier des citoyens les plus riches. Cela permettrait alors un changement dans la régulation mondiale de l’économie et de la démocratie internationale, vers un plus grand partage des richesses relative aux finances, aux ressources naturelles…

Dans ce cas, parmi les solutions proposées par les partis politiques de la gauche radicale et extrême, tels le NPA, les libertaires et certains courants de France Insoumise consistent notamment 1) à cesser l’exploitation des pays en développement, 2) à favoriser leur autonomie économique et 3) à rembourser la triple dette économique, sociale, écologique des pays industrialisés envers les pays en développement. Cependant, même sans prendre en compte cette triple dette, les deux premières solutions suffiraient à régler la majorité des problèmes. Compte-tenu des dettes économiques, sociales et écologiques des pays riches envers les pays en développement, au plan de la justice sociale, cela supposerait donc d’accepter le risque d’ouvrir les frontières aux citoyens des pays en développement et de l’assumer. En cas de refus d’assumer ce risque, une attitude éthique consisterait donc au moins, à ce que les pays les plus riches s’acquittent de leurs multiples dettes vis à vis des pays en développement. Quant aux partis d’extrême droite, tel le Rassemblement National, leur projet consiste généralement à expulser les migrants et les réfugiés, mais sans cesser d’exploiter économiquement leur pays d’origine…

Irréversibilité

Quoi qu’il en soit, les causes écologiques qui viennent renforcer les migrations s’avèrent très difficilement réversibles. Tout au plus peut-on appuyer fortement sur les freins de la croissance mondiale, afin de limiter les dégâts climatiques à long terme. Or dans le monde, la proportion de migrants climatiques ne cesse de croître, parmi les autres causes des migrations, qui sont prioritairement les guerres et les problèmes économiques.

Ces différentes causes génèrent actuellement un renforcement des tensions politiques nationales et internationales. Or la fin des ressources non renouvelables, tel le pétrole, le gaz, l’uranium et la grande majorité des métaux est prévue d’ici 40 à 80 ans. Et elle s’amorce déjà. De plus, les scientifiques du GIEC ont prévu que le réchauffement climatique s’accroîtra encore au moins pendant 300 ans, si rien n’est fait pour changer de cap… Le nombre de migrants climatiques se cessera de se développer alors très fortement…

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Co-auteur de « 6 chemins vers une décroissance solidaire« , Thierry Brugvin et al., Editions du croquant – Chronique Sociale, 2017

[1] OIM, Glossaire de la migration, Série consacrée au droit international de la migration, OIM, no.9, 2007
[2] ZIEGLER Jean, 2005, L’empire de la Honte, Ed. Fayard
[3] JANCOVICI, Mai 2010.
[4] DELPIROUX, 2017
[5] UNHCR, Global Trends 2015, United Nations High Commissioner for Refugees, 2016.

Première publication dans UP’ Magazine 3/3/20

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2 Commentaires
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jpgayot@orange.fr
3 années

Beaucoup de moraine, mais aucune solution viable…

jpgayot@orange.fr
3 années

« moraline »

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