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Une mouche blanche pullule dans les pépinières, maraîchers… et vient d’être trouvée dans la nature, aux Etats-Unis. Résistante aux pesticides et porteuse de nombreux virus, elle menace les récoltes notamment en Floride.
Ce sont comme des flocons de neige en plein été. Les aleurodes ou petites mouches blanches maculent les feuilles de petits points blancs. Connus en horticulture et dans les cultures sous serres, ces ravageurs minuscules viennent d’être découverts en pleine nature en Floride. Depuis plusieurs années, on les signale dans près de vingt Etats américains, dans les pépinières ou maraîchages. Une invasion qui inquiète les agriculteurs qui se sont réunis près de Miami pour connaître les risques et solutions face à cet envahisseur.
« Ces minuscules mouches pourraient bien ne jamais être éradiquées, redoute Lance Osborne, professeur d’entomologie à l’Université de Floride, car elles se montrent résistantes aux pesticides ». L’insecte est un aleurode, connu pour infester les serres. C’est la première fois qu’on le trouve dans la nature… « Cela pourrait être le résultat du réchauffement climatique, envisage Pierre-Henry Gouyon, spécialisé en sciences de l’évolution au Muséum d’histoire nationale d’histoire naturelle (MNHN). Il est possible que l’insecte soit devenu résistant par pression de sélection, du fait d’un recours immodéré à certains pesticides ».
Pour autant, le généticien français ne se montre pas pessimiste comme Lance Osborne car il connaît des solutions de lutte biologique qui ont été développées contre ce ravageur, suceur de sève. Des guêpes parasites (Encarsia Formosa, Eretmocerus eremicus et Eretmocerus mundus) ont la bonne idée de pondre leurs œufs à l’intérieur des larves… De même des punaises prédatrices (Macrolophus Caliginosus, Dicyphus hesperus.) raffolent dévorer ces parasites. On trouve aussi sur le marché deux champignons parasites entomopathogènes, Beauveria bassiana et Isaria fumosorosea, qui ont pour hôtes les aleurodes. Les principaux producteurs de ces auxiliaires de biocontrôle sont Biobest (Begique) ou Koppert (Pays Bas).
Friands de plantes ornementales comme l’hibiscus, le géranium, le fuschia ou même de plantes sauvages comme la chélidoine…., ces minuscules mouches blanches peuvent s’installer dans des champs de coton ou dans des vergers d’agrumes. Elles sont donc très polyphages et s’attaquent à des centaines d’espèces végétales cultivées (tomate, haricots, cucurbitacées, pommes de terre, patates douces, agrumes). Lance Osborne souligne l’impact énorme possible de ce ravageur : « Outre le fait qu’il est résistant aux pesticides, nous sommes aussi inquiets à cause du nombre de plantes dont il peut s’accommoder. Il trouvera toujours quelque chose dans le sol à quoi s’attaquer ».
Les aleurodes piquent les feuilles, ce qui les fait brunir et compromet la photosynthèse. Plus grave, ces insectes transportent des virus qui affaiblissent les plantes et peuvent rendre fruits et légumes non comestibles. « Les aleurodes du genre Bemisia transmettraient plus de soixante virus et l’aleurode des serres contribuerait à la propagation du virus de la pseudo-jaunisse de la betterave chez les concombres », lit-on sur une fiche technique du Ministère de l’agriculture de l’Ontario.
Leur résistance aux traitements chimiques vient sans doute du fait que les larves et les œufs sont protégés par une pellicule cireuse imperméable : ainsi les vaporisations d’insecticides ne sont efficaces que sur les adultes. « Le meilleur traitement que nous avons tue 90-91% d’entre eux », reprend Lance Osborne.
Il y a des dizaines de mouches blanches différentes de par le monde. Celle-ci, dit de biotype Q, trouverait son origine dans les régions méditerranéennes, probablement dans les champs de tomates en Espagne et au Portugal, des pays où elle est entre-temps devenue résistante aux pesticides. Le danger est pris très au sérieux en Europe, où les autorités appellent les agriculteurs à la vigilance, et jusqu’en Israël où, là aussi, la mouche résiste aux traitements. Pour le ministère de l’Environnement du Royaume-Uni, cet insecte « a le potentiel pour devenir un fléau majeur ». Le « biotype Q » n’a pas encore fait de gros dégâts en Floride mais les autorités multiplient les contrôles et inspections, préparant des plans pour tenter de contrôler la prolifération de ce minuscule insecte en imposant par exemple des quarantaines quand nécessaire.
« La mouche blanche biotype Q constitue un sérieux risque pour l’industrie agricole en Floride, qui représente 120 milliards de dollars, et les deux millions d’emplois qui en dépendent », prévient Adam Putnam, commissaire pour l’agriculture de Floride.
D’autres types de mouches sont considérés comme ayant contribué aux famines en Afrique et ont semé la pagaille dans le monde agricole du sud des États-Unis dans les années 1980 et 1990.
Lance Osborne a appelé les agriculteurs à ne pas paniquer : l’arsenal d’insecticides existant aujourd’hui est plus efficace qu’il y a 30 ans et « peut mieux contrôler les infestations si on combine les produits et qu’on établit un programme de lutte « , a-t-il assuré. Et étant donné la nature résistante de l’adversaire, des solutions naturelles ou bio ne marcheraient pas, a estimé Lance Osborne.
On peut s’étonner que l’entomologiste de Miami ne mentionne aucune solution de type biocontrôle. « Car on risque de voir revenir à des solutions biologiques, face au bazar créé à la fois par le réchauffement climatique et l’imprégnation chimique par les pesticides, » insiste Pierre-Henri Gouyon.
Il faudra aussi que les médias veillent à ne pas confondre mouches et pucerons comme l’on fait allègrement Goodplanet et Réponse Conso. Même les vacances produisent des… mutations !
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