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Les robots pourraient-ils prendre le scalpel du chirurgien ?
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Les robots pourraient-ils prendre le scalpel du chirurgien ?

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Après avoir assisté les médecins et chirurgiens pendant des décennies, les robots sont-ils prêts à prendre la main ? Aujourd’hui, les ingénieurs construisent des machines indépendantes qui peuvent non seulement couper ou suturer, mais aussi planifier ces coupes, improviser face aux aléas d’une opération chirurgicale et s’adapter. Les chercheurs améliorent la capacité des machines à naviguer dans les complexités du corps humain et à coordonner leur action avec celle des médecins. Mais le chirurgien robotique véritablement autonome est peut-être encore loin. Le plus grand défi ne sera pas d’ordre technologique, mais plutôt de convaincre les gens qu’il est acceptable d’utiliser ces robots chirurgiens.

En 2004, l’Agence américaine pour les projets de recherche avancée en matière de défense (DARPA) a fait miroiter un prix d’un million de dollars pour tout groupe capable de concevoir une voiture autonome capable de se déplacer seule sur un terrain accidenté de plusieurs dizaines de kilomètres. Ce prix donna naissance aux véhicules autonomes que l’on connait aujourd’hui. Treize ans plus tard, la même DARPA a annoncé un autre prix – pas pour une voiture robot cette fois, mais pour des médecins autonomes et robotisés.

On trouve des robots dans les salles d’opération depuis les années 1980, notamment pour maintenir les membres d’un patient en place et, plus tard, pour la chirurgie laparoscopique, qui permet aux chirurgiens d’utiliser des bras robotisés télécommandés pour opérer sur le corps humain par de minuscules trous au lieu d’énormes incisions. Mais, pour l’essentiel, ces robots n’ont été que des versions très sophistiquées des scalpels et des pinces que les chirurgiens utilisent depuis des siècles – incroyablement sophistiqués, certes, et capables de fonctionner avec une précision incroyable, mais qui restent, in fine, des outils entre les mains du chirurgien.

Malgré de nombreux défis, la situation est en train de changer. Aujourd’hui, cinq ans après l’annonce de ce prix, les ingénieurs prennent des mesures pour construire des machines indépendantes qui peuvent non seulement couper ou suturer, mais aussi planifier ces coupes, improviser face aux aléas d’une opération chirurgicale et s’adapter. Les chercheurs améliorent la capacité des machines à naviguer dans les complexités du corps humain et à coordonner leur action avec celle des médecins. Mais le chirurgien robotique véritablement autonome que les militaires de la Darpa envisageaient est peut-être encore loin. Et le plus grand défi ne sera peut-être pas d’ordre technologique, mais plutôt de convaincre les gens qu’il est acceptable d’utiliser des robots chirurgiens.

Naviguer dans l’imprévisibilité

À l’instar des conducteurs de véhicules, les chirurgiens doivent apprendre à naviguer dans leur environnement spécifique, ce qui semble facile en principe mais se révèle infiniment compliqué dans le monde réel. Sur les routes de la vie réelle, il y a du trafic, des engins de construction, des piétons – toutes choses qui n’apparaissent pas nécessairement sur Google Maps et que la voiture doit apprendre à éviter.

De même, si un corps humain est généralement semblable à un autre, en réalité, nous sommes tous singuliers à l’intérieur. La taille et la forme précises des organes, la présence de tissu cicatriciel et l’emplacement des nerfs ou des vaisseaux sanguins diffèrent souvent d’une personne à l’autre. « Les patients varient tellement d’un individu à l’autre », explique Barbara Goff, gynécologue oncologue et chirurgien en chef au centre médical de l’université de Washington à Seattle. « Je pense que cela pourrait être un défi ». Elle utilise des robots chirurgicaux laparoscopiques – le genre de robots qui ne bougent pas par eux-mêmes mais qui traduisent les mouvements du chirurgien – depuis plus de dix ans.

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Le fait que les corps bougent pose une autre difficulté. Quelques robots font déjà preuve d’un certain degré d’autonomie, l’un des exemples classiques étant un dispositif portant le nom (peut-être un peu exagéré) de ROBODOC, qui peut être utilisé en chirurgie de la hanche pour raser l’os autour de la cavité de la hanche. Mais l’os est relativement facile à travailler et, une fois mis en place, il ne bouge pas beaucoup. « Les os ne se plient pas », explique Aleks Attanasio, un spécialiste de la recherche qui travaille aujourd’hui chez Konica Minolta et qui a écrit sur les robots en chirurgie pour la revue Annual Review of Control, Robotics, and Autonomous Systems de 2021. « Et s’ils le font, cela veut dire qu’il y a un plus gros problème ».

Malheureusement, le reste du corps n’est pas aussi facile à mettre en place. Les muscles se contractent, les estomacs gargouillent, les cerveaux s’agitent, les poumons se dilatent et se contractent, par exemple, avant même qu’un chirurgien ne se mette à bouger quoi que ce soit. Et si un chirurgien humain peut évidemment voir et sentir ce qu’il fait, comment un robot pourrait-il savoir si son scalpel est au bon endroit ou si les tissus se sont déplacés ?

L’une des options les plus prometteuses pour de telles situations dynamiques couple l’utilisation de caméras et de logiciels de suivi sophistiqués. Au début de l’année 2022, par exemple, des chercheurs de l’université Johns Hopkins ont utilisé un dispositif appelé Smart Tissue Autonomous Robot (STAR en abrégé) pour recoudre deux extrémités d’intestins sectionnés chez un porc anesthésié – une tâche potentiellement très délicate – grâce à ce système visuel.

Pour réaliser cette prouesse, un opérateur humain marque les extrémités de l’intestin avec des gouttes de colle fluorescente, créant ainsi des marqueurs que le robot peut suivre (un peu comme un acteur portant une combinaison de capture de mouvement dans un film hollywoodien). Dans le même temps, un système de caméra crée un modèle tridimensionnel du tissu à l’aide d’une grille de points lumineux projetés sur la zone. Ensemble, ces technologies permettent au robot de voir ce qui se trouve devant lui.

« Ce qui est vraiment spécial dans notre système de vision, c’est qu’il nous permet non seulement de reconstruire l’aspect des tissus, mais aussi de le faire assez rapidement pour pouvoir agir en temps réel », explique Justin Opfermann, concepteur du système STAR et chercheur en ingénierie à Hopkins. « Si quelque chose bouge pendant l’opération, vous pouvez le détecter et le suivre ».

Le robot peut ensuite utiliser ces informations visuelles pour prédire le meilleur plan d’action, en présentant à l’opérateur humain différents plans parmi lesquels il peut choisir ou en vérifiant avec lui entre deux sutures. Lors des tests, STAR a bien fonctionné tout seul, mais pas parfaitement. Au total, 83 % des sutures ont pu être réalisées de manière autonome, mais l’homme a dû intervenir dans les 17 % restants pour corriger les choses.

« Les 83 % peuvent certainement être dépassés », déclare M. Opfermann. La plupart des problèmes étaient dus au fait que le robot avait un peu de mal à trouver le bon angle dans certains coins et avait besoin d’un humain pour le pousser au bon endroit, ajoute-t-il. Des essais plus récents, qui n’ont pas encore été publiés, affichent désormais des taux de réussite de l’ordre de 90 %. À l’avenir, l’homme pourrait n’avoir qu’à approuver le plan, puis à regarder l’opération se dérouler, sans intervention.

Réussir le test de sécurité

Pour l’instant, cependant, il faut toujours quelqu’un sur le siège du conducteur, pour ainsi dire. Et il pourrait en être ainsi pendant un certain temps pour de nombreux robots autonomes différents : si, en théorie, nous pourrions confier l’intégralité du processus décisionnel au robot, cela soulève une question, qui a également été soulevée avec les voitures sans conducteur. « Que se passe-t-il si certaines de ces activités tournent mal ? », explique M. Attanasio. « Que se passe-t-il si la voiture a un accident ? »  L’opinion générale, pour l’instant, est qu’il vaut mieux que les humains gardent le contrôle en fin de compte – au moins dans un rôle de supervision, en examinant et en approuvant les procédures et en se tenant prêts en cas d’urgence.

Malgré cela, prouver aux hôpitaux et aux organismes de réglementation que les robots autonomes sont à la fois sûrs et efficaces pourrait être le principal obstacle à l’entrée de robots véritablement dépourvus d’humains dans le bloc opératoire. Les experts ont quelques idées sur la façon de contourner cet obstacle. Par exemple, les concepteurs devront probablement être en mesure d’expliquer aux organismes de réglementation la manière exacte dont les robots pensent et décident de ce qu’il faut faire, explique M. Attanasio, surtout s’ils progressent au point de ne plus seulement assister un chirurgien humain, mais de pratiquer eux-mêmes l’acte opératoire. Cette explication pourrait toutefois être plus facile à dire qu’à faire, car les systèmes d’intelligence artificielle actuels ne laissent aux observateurs que peu d’indices sur la manière dont ils prennent leurs décisions. Par conséquent, les ingénieurs pourraient vouloir concevoir dès le départ un système dont la fameuse « boîte noire » soit « explicable ».

Pietro Valdastri, ingénieur biomédical à l’université de Leeds en Angleterre et l’un des coauteurs d’Attanasio, pense qu’il est possible qu’aucun fabricant ne soit en mesure de résoudre facilement la question de la réglementation, mais il a une solution de rechange. « La solution ici est de fabriquer un système qui, même s’il est autonome, est intrinsèquement sûr. » Ce spécialiste travaille sur ce que l’on appelle des robots mous, utilisés notamment pour les coloscopies. Traditionnellement, une coloscopie consiste à faire passer un tube flexible muni d’une caméra – un endoscope – dans l’intestin afin de détecter les premiers signes de cancer du côlon. La procédure est recommandée pour toute personne âgée de plus de 45 ans, mais il faut beaucoup de temps et de formation pour qu’un opérateur devienne compétent avec l’endoscope. Comme il y a peu d’opérateurs correctement formés, les listes d’attente se sont allongées.

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Selon M. Valdastri, l’utilisation d’un robot intelligent capable de se diriger lui-même faciliterait grandement la tâche, comme la conduite d’une voiture dans un jeu vidéo. Le médecin pourrait alors se concentrer sur l’essentiel : repérer les premiers signes de cancer. Et dans ce cas, le robot, créé à partir de matériaux souples, serait intrinsèquement plus sûr que les dispositifs plus rigides. Il pourrait même réduire le besoin d’anesthésie ou de sédation, selon M. Valdastri, puisqu’il pourrait plus facilement éviter de pousser contre les parois intestinales. Et comme le robot n’a aucun moyen de couper ou de zapper quoi que ce soit par lui-même, il pourrait être plus facile à accepter par les autorités réglementaires.

Au fur et à mesure que la technologie se développe, les robots autonomes pourraient, Selon Justin Opfermann, commencer par n’être approuvés que pour des tâches simples, comme tenir une caméra. Au fur et à mesure que ces tâches de base seront approuvées, les tâches pourront s’accumuler pour former un système autonome. Dans les voitures, nous avons d’abord eu le régulateur de vitesse, dit-il, mais il y a maintenant l’assistance au freinage, l’assistance au maintien dans la voie, et même l’assistance au stationnement – toutes ces fonctions évoluent vers un système sans conducteur. « Je pense que ce sera un peu la même chose », prédit M. Opfermann, « où nous voyons de petites tâches autonomes qui finissent par s’enchaîner pour former un système complet. »

Source : Knowable

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