L’intelligence artificielle est d’ores et déjà présente dans notre quotidien depuis de nombreuses années. Elle devient pour beaucoup, la solution magique à tous les problèmes. Est-ce raisonnable ? Est-ce un effet de mode ? Est-ce une réalité ? Que penser de cette percée de l’IA dans notre quotidien ? De nombreuses questions importantes sur ce thème imposeraient de ne pas se précipiter vers de mauvaises solutions à des problèmes pourtant bien posés mais dans un monde qui avance très vite, il est urgent d’agir, nous devons proposer des avancées avant qu’il ne soit trop tard.
Si nous arrivons à des résultats probants d’applications concrètes de l’IA aujourd’hui, c’est grâce aux travaux effectués ces dernières décennies, bien que sa naissance ait été déclarée dans les années 50. Mais la puissance de calcul des ordinateurs, les algorithmes, la génération des données récoltées n’ont été suffisamment avancés que ces dernières années, permettant ainsi ces applications quelquefois remarquables. On constate alors la renaissance de l’IA.
On parle donc d’Intelligence Artificielle de plus en plus, mais c’est quoi ? Quelle est sa définition ? Quelle en est la segmentation ?
L’expression « Intelligence Artificielle » prend maintenant la place du mot « Innovation » dans les médias, les discours et les articles, j’aime faire cette analogie avec l’Innovation qui n’a de sens que si elle profite à une amélioration de la condition de vie des humains, l’Intelligence Artificielle devra suivre le même chemin pour qu’elle ait une légitimité dans cette dynamique qu’elle prend dans un monde actuel de disruption.
Pour atteindre cet objectif et ne pas devenir qu’une mouvance marketing, l’IA ne doit pas devenir de « l’IA washing », elle va devoir devenir une thématique compréhensible de tous en évitant que cela devienne une expression galvaudée utilisée à mauvais escient, comme l’a longtemps été l’innovation à ses débuts, il y a 10 ou 15 ans, lorsque la définition n’était pas connue de tous, encore moins admise et partagée.
Le plus important donc est de partager la même vision de ce concept afin de pouvoir comprendre en quoi et comment cette nouvelle technique va pouvoir améliorer la condition humaine demain et non pas détériorer voire détruire la civilisation.
L’IA peut être définie de façon simple comme étant une technique qui permet de résoudre des problèmes complexes qu’un algorithme classique ne pourrait pas décrire exhaustivement. Il adresse les domaines de la cognition, ceux qui ne sont pas facilement modélisables par un processus de description de la décision face à un problème par un raisonnement simple. l’IA désigne la simulation des processus de l’intelligence humaine par des machines et par des systèmes informatiques.
Ces processus comprennent l’apprentissage (l’acquisition d’informations et de règles liées à leur utilisation), le raisonnement (l’utilisation des règles pour parvenir à des conclusions approximatives ou précises) et l’autocorrection.
Laurence Devillers, chercheuse à Limsi, définit l’IA ainsi : « ensemble de théories, d’algorithmes et de logiciels, qui ont pour objectif de simuler des capacités cognitives de l’homme ». Ensuite, tout comme on segmente l’innovation de façon binaire en la définissant comme « incrémentale » ou « disruptive « , on parlera d’IA « forte » et d’IA « faible ».
L’IA faible vise à reproduire un comportement observé, par un programme informatique, elle n’est pas en mesure de produire toute seule de la connaissance, elle résout un problème spécifique et c’est tout, on parlera d’IA forte lorsqu’on répondra à des capacités cognitives égales ou supérieures à l’être humain, à une conscience de soi et à la possibilité d’éprouver des sentiments, des émotions, on est bien loin d’atteindre ce stade à ce jour.
Comment ça marche ? Tout est basé sur l’apprentissage, une simulation des neurones humains.
On ne cherche plus à programmer l’algorithme de résolution du problème posé mais un algorithme générique qui permet de trouver la solution par un apprentissage sur de nombreux exemples qu’on lui présentera en entrée, d’où l’importance de la « data », essentielle à la performance du dispositif, la pertinence d’un cerveau humain ne se construit-il pas ainsi ?
Faut-il avoir peur de l’IA ? Pour répondre à cette question, j’aime justement faire une métaphore avec l’humain, l’IA est au début de son développement, on parle d’IA faible, c’est comme si on faisait face à un enfant de 4 ans.
La gestation de cet « enfant technologique » n’a pas pris neuf mois mais s’est étalée depuis les années 50 (1956, conférence de Dartmouth) jusqu’aux années 80 où il est enfin né (application systèmes experts).
Le début des années 2000 a montré une capacité d’apprentissage remarquable, tout comme fait preuve un enfant lorsqu’il doit apprendre à marcher, à parler, qui commence à raisonner sur un champ restreint de sujets, il grandit doucement mais surement. Maintenant, doit-on avoir peur de cet enfant à cet âge ?
Non bien sûr, ensuite, tout va dépendre comment cet enfant sera élevé, la plupart des parents vont être respectueux des règles, de l’environnement, de l’humanité, mais certains n’auront pas cette même éthique, faut-il pour autant le faire disparaître de peur qu’il ne devienne un parasite de la société ? Non bien sûr, il faudra le maîtriser, le contenir, nous aurons dans les années à venir les mêmes questions qui se poseront face à nos enfants technologiques pour qu’ils deviennent des technologies au service de l’homme, pour l’aider, l’assister et non le combattre, ce risque viendra avec le passage à l’adolescence de l’IA, dans les quelques 15 à 20 ans à venir, lorsqu’il sortira de sa phase IA Faible pour commencer à franchir la frontière de l’IA forte qui le rendra adulte dans 25 à 30 ans peut-être.
L’autre question récurrente sur l’IA est celle de l’explicabilité du raisonnement d’un système de décision à base d’IA, expliquer pour mieux maîtriser, pour instaurer la confiance. Tout comme on ne peut quelquefois pas comprendre, encore moins expliquer les raisons pour laquelle un humain a pu prendre une décision imprévisible, il sera toujours très difficile à la machine d’expliquer son raisonnement de par sa construction complexe, imitant un cerveau humain. On a profité de ses avantages, sans résoudre l’aspect inconvénient. L’algorithme de Deep Learning est tout, sauf déterministe. Tout comme l’humain, on va devoir apprendre à lui faire confiance, on ne l’obtiendra que si on l’a bien élevé, sinon, on sera face à un adulte nuisible, l’analogie à l’homme fonctionne sur toutes les phases du cycle de vie de cette nouvelle technologie prometteuse que représente l’IA mais qu’il convient de maîtriser pour éviter de l’utiliser à mauvais escient.
Que dire alors de l’avenir de cet enfant technologique qu’est l’IA aujourd’hui ?
Il aura selon moi, une capacité d’adaptation à l’environnement qui va devenir de plus en plus forte grâce à l’expérience. Il bénéficiera du savoir accumulé pendant tout le temps d’apprentissage de ses parents technologiques, favorisant alors la confiance des hommes dans l’utilisation de ses nouveaux outils puissants et devenus réellement intelligents à ce moment-là.
Pour illustrer cette vision, prenons l’exemple du véhicule autonome. Il connaîtra des déboires à ses débuts, c’est une évidence, c’est inévitable, tant que l’enfant ne deviendra pas adulte, mais ensuite, son intelligence bénéficiera du collectif, des apprentissages de cas de ses frères, ses parents technologiques, permettant une performance de conduite sans commune mesure avec celle des humains. Le nombre d’accidents sera proche de zéro à l’état mature ce que nous sommes incapables de réussir à faire avec des humains seuls dans la boucle, comme aujourd’hui…
En conclusion, le champ d’application premier de l’IA a été celui de la technique, de la technologie ce qu’a fait l’innovation. Mais ensuite, l’innovation a dû se tourner vers les aspects sociétaux pour qu’elle prenne une place majeure dans le monde de demain. L’IA va devoir prendre également ce virage et adresser à présent des domaines en marge de la techno, même s’ils s’appuient très souvent sur des bases technologiques solides.
L’IA va devoir se tourner vers l’humain, être au service de l’humain plutôt que de chercher à le remplacer. L’enjeu de l’avenir de cette technologie est là, plutôt que de vouloir à tout prix la pousser vers le marché, il faudra plutôt privilégier les vrais besoins, la demande, passer ainsi d’une stratégie de techno push à celle de market pull, l’idéal étant de faire les deux à la fois comme suggérée par la méthodologie MIM© (cf ouvrage « La Route des Innovations »).
Il est urgent d’agir, le monde avance vite, nous devons proposer ces avancées avant qu’il ne soit trop tard. L’IA doit toujours rester au service de l’humain et non l’inverse.
Bernard Monnier, Ingénieur Electronique, MBA – Expert Innovation Ouverte et Intelligence Artificielle
Pour aller plus loin :
– Livre « La Route des Innovations » Edition Caillade
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