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Des scientifiques chinois inventent un tissu qui rafraîchit le corps

Des scientifiques chinois inventent un tissu qui rafraîchit le corps

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« Metafabric » est le nom de ce tissu expérimental mis au point par des scientifiques chinois ; il pourrait permettre de garder les corps humains beaucoup plus frais, grâce à un textile qui réfléchit la lumière et la chaleur à un degré remarquable. Une invention qui pourrait s’avérer indispensable alors que le monde se réchauffe avec le dérèglement climatique. L’un des défis permanents auxquels l’homme sera confronté sera simplement de survivre à la chaleur croissante, les augmentations de température prévues devant entraîner des vagues de chaleur de plus en plus meurtrières, voire rendre certaines régions du monde inhabitables.

Il y a quelques mois, on pouvait voir dans une rue de Zhejiang, en Chine, un jeune homme portant une veste blanche apparemment ordinaire. Il était assis en plein soleil depuis plus d’une heure. À quelques mètres de lui, des chercheurs surveillaient sa température corporelle à l’aide de caméras infrarouges et de capteurs sur sa peau. La moitié de la veste était faite de coton ordinaire, l’autre de Metafabric, un nouveau textile expérimental composé de fibres synthétiques et de nanoparticules qui réfléchissent la lumière et la chaleur. Après une heure d’exposition au soleil, la moitié du corps de l’étudiant recouverte de Metafabric était plus fraîche de près de 5 degrés Celsius que le côté recouvert de la veste en coton, ont rapporté les chercheurs au début du mois de septembre dans la revue Science.

Gestion de la chaleur corporelle

Le Metafabric est le dernier développement en date dans un domaine émergent plus large des textiles pour la gestion de la chaleur personnelle, des vêtements qui peuvent chauffer ou refroidir celui qui les porte. Les chercheurs espèrent que ces textiles permettront non seulement d’améliorer le confort personnel, mais aussi de réduire les dommages corporels voire les décès dus aux chaleurs extrêmes. Ils pourraient même contribuer à ralentir le changement climatique en réduisant les besoins en climatisation, qui représentent environ 10 % de la consommation mondiale d’électricité.

« Nous consommons d’énormes quantités d’énergie pour refroidir notre environnement », explique Yaoguang Ma, l’un des chercheurs principaux du projet et professeur de science et d’ingénierie optiques à l’université. « Si nous pouvons faire en sorte que ce type de tissu soit transformé en vêtements et vendre ces vêtements aux gens, alors nous pouvons économiser beaucoup d’énergie. »

« Les textiles sont un moyen pour les gens de contrôler personnellement leur environnement », approuve Jennifer Gerbi, directrice de l’Agence pour les projets de recherche avancée – Énergie (ARPA-E) du ministère américain de l’Énergie. « Il est certainement plus facile de changer ce que vous portez que d’installer un tout nouveau système de chauffage, de ventilation et de climatisation dans votre maison ».

Lors d’un deuxième essai du gilet expérimental, le Metafabric a permis au porteur de rester plus de 3 degrés Celsius plus frais que le coton sur une période de 30 minutes. L’équipe de recherche a également réalisé des expériences avec des simulateurs de peau – des plaques de cuivre sous lesquelles se trouvent des appareils de chauffage qui reproduisent la chaleur du corps – recouverts de Metafabric, de coton, de lin, ou d’autres types de tissus courants. Sur une période de 4 heures, le simulateur recouvert de Metafabric était plus frais de 5 degrés Celsius que celui recouvert de coton et de 10,2 degrés Celsius que celui non recouvert représentant la peau nue. Dans une dernière expérience, les chercheurs ont comparé la température à l’intérieur de voitures recouvertes du type de tissu que l’on trouve dans une couverture banale de véhicule, du Metafabric ou de rien du tout. La voiture recouverte de Metafabric est restée 27°C plus fraîche que l’autre voiture recouverte, et 30 degrés plus fraîche que la voiture non recouverte.

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Ci-dessus : La peau située sous le Metafabric (à droite) s’affiche comme nettement plus froide que celle située sous le tissu en coton (à gauche). (Zeng et al., Science, 2021)

A la manière d’un miroir

Le Metafabric est fabriqué à partir d’une fibre synthétique recouverte de polytétrafluoroéthylène (plus connu sous le nom de Teflon) et contient de minuscules nanoparticules de dioxyde de titane, le même métal que celui utilisé dans les écrans solaires. La chaleur du soleil se présente sous différentes formes, notamment la lumière visible (les longueurs d’onde que les humains peuvent voir), les infrarouges et les ultraviolets (UV), qui peuvent provoquer des coups de soleil et des cancers de la peau. Si le dioxyde de titane reflète la plupart des types de lumière, il absorbe les UV, ce qui explique pourquoi vous avez chaud lorsque vous portez un écran solaire. Le téflon, en revanche, réfléchit les longueurs d’onde UV. La combinaison du téflon qui réfléchit les UV et du dioxyde de titane qui réfléchit les autres longueurs d’onde fait que le Metafabric reflète presque toute la lumière du soleil. « à la manière d’un miroir », explique M. Ma.

Le Metafabric est différent des vêtements de protection contre la chaleur (PTM – Personal Thermal Management) qui existent aujourd’hui et que l’on peut trouver dans certains magasins. Ces vêtements absorbent les rayons UV, ce qui protège le porteur des dommages causés à la peau, mais ne le refroidit pas. Les autres textiles qui tentent de bloquer la lumière du soleil sont fabriqués en enduisant les textiles traditionnels de colorants et de produits chimiques à base de métal ou réfléchissants, mais au fil du temps, cet enduit s’use.

Un tissu qui se travaille comme un autre

Les mécanismes qui sous-tendent le Metafabric ont été utilisés dans d’autres applications telles que les peintures réfléchissantes pour les bâtiments et les navettes spatiales, mais « c’est la première fois qu’ils sont intégrés dans un textile », déclare YuHuang Wang, professeur au département de chimie et de biochimie de l’université du Maryland, qui n’a pas participé à l’étude. « Il s’agit d’un travail très intéressant qui démontre que l’on peut réellement incorporer de nouvelles fonctionnalités aux textiles ». Wang souligne que les tests de l’équipe sur les gilets et les housses de voiture sont importants car ils démontrent des cas d’utilisation réels pour les biens de consommation.

Il est important de noter que le Metafabric fonctionne également comme les textiles traditionnels. Il peut être filé sur des bobines ce qui signifie qu’il peut être utilisé avec les machines à coudre commerciales existantes et pour n’importe quel modèle de vêtement sans avoir besoin d’un équipement spécial affirme Yaoguang Ma et son équipe.

Jyotirmoy Mandal, chercheur à l’université de Californie à Los Angeles, qui étudie les métamatériaux et le refroidissement radiatif et n’a pas participé à l’étude, a noté que les chercheurs ont tenu compte du confort, de la durabilité et des pratiques de fabrication à grande échelle lors de la conception du Metafabric, des aspects qui font souvent défaut aux autres textiles de refroidissement ou de chauffage. « Ce qui est vraiment bien, c’est qu’ils ont montré une façon très évolutive de le fabriquer, ce qui signifie que nous devrions nous attendre à ce qu’il soit utilisé bientôt », dit-il.

Pourtant, le Metafabric pourrait être confronté à plusieurs défis commerciaux, car l’industrie de l’habillement est très compétitive. « Il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte dans la fabrication d’un vêtement. Il y a beaucoup de qualités de tissu qui sont difficiles à décrire, et encore moins à mettre au point », explique Jennifer Gerbi – des qualités telles que la durabilité, la texture et les aspects hautement subjectifs mais très importants de la mode et de la créativité.

Erik Torgerson, ingénieur au laboratoire Security and Survivability de SRI International, qui effectue des recherches dans ce domaine, souligne auprès du magazine Wired que l’ajout de particules de dioxyde de titane à un textile, comme c’est le cas pour le Metafabric, pourrait alourdir les vêtements. Et tout produit fabriqué à partir de textiles qui fonctionnent en réfléchissant la lumière devra presque certainement être blanc, ce qui limitera selon lui les options des consommateurs.

L’équipe de Yaoguang Ma n’a pas encore testé l’attitude des consommateurs vis-à-vis du Metafabric, mais elle dit avoir été contactée par 40 ou 50 entreprises intéressées par son utilisation. L’une d’entre elles, Toread, une entreprise chinoise d’articles de sport et de plein air, collabore avec les chercheurs pour étudier la possibilité d’une fabrication à grande échelle. « Si le Metafabric peut être produit en masse, les produits fabriqués à partir de ce tissu le seront dès que possible », promet Byron Chen, vice-président de Toread, qui envisage d’utiliser ce textile dans les vêtements, les tentes, les bâtiments et même dans la chaîne du froid pour le transport des aliments et des produits médicaux.

Un rôle à jouer dans l’adaptation au dérèglement climatique

Si le Metafabric et d’autres textiles réfrigérants émergents trouvent le chemin du marché, ils pourraient jouer un rôle dans l’adaptation au changement climatique. Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies prévoit des températures mondiales plus élevées et des vagues de chaleur plus fréquentes. Le chiffre des décès dus à la chaleur n’a cessé d’augmenter au fil du temps. L’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande mondiale de climatiseurs triplera au cours des 30 prochaines années. Les textiles destinés à la gestion de la chaleur personnelle pourraient un jour offrir une sorte d’alternative à la climatisation.

C’est pourquoi il est important pour l’équipe chinoise de maintenir des prix bas. Guangming Tao, chercheur principal du projet et professeur à l’université des sciences et technologies de Huazhong, explique que les matériaux et la main-d’œuvre ne représentent généralement qu’une petite fraction du prix total des vêtements, le reste étant généralement dû à une marge de 55 à 60 % appliquée par les détaillants. Il estime que le remplacement d’un textile habituel par le Metafabric n’augmentera le coût des matériaux que d’environ 1 %.

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Source : Science, Wired

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