Voici une alternative aux ressources fossiles pouvant répondre à plusieurs défis environnementaux, notamment l’effet de serre, dans le domaine des panneaux isolants dans le bâtiment : une biocolle réalisée à partir de carcasses de crevettes. Des chercheurs clermontois sont à l’origine de la formulation de cette colle à base de chitosane, un polymère naturel, qui s’avère aussi performante que les colles structurales industrielles.
Le secteur du bâtiment est au cœur des enjeux du développement durable. Construire ou rénover des bâtiments de manière écoresponsable nécessite de considérer l’ouvrage dans son ensemble, depuis la production des matériaux qui le composent jusqu’à sa déconstruction. La filière des matériaux biosourcés a été identifiée par le ministère de l’Écologie comme l’une des filières vertes ayant un potentiel de développement économique élevé pour l’avenir. Cela notamment en raison de son rôle pour diminuer notre consommation de matières premières d’origine fossile, limiter les émissions de gaz à effet de serre et créer de nouvelles filières économiques. Le recours à des matériaux biosourcés s’inscrit donc dans une démarche de développement durable.
L’Institut Pascal Axe GEPEB de Clermont-Ferrand est un laboratoire de recherche public travaillant sur la valorisation de polymères tels que les polysaccharides et les protéines. L’Institut est lauréat du trophée « Valorisation/transfert» pour sa colle 100 % naturelle issue de carcasses de crevettes. Développée pour le marché de la construction, elle se destine désormais à tous les secteurs industriels.
Utilisées pour assembler deux pièces et former un composé résistant à de fortes contraintes mécaniques, les colles dites structurales sont formées de matériaux synthétiques (polyuréthane, époxyde…) qui renferment des substances potentiellement toxiques pour la santé et l’environnement, comme notamment des composés organiques volatils (cov). Compte tenu de l’étendue des applications de ces adhésifs structuraux, un des défis actuels vise à trouver des matériaux alternatifs, qui soient à la fois dotés de performances équivalentes et non nocifs.
C’est là le challenge qu’ont relevé des chercheurs du centre Irstea et de l’Institut Pascal de Clermont-Ferrand [1], spécialistes de la mécanique des matériaux adhésifs et de l’élaboration de biomatériaux . En associant leurs expertises respectives dans le domaine de la mécanique des matériaux (modélisation du comportement des adhésifs notamment) et de la conception de biomatériaux, ils ont mis au point une colle 100 % naturelle à base de chitosane, un biopolymère fabriqué industriellement à partir de la chitine de la carapace des crustacés ou de champignons. « Formulée à partir du chitosane, d’un acide organique et d’un polyol, la colle que nous avons développée se révèle aussi efficace que les colles structurales industrielles. Elle présente en effet une résistance mécanique au cisaillement du joint de colle (la mesure de référence) supérieure à 7 méga Pascal et qui peut atteindre jusqu’à 40 MPa » précise Jean-Denis Mathias, chercheur au centre Irstea de Clermont-Ferrand et co-inventeur de la biocolle. Un résultat remarquable puisque, jusqu’à présent, aucune colle biosourcée n’avait atteint ce seuil.
Objet d’un brevet largement étendu à l’international [2] et détenu en copropriété par Irstea et l’Université Clermont Auvergne (UCA), cette innovation a été récompensée en 2017 par le trophée Eco-Innovation de la maison Innovergne (structure publique du soutien à l’innovation en Auvergne). Grâce à sa simplicité de fabrication et, de fait, son faible coût, qui constituent un autre atout de taille, cette colle nouvelle génération semble vouée à un avenir prometteur. « Cette innovation présente un fort potentiel selon nous. Et l’intérêt que lui portent les fabricants de colles ou des matières premières qui entrent dans leur composition, en témoigne. Nous travaillons actuellement à la mise en place de partenariats qui permettront d’entreprendre une phase de développement préindustriel », commente Véronique Vissac-Charles, responsable du pôle Valorisation et transfert d’Irstea.
Et déjà un premier essai a été transformé. La biocolle a en effet été exploitée dans le cadre du projet collaboratif Demether [3] visant à utiliser des sous-produits agricoles, des tiges de tournesol broyées et agglomérées grâce à la colle, pour concevoir des panneaux d’isolation pour le bâtiment. Le matériau composite obtenu s’est avéré capable de concurrencer les propriétés mécaniques et thermiques des matériaux disponibles sur le marché.
Après les accords de Grenelle de l’environnement en 2007, le label « Bâtiment » a été mis en place, en 2012, par les pouvoirs publics afin de valoriser l’utilisation des matériaux et produits de construction biosourcés. Plus récemment, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte encourage l’utilisation des matériaux biosourcés lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments [4]. Potentiellement transférable dans de nombreux secteurs tels que la construction, l’emballage ou l’aménagement intérieur, la biocolle issue des laboratoires d’Irstea et de l’UCA n’a sans doute pas fini de faire parler d’elle…
[1] Axes GEPEB et MMS de l’Institut Pascal, laboratoire LISC d’Irstea.
[2] Adhésif bio-sourcé à haute propriété mécanique – Brevet FR2962738 (Cemagref ; Université Blaise Pascal ; Université d’Auvergne), 2011. Extension en 2017 à 14 pays dont la Russie et les Etats-Unis.
[3] Projet ANR (2011-2015). Partenaires : Irstea (LISC, ITAP), GEMH, ENSACF, ENSAM Cluny, Institut Pascal. Coordination : Jean-Denis Mathias.
[4] Article 14 de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte.
(Source : irstea)
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