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Londres, la technologie et la transition : quels espoirs pour la ville ?

TRIBUNE LIBRE

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« Londres, première ville intelligente dans le top 10 mondial », « La transition énergétique jugée trop lente au Royaume-Uni », « L’été où les conservateurs britanniques ont rompu le consensus climatique », tels sont des exemples de titres récents que l’on peut lire dans la presse internationale au sujet du développement technologique londonien et de l’action britannique en faveur du climat. En quoi ces gros titres peuvent-ils sembler contradictoires ? La technologie et le développement d’une ville intelligente seraient-ils opposés à la transition énergétique ? Ce sont les questions que nous allons aborder dans cet article. Peut-on craindre que le pays qui a vu naître la première ville en transition (Totnes, sud du Devon) soit un des pires élèves européens pour le climat ? Qu’en est-il du développement durable à Londres et de la technologie ?

Londres et la technologie, une histoire ancienne

Depuis près de trois cents ans, on peut affirmer que Londres vit une histoire d’amour avec la technologie. Capitale du premier pays à s’industrialiser (à la fin du XVIIIe siècle), elle a été la première ville à s’éclairer au gaz en 1812 (ce qui a permis le développement de cette invention). Elle fut aussi la première ville à installer un train souterrain (le metropolitan) en 1863.

Cette relation est toujours bien vivante aujourd’hui avec entre autres le développement de l’internet des objets (IdO en français ou IoT pour Internet of Things en anglais), l’innovation dans le domaine des transports, la collaboration des entreprises technologiques, la construction de systèmes de transport routier intelligents.

Comme toute histoire d’amour, cela s’est parfois traduit par des périodes difficiles. Le smog, qui est un nuage de pollution atmosphérique, est apparu pour la première fois, lui aussi, à Londres. D’où son nom, un mot-valise qui vient de l’anglais « Smoke », fumée, et « fog », brouillard. Il est issu du mélange de particules fines et d’ozone. En décembre 1952, Londres a vécu le Grand Smog : un mélange mortel de brume, de fumée et de pollution toxique qui aurait provoqué la mort de 12 000 personnes.

Londres et la transition énergétique

Depuis septembre 2021, tous les bus de la ville sont à zéro émission. Londres favorise la prise des transports en commun avec la mise en place d’une zone de péage urbain pour les véhicules polluants ainsi qu’une zone à ultra basses émissions ou encore la création de l’Oyster Card (pour les locaux et les touristes). Par ailleurs, l’Angleterre a une politique forte en matière de production d’électricité décarbonée et a été le premier pays du G7 à s’engager à ne plus émettre du tout de carbone en 2050. Ce qui se traduit par une explosion du renouvelable dans le pays et un plan de facilitation pour développer le nucléaire. Ce dernier point est par contre litigieux (le nucléaire n’est pas vraiment décarboné et reste dangereux, mais c’est un autre sujet).

En septembre, l’interdiction des ventes de voitures neuves à moteur essence ou diesel a été reportée de 2030 à 2035. En juin 2023, le comité sur le changement climatique, un organisme indépendant chargé de conseiller Londres sur le passage à la neutralité carbone, relève que la transition au Royaume-Uni est trop lente. Ce comité reproche au gouvernement britannique de fonder ses efforts sur « des solutions technologiques qui n’ont pas encore été déployées à une échelle suffisante, plutôt que d’encourager les gens à réduire leurs activités émettrices de CO2 ».

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Londres, première ville intelligente mondiale

En effet, fidèle à son passé, la ville mise sur des solutions technologiques. Londres est classée première ville intelligente dans le top 10 des villes les plus futuristes du monde, dans la catégorie des villes de plus de trois millions d’habitants. La capitale de l’Angleterre réalise des efforts notables pour se transformer en ville connectée, en ville intelligente. Cela se traduit par de nombreuses innovations qui ont pour but d’améliorer la durabilité et la qualité de vie. On peut citer les taxis robots qui relient un terminal de l’aéroport d’Heathrow à son terminal passagers. Ou encore la création du London Datastore, une plateforme de données gratuite et en libre accès. Celle-ci permet à chaque citoyen d’être connecté à chaque phénomène qui se produit dans la ville. Grâce à ce système, tout le monde peut accéder aux informations et aux statistiques, aussi variées que la consommation énergétique des bâtiments ou les prix de l’immobilier.

Quel rapport pourrait-il y avoir entre la question du climat, la transition énergétique, le développement durable ou la sobriété énergétique et la notion de ville intelligente ou « Smart city » ?

Centre urbain connecté et intelligence collective

Fortement dépendante des technologies numériques, une ville intelligente permet un grand nombre de connexions entre toutes sortes d’objets et de structures et surtout une gestion des données jamais égalée par quelque système que ce soit et à quelque époque que ce soit. Ainsi, grâce à la très grande masse de données fournies par les objets connectés et à l’intelligence collective de la population, une ville intelligente aurait la possibilité d’optimiser de manière insoupçonnée et inenvisageable jusqu’à ce jour sa consommation et, partant, ses émissions en équivalent carbone. L’idée est la suivante : les maisons deviennent de plus en plus « intelligentes », nous sommes presque tous de plus en plus connectés via nos smartphones, l’intelligence des objets (IdO) évolue constamment. Pourquoi ne pas faire de ces changements une force populaire, démocratique et réellement porteuse d’un changement favorable pour le climat ? Cela serait-il possible, et si oui, comment ?

Crowdsourcing et sobriété énergétique

En parallèle à la notion de ville intelligente se développe la question du « crowdsourcing », c’est-à-dire la récolte de données et d’informations en provenance de la foule (« crowd » = foule, « sourcing » = approvisionnement) crowdsourcing signifiant littéralement externalisation ouverte. Le pari, plutôt généreux et enthousiasmant il faut bien le dire, derrière ce nouveau mot issu du monde de l’entreprise, est que chacun peut contribuer, à l’aide de ses compétences propres et de ce qu’il peut apporter à la communauté en étant connecté à un réseau global et intelligent. Ainsi on peut imaginer que les instances urbaines et les collectivités s’allient dans l’objectif louable, et espérons-le atteignable, d’une drastique et souhaitable sobriété énergétique, seule solution réellement envisageable pour diminuer notablement les émissions de gaz à effet de serre.

Consommation numérique et diminution des émissions ?

Par ailleurs, le problème est connu, le stockage de données, d’informations et le flux des échanges numériques demandent l’utilisation de fermes de serveurs très gourmands en énergie pour leur refroidissement et leur maintien, au point que Microsoft réfléchit sérieusement à l’utilisation de microréacteurs nucléaires pour les approvisionner. Le développement effréné de l’informatique « déportée » pèse lourd en empreinte CO2, tellement lourd que certaines études laissent à penser que la consommation énergétique des serveurs pourrait bientôt rejoindre celle du secteur de l’aéronautique. On est donc en plein dans la recherche de « toujours plus de technologie » pour résoudre les problèmes posés par la technologie elle-même. Oui, mais cela est-il aussi absurde qu’il peut y paraître de prime abord ?

La sobriété énergétique est-elle en ligne de mire des villes intelligentes ?

La question se pose donc entre d’une part la quantité d’énergie demandée pour le développement d’une ville intelligente et d’autre part les bienfaits ainsi que la diminution concrète des émissions en équivalent carbone du centre urbain permis par cette évolution. Tout le pari de Londres — et des villes qui tendent dans cette direction — est que le bilan sera favorable. C’est là, avec l’objectif d’amélioration de la qualité de vie, toute la raison d’être de ses efforts technologiques notables. La notion est belle et le défi audacieux : créer un lien tel entre les données accumulées et l’intelligence collective au moyen d’internet et des objets connectés qu’il permet une adéquation constante entre tous ces éléments.

Ville intelligente = ville sobre énergétiquement : un rêve réalisable ?

Une ville qui se dote des moyens nécessaires pour devenir une ville intelligente dispose d’une part de données fiables, concrètes et en temps réel sur sa consommation énergétique, à tous niveaux. Elle n’a plus qu’à se munir d’outils pour gérer la bonne volonté, les idées, l’expérience et les compétences de toutes les personnes disposées à faire part de solutions efficaces, réalisables et pertinentes pour diminuer sa consommation globale. On peut penser que Londres est sur la bonne voie avec le London Datastore. Cela permettrait d’agir directement sur diverses sources claires, ciblées et problématiques. On peut raisonnablement penser que cela vaut la peine d’être tenté. Et si la réponse est positive, Londres est dès lors loin d’être à la traîne sur le plan de la transition énergétique. Voire même elle serait pionnière en termes d’une réponse technologique satisfaisante à la grave question de l’adaptation de nos centres urbains à une réalité climatique aujourd’hui évidente et extrêmement préoccupante.

La longue histoire d’amour entre Londres et le développement technologique aura-t-elle pour fruit une ville qui réussit sa transition énergétique ou qui conduira à une catastrophe comme le Grand Smog ? C’est là toute la question et seul l’avenir nous y répondra.

Quentin Pakiry, rédacteur du site bonjourlondres.fr  – Chroniqueur invité UP’ Magazine

Photo d’en-tête : Londres, prospective – ©UP’ Magazine

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