La presse en parle de plus en plus souvent. Mais qu’est-ce donc que le bitcoin ? Sera-t-elle la monnaie du futur ?
Depuis quelques mois, les médias économiques de tous les pays parlent beaucoup du bitcoin. Vous pouvez trouver des articles sur le bitcoin dans : Le Monde, Les Échos, La Tribune, L’Express, Le Nouvel Obs, Le Point, etc., souvent datés du début avril 2013. Mais ils en parlent quasiment tous pour évoquer une bulle gigantesque. Alors, qu’est-ce donc que ce Bitcoin ?
Le bitcoin, une crypto-devise
En fait, c’est une monnaie électronique basée sur des algorithmes mathématiques du domaine de la cryptographie (l’art de coder et de décoder des messages secrets), née en 2009 et conçue par un génie inconnu et qui depuis, a complètement disparu ! Elle n’a aucun support physique, sauf les disques durs des ordinateurs, et elle est donc constituée de 0 et de 1, comme tous les fichiers informatiques.
Malgré tout, pour qu’elle puisse être considérée comme une monnaie, il faut qu’elle ait plusieurs propriétés en commun avec les pièces et les billets en euros que vous connaissez bien :
Elle doit avoir un possesseur (les euros qui sont dans mon porte-monnaie sont à moi, et pas à mon voisin). Elle doit pouvoir être échangée avec quelqu’un d’autre pour un besoin de paiement (par exemple le boulanger à qui j’achète mon pain).
Elle doit comporter des décimales si elle a une valeur suffisante. Mon pain ne vaut pas 1 ou 2 euros, mais 1,14 euros. Il faut donc qu’il existe aussi des centimes.
Et évidemment, il ne faut pas qu’elle puisse être fabriquée facilement, ni dupliquée. Si j’essaie de faire un faux billet de 10 euros en utilisant une photocopieuse, il sera refusé car le papier n’aura pas la bonne qualité, il n’y aura pas de filigrane, etc. Un fichier informatique, par contre est particulièrement facile à dupliquer, car en principe avec un copier/coller, j’obtiens un deuxième fichier identique au premier.
Le bitcoin a bien toutes ces propriétés :
– Je peux avoir un ou plusieurs porte-monnaie qui m’indiquent combien de bitcoins je possède et qui peuvent être sur mon ordinateur, sur une clé USB ou sur un serveur informatique quelque part dans le monde, pourvu que je me souvienne du mot de passe pour y accéder.
– Comme il voyage par internet, il peut être échangé entre deux personnes d’un bout à l’autre de la planète en quelques minutes.
– Un bitcoin peut être divisé, non seulement en centimes, mais en fraction jusqu’au 100 millionième. C’est nécessaire, car sa valeur peut devenir très élevée comme on le verra plus tard. Et il ne peut être contrefait ni dupliqué. En effet, par un processus informatique assez complexe, mais très fiable, l’historique complet de tous les échanges d’un bitcoin est enregistré dans un bloc de données informatique et transmis sur tout le réseau internet, à tous les ordinateurs gérant des bitcoins, d’une manière telle qu’il ne puisse être modifiée sans qu’une erreur n’apparaisse.
Quand un certain nombre de bitcoins ou une partie de bitcoin est transmis à quelqu’un d’autre, ce bloc est complété du nouvel échange, se propage sur le réseau, et au bout de quelques minutes devient irréversible. Il est alors impossible d’annuler ce transfert. Je ne peux plus récupérer mes bitcoins envoyés, sauf à demander à mon partenaire de refaire un transfert dans l’autre sens.
Il a encore d’autres propriétés intéressantes :
– Contrairement aux paiements par Paypal, Western union ou par carte Visa, Mastercard, il est sans frais, aucun intermédiaire ne prélève quelques pour cent au passage.
– Les transactions de paiement sont anonymes. À chaque nouvel échange, on peut donner à son correspondant une nouvelle adresse fabriquée par le système, et automatiquement le paiement viendra atterrir dans le porte-monnaie que l’on aura choisi.
Quelle est la valeur d’un bitcoin ?
C’est la grande question que se posent tous les journaux que j’ai cités.
Quelle est la valeur d’une monnaie en général ? Cela dépend bien sûr de ce que je peux acheter grâce à elle. Avec un euro, je peux acheter par exemple une baguette, un café au bar du coin, quatre cigarettes, un peu moins d’un litre de diesel, 100 grammes de steack, etc. Avec une autre monnaie, livre sterling, franc suisse, dollar, cela va être un peu différent, ce qui va permettre d’établir une comparaison entre monnaies. Mais tout ceci varie dans le temps, généralement une unité d’une monnaie permet d’acheter de moins en moins de choses dans le temps, c’est ce que l’on appelle l’inflation.
Les monnaies entre elles ont aussi des rapports changeants, c’est ce que l’on appelle le cours. Par exemple, le cours entre le dollar et l’euro change toutes les secondes, et même toutes les millisecondes sur des places de marché électroniques, où se confrontent des acheteurs et des vendeurs et le cours est le résultat d’un équilibre qui évolue sans arrêt.
Qu’en est-il du bitcoin ? C’est le même principe, mais avec moins de places de marché et des volumes beaucoup plus petits. Il y a essentiellement des places de marché qui échangent le bitcoin contre le dollar, et quelques-unes qui échangent le bitcoin contre l’euro. Il y en a une en France, https://bitcoin-central.net. Vous pouvez y ouvrir un compte en euros, que vous alimenterez par un transfert SEPA à partir de votre banque habituelle. Vous pourrez alors acheter des bitcoins à un cours que vous choisirez ou au mieux, c’est-à-dire en prenant le cours de l’offre la plus intéressante.
Actuellement, le bitcoin vaut un peu moins d’une centaine d’euros, mais les fluctuations de cours sont très fortes depuis le début de l’année 2013. En effet, en début d’année, le bitcoin valait une dizaine d’euros, puis il a augmenté sans interruption, et vers mi-avril il valait quasiment 200 euros. Alors tout à coup, la place de marché la plus importante en dollar a été bloquée plus d’une journée par des problèmes informatiques (trop de nouveaux comptes et trop de transactions d’achat/vente, aggravés d’une tentative d’attaque de hackers). Ceci a déclenché une panique avec des milliers d’ordre de vente, qui ont fait redescendre le cours à une cinquantaine d’euros en quelques jours.
C’est pourquoi les médias ont parlé de bulle et d’éclatement de la bulle. Mais il faut bien voir que malgré tout, on est toujours à un cours 10 fois plus élevé qu’en début d’année, mais beaucoup plus stable pour l’instant.
Que peut-on faire avec des bitcoins ?
Pour l’instant, on ne peut pas encore acheter son pain avec, mais beaucoup de services internet, et même des e-commerces peuvent être payés en bitcoin. Il est vrai que peu de sites francophones jouent encore le jeu. Vous pouvez trouver cette liste de sites en français ici : http://www.bitcoin.fr
/post/2010/12/30/Que-faire-avec-mes-bitcoins
Une nouvelle étape est prévue, qui consiste à installer des DAB (distributeurs de billets) en bitcoins. On pourra retirer des billets en euros à partir d’un porte-monnaie en bitcoins, et à l’inverse, créditer son porte-monnaie bitcoin en insérant dans la machine des billets en euros. En 2013, une centaine de distributeurs sont prévus dans 30 pays.
Comment sont fabriqués les bitcoins ?
C’est un peu comme pour l’or, pour en extraire, il faut aller le chercher dans les mines.
Les bitcoins sont fabriqués par des mineurs d’un type spécial. Encore une fois, c’est une affaire de mathématiques. Il faut résoudre une équation de plus en plus compliquée au fil du temps pour pouvoir créer un bitcoin. Il s’en crée de moins en moins. En effet, les quatre premières années, on pouvait créer 50 bitcoins toutes les 10 minutes. Depuis fin 2012, c’est seulement 25 bitcoins toutes les 10 minutes, et tous les 4 ans ce nombre sera divisé par 2.
Ce qui fait qu’actuellement, il existe un peu plus de 11 millions de bitcoins, mais il y a une limite absolue de 21 millions qui ne sera atteint que dans plusieurs dizaines d’années.
Bien sûr, pour les mineurs, plus leurs PC sont puissants, plus ils peuvent espérer créer de nouveaux bitcoins, les programmes pour le faire étant en libre accès sur internet ; c’est essentiellement les cartes graphiques qui font le travail. Mais de nouveaux matériels sont en train de voir le jour, dont l’unique objet sera de créer des bitcoins, et qui seront donc au moins 10 fois plus rapides pour cette tâche, que les meilleurs PC actuels.
Quel avenir pour cette monnaie ?
Dans notre environnement de crise financière et monétaire toujours très vive, le bitcoin peut devenir une devise importante, car elle est indépendante de toute banque centrale, et même de tout organisme.
Ses caractéristiques d’échange gratuit et anonyme peuvent en faire un moyen de paiement adapté aux ventes illégales (drogue, prostitution, blanchiment d’argent sale), mais il peut aussi être utilisé par ceux qui veulent éviter le contrôle de certains États (liberté d’expression, mouvement anti-dictature, droits de l’homme, etc.), et par ceux qui ont peur que la politique monétaire de plus en plus laxiste n’échappe au contrôle des banques centrales.
Il a été dit que lors de la crise bancaire à Chypre de ce début de printemps, beaucoup de Chypriotes avaient transféré leurs avoirs en bitcoins, pour éviter de s’en faire prélever une partie par les banques. On a aussi noté que beaucoup d’Espagnols ouvraient des comptes en bitcoin.
Par ailleurs, le fait que le nombre total de bitcoin est limité empêche toute inflation, et donc toute réduction régulière de sa valeur. Au contraire, au fur et à mesure qu’il est de plus en plus utilisé, sa valeur devrait aller en augmentant.
La valeur totale des bitcoins en circulation à ce jour, est d’environ 1 milliard d’euros, ce qui laisse une marge de progression importante, si par exemple on compare avec les importations ou les exportations d’un seul mois de 2013, qui se montent à environ 40 milliards d’euros, uniquement pour la France.
Certains États ou organismes pourraient éventuellement être gênés par cette nouvelle devise, quand elle sera beaucoup plus utilisée – la BCE et la Fed. s’y intéressent de près, mais seulement pour dire qu’ils continueront à la surveiller).
Iront-ils jusqu’à l’interdire, et dans l’affirmative, pourront-ils réellement le faire ?
C’est l’enjeu du futur. En tout cas, on peut dire que c’est la première monnaie libre de l’ère internet, et on lui souhaite de révolutionner la banque, comme internet a révolutionné la liberté d’expression.
Daniel Benbassat, ©Monnaie et finance, retranscrit par Contrepoints – 4 Novembre 2014