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Pourquoi les startups françaises ne deviennent-elles pas des géants ?

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Nicolas Colin, vient de publier une tribune décapante sur l’écosystème entrepreneurial. Il l’un des trois fondateurs avec Alice Zagury et Oussama Amma  de The Family, un fonds d’investissement conçu pour faire émerger des start-up à un milliard d’euros. C’est un énarque, Inspecteur des finances, auteur de nombreux ouvrages remarqués sur l’économie numérique. Sa parole est donc écoutée. Pour lui, la recette d’un écosystème entrepreneurial repose sur trois composantes fondamentales qui doivent s’harmoniser et s’équilibrer finement :  : le capital, le savoir-faire et ce qu’il appelle « la rébellion ». Le capital c’est ce qui donne les ressources financières, le savoir-faire concerne le capital humain indispensable et enfin l’esprit de rébellion est l’ingrédient en l’absence duquel aucune innovation forte ne pourrait voir le jour.  Dans son analyse, il dresse un panaroma comparatif des dosages de ces trois ingrédients selon les régions du monde. Et les différences sont considérables. Mais quand Nicolas Colin se penche sur l’écosystème français, il n’est vraiment pas tendre. Déjà à la fondation de The Family, il avait annoncé : « l’écosystème français de l’innovation est toxique ». Nous avions relaté cette proclamation dans UP’ Magazine. Aujourd’hui, il va encore plus loin et son constat est sans appel.
 
D’emblée Nicolas Colin constate une triste vérité de l’écosystème français : « les entreprises qui s’y lancent veulent créer le prochain Google et finissent à la tête d’une petite agence web ». L’énigme française est tragique : « pourquoi, alors que nous avons beaucoup de capital, beaucoup de savoir-faire et pas mal de rébellion, n’arrivons-nous pas à développer une économie entrepreneuriale digne de ce nom ? ». La réponse tient au dosage de l’écosystème entrepreneurial, voire à l’absence de mélange des trois ingrédients principaux. La mayonnaise ne peut pas prendre : « les capitalistes, les ingénieurs et les rebelles ne se fréquentent pas, voire se défient les uns des autres ».
 
Détaillons avec Nicolas Colin cette idée :
1. Il y a beaucoup de capital en France. Mais il existe « une telle puissance de l’économie de rente (l’immobilier, les notaires, les taxis, les pharmaciens, les avocats, les artisans, les agriculteurs, les greffiers de tribunaux de commerce…) que les capitalistes n’ont aucune raison de prendre le moindre risque à investir dans des startups. Nous avons beaucoup de capital immobilisé dans de belles infrastructures (de transport, d’électricité, de télécommunications, de tourisme), mais là encore c’est capté par des entreprises qui, soit vivent de leur rente comme par exemple le tourisme), soit se contentent, en interne, d’innovations de renouvellement et d’optimisation (par exemple,  les télécommunications). Les seuls rebelles, dans le capitalisme français, sont les gens du private equity, qui terrifient tout le monde avec leurs LBO. Même les gens du capital-risque sont des enfants sages en France, puisque leurs fonds sont majoritairement financés par les pouvoirs publics via BPI France ».
 
2. Il y a beaucoup de savoir-faire en France. Mais pour Nicolas Colin, cette richesse est allouée à une économie de l’optimisation et de la sous-traitance. La France possède de bons ingénieurs mais elle a deux problèmes : d’abord les ingénieurs «ne veulent pas mettre la main à la pâte (nos ingénieurs, tous anciens premiers de la classe, veulent manager, pas développer du logiciel) ». Ensuite, nous possédons une fierté nationale, le Crédit Impôt Recherche, mais cette facilité conduit à subventionner le salaire des ingénieurs. La conséquence est que le travail des ingénieurs se retrouve « cartellisé entre i) grandes entreprises traditionnelles à peine innovantes, qui les font travailler sur de l’optimisation ou des projets sans lendemain, ii) sous-traitants de tout poil, qui les mettent à disposition pour pas cher et iii) les entreprises étrangères qui délocalisent en France leur R&D. ». Le stock d’ingénieur est donc quasiment intégralement phagocyté par ses effets pervers entrainant une conséquence dramatique pour l’économie de l’innovation : « nos ingénieurs ne peuvent pas aller travailler dans l’économie entrepreneuriale (qui ne peut pas bien les payer de toutes façons, faute de capital) ».
 
3. Il y a beaucoup de rébellion en France. C’est un trait de caractère que l’on accorde volontiers aux français. Mais, pour Nicolas Colin, quand les entrepreneurs veulent se rebeller,  « que ceux-ci sortent du bac à sable et commencent à pratiquer l’innovation radicale à grande échelle, ils reçoivent des mises en demeure ; ils sont poursuivis en justice ; ils sont même, dans certains cas, emmenés en garde à vue. Disons les choses comme elles sont : dans tous les pays, même aux Etats-Unis, les entrepreneurs ne rentrent pas dans les cases et finissent par se heurter à la réglementation. Mais dans certains pays, en particulier aux Etats-Unis, la rébellion s’allie au savoir-faire et au capital pour triompher des obstacles. Chez nous, la rébellion est tolérée, parfois même encouragée, mais pas dans l’entrepreneuriat. Du coup, elle prospère dans d’autres univers ».
 
La conclusion de l’analyse n’y va pas par quatre chemins : « la France échoue à développer une économie entrepreneuriale digne de ce nom car elle est étouffée à la fois par son économie de rente, son économie de sous-traitance et son corporatisme (qui empêche la rébellion). Ce n’est pas une caricature : nous sommes un composé de Tunisie (pour le tourisme), de Londres (pour les prix de l’immobilier), d’Inde (pour la sous-traitance) et de Grèce (pour la rébellion qui, cantonnée à la sphère de la politique, va finir par tout faire exploser) ».
 
Alors, malgré les cohortes d’entrepreneurs français qui créent des milliers de startups, aucun géant de l’économie numérique n’a encore grandi en nous. Et nous sommes encore loin cet horizon. Qu’en pensez-vous ?
 
 
Photo : William Beaucardet pour L’Obs
 
 

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