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urbanisme

Quand la forêt s’invite en ville

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Une forêt sauvage peut-elle être considérée comme un nouveau type de jardin ? Question paradoxale quand un jardin est par définition un espace façonné par l’homme. C’est la problématique étudiée par de futurs architectes, à travers l’étude de la Corniche des Forts à Romainville, site forestier improbable aux portes de Paris où un projet vieux de 17 ans est en train de refaire surface.
 
C’est une forêt méconnue de 64 hectares située à 2 km de Paris principalement constituée d’érables, de frênes et de robiniers, avec une ligne de crête de deux kilomètres sur la Capitale. Des dizaines de variétés d’oiseaux y ont élu domicile au creux des charmes, des érables sycomores et des herbes hautes. Site d’intérêt remarquable à l’échelle européenne, car il est un observatoire pour voir comment la nature a recolonisé un espace façonné par l’homme. Aujourd’hui cette forêt est une enclave entre Romainville, Pantin, Noisy-le-Sec et les Lilas, inaccessible au public à cause des cavités profondes de l’ancienne carrière qui l’occupe.
 
 
Le cabinet d’étude Ecosphère avait réalisé en juillet 2001 une étude écologique du secteur où il recensait alors 218 espèces végétales dont 59 sub-spontanées ou naturalisées. Certaines zones comprennent des arbres de taille respectable. La strate arbustive est dominée par les fourrés à Sureau noir et Sureau yèble très intéressants pour les oiseaux migrateurs (ils fournissent des baies en automne).
 
On trouve aussi des bosquets isolés de lilas et d’arbres à papillons dans les endroits ensoleillés. Dans les zones humides et ombragées se développe un sous-bois dominé par l’Ail des ours et la Grande Ortie (intéressante pour les papillons), le lierre grimpant (baies et refuges pour les oiseaux), le houblon…
Les secteurs les plus ombragés des anciennes carrières de Romainville sont recouverts de lierres et certains arbres sont littéralement recouverts de lianes, offrant un spectacle digne de la forêt tropicale (1).
L’endroit le plus sauvage du 93 » selon David Bismuth, ornithologue amateur : C’est un refuge important pour de nombreuses espèces d’oiseaux protégées, l’un des lieux les plus sauvages de la Seine-Saint-Denis », prévient David Bismuth, ornithologue amateur et responsable du site Ornithomédia. Pour le spécialiste, « la forêt a été colonisée par une quarantaine d’espèces d’oiseaux forestiers nicheurs, dont au moins deux couples de chouettes hulottes et deux couples d’éperviers d’Europe ». Parmi les oiseaux qui profitent de la présence de grands arbres propices à la nidification : « Le pic épeichette, l’accenteur mouchet, la fauvette à tête noire, les mésanges bleues, charbonnière et à longue queue, la sittelle d’Europe, le merle noir, le pouillot véloce, le Serin cini et le geai des chênes. Signe que le bois est un véritable refuge, des couples d’écureuils roux y ont élu domicile… une rareté, car ce rongeur, soumis à la dégradation de son habitat, déserte petit à petit les forêts françaises. » (Source : Le Parisien 23/10/2017)
 
Plusieurs scénarii ont été envisagés pour son futur : parc urbain, base de loisirs ou forêt urbaine. Raser la forêt ou combler les cavités impliquerait de détruire la dimension sauvage du site et ces espaces de la carrière qui sont de véritables cathédrales souterraines.
 
Cette problématique a été étudiée par les futurs architectes du Master-Lab Habiter l’Anthropocène de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris à travers l’étude de la Corniche des Forts. Un projet d’étudiants comme alternative éventuelle à des propositions de la Région ? Oui, certainement quand on connaît les nombreux projets qui font fantasmer les élus, faisant de ce lieu une contrainte, alors que pour nos étudiants architectes, il s’agit là d’une richesse inespérée.
Leurs projets présentés devant un jury d’élus et de professionnels ont d’ailleurs été exposés ce jeudi 21 décembre à l’Ecole Spéciale d’Architecture.
 
Projet de Mahini Leroi et Sandra Teboul

 
Projet de Meryem Lahlou et Abdallah Lamiri Alaoui

 
L’enjeu de cette recherche a été d’imaginer la métamorphose de ce tiers-paysage comme catalyseur pour l’imaginaire de cette banlieue parisienne et pour l’aménagement de son tissu hétéroclite, à travers une série de micro-projets architecturaux. Il s’agit de porter une réflexion à double échelle, celle du milieu et celle de l’objet. Comment conserver la forêt tout en l’aménageant pour le public ? Quels objets programmatiques pour créer une connectivité durable entre la ville et la forêt ?

Une forêt née d’une carrière de gypse, un bien commun précieux pour le climat de l’île de France

Cette forêt moderne et improbable, est une friche urbaine qui doit son existence à son passé industriel. Elle est située sur une ancienne zone d’exploitation de gypse qui servait à extraire du plâtre pour la construction de Paris. Suite à la fermeture des carrières, la nature a pris le dessus en recouvrant intégralement le site d’un nouveau biotope.
 
La sous-face invisible de cette forêt, est donc sa raison d’être, mais aussi son défi. L’accès est interdit au public en raison des risques d’effondrement. Pourtant des chemins y sont tracés, des riverains pratiquent ce lieu et les 20 hectares déjà aménagés en parc à ses abords. Des associations de sauvegarde de la Forêt se sont crées lorsque la ville puis la Région annonçaient leur projet de créer un parc public et une île de loisirs.
En effet, ces projets signifient le comblement des carrières pour sécuriser le site et par conséquence le défrichement d’une partie de la forêt.
À l’heure d’un dérèglement climatique accéléré, de l’extinction massive des espèces et d’une pollution atmosphérique urbaine persistante, ne faut-il pas changer de récit ? Ne faut-il pas donner une valeur supérieure à cette forêt comme cela se fait à Tokyo, Rio, Singapour ou Toronto qui abritent, préservent et valorisent leurs forêts urbaines ? Ne faut-il pas la considérer comme un écosystème autonome et bénéfique non seulement pour l’homme mais aussi pour toutes les espèces qui y vivent ?

Un jardin planétaire aux portes de Paris : une nouvelle relation nature /ville à imaginer

Cette forêt illustre le postulat du Tiers-Paysage de Gilles Clément selon lequel un délaissé renaturé est un espace privilégié de biodiversité, un espace du futur jardin planétaire, que nous sommes tous responsables de cultiver. Alors comment ouvrir le site à la ville ? Comment métamorphoser cet espace résiduel pour qu’il soit considéré dans l’imaginaire collectif comme une continuité écologique du paysage forestier du Grand Paris ?
 
Les projets proposés par les étudiants se déclinent en trois catégories : ceux qui traitent le contour, la surface et la sous-face. La condition du site comme enclave pousse à travailler sur sa limite avec la ville, de sorte à la rendre poreuse. Le traitement de cette limite cherche à créer une perméabilité à travers des poches accessibles dans la forêt.
Ensuite, il y a l’idée de traverser la forêt au sol ou dans les arbres, le long d’une ligne, qui deviendrait le franchissement possible d’une promenade. Enfin l’idée de travailler l’épaisseur, en creusant ponctuellement pour accéder aux cavités souterraines. Passerelles, observatoires, belvédères, pavillons, serres, édicules, amphithéâtre, grotte, les éléments architectoniques de l’univers du jardin se déploient pour imaginer une coexistence possible entre le sauvage et l’urbain.
 
Avant que tractopelles, camions et bulldozer ne viennent combler les carrières, tout raser et transformer cette dernière zone encore sauvage en énième zone de loisirs pour bobos (la douzième autour de Paris comme celles des Jablines, Vaires, Cergy, Saint Quentin, …), ne serait-il pas temps de mettre en action les engagements des COP et sommets sur le climat  pour préserver cette véritable île de verdure « sauvage » ?
 
 
 
Master-Lab Hiver 2017 sous la direction de Sara Kamalvand
Les étudiants :
Mehdi Alaoui, Lucas Bartholl, Johan Bernmark, Raphaelle Dezert, Arold El Baze, Léa Huot de Neuvier, Suk Jae Ko, Alice Koch, Meryem Lahlou, Abdallah Lamiri Alaoui, Manihi Leroi, Joshua Lye, Sang Cheon Park, Sang Hoon Park, Lucie Schnirer, Ines Smouni, Mary Spyropoulos, Sandra Teboul, Mu Jong Yoo, Yuchen Zhang, Yutong Zhang
Le jury :
Daniel Breuiller (Vice-président délégué à la mise en valeur du Patrimoine naturel et paysager – Métropole du Grand Paris), Charlotte Fauve (Ingénieur et journaliste spécialisée art, nature et urba – nisme), Daniel Otero Peña (Architecte), Stéphane Weisselberg (Président du Syndicat Mixte de la Corniche des Forts), Roberto D’Arienzo (architecte), Julie Lefebvre (Habitante et consultante médias sur les questions de nature et de territoire)
 

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