Pour fabriquer un smartphone, il faut extraire les métaux rares d’une tonne de terre environ. Téléphones portables, écrans plats, satellites : dans le monde de la high-tech, elles sont partout – pourtant, on les appelle les « terres rares » : des métaux aux propriétés bien particulières. Pour l’industrie du High Tech, la fête est terminée et les processus d’innovation doivent enfin intégrer le poids des ressources, un très gros coup de frein en perspective, car les métaux rares, indispensables à la haute technologie, sont au coeur de conflits géostratégiques. Un sujet au coeur de la 8ème Conférence Internationale sur les terres rares de fin Novembre 2012.
Illustration : Peinture « Les terres rares » de Gabriel Lalonde (Techniques mixtes sur carton encre,huile, pigments secs)
Peu de matières premières ont un nom aussi trompeur que « les terres rares ». D’une part, car l’appellation de terres rares désign en fait dix sept métaux, dont quinze forment la série des lanthanes, plus le scandium et l’ytrium. L’ytrium justement, dont les propriétés, alors inédites, ont été découvertes par Johan Gadolin dans les années 1790. Il travaillait alors sur des matériaux issus d’un gisement minier suédois. Jusqu’à l’engouement pour la télévision couleur, les terres rares, en l’occurrence de l’europium et du terbium, étaient d’un emploi très marginal. Ainsi, l’adjectif « Rare » est, comme le mot qu’il qualifie, un faux ami hérité de son contexte historique : ce ne sont ni les réserves prouvées de terres rares ni leur répartition à la surface du globe qui pourraient faire craindre une pénurie. Si rareté il y a, c’est celle des pays producteurs : 97% de la production des terres rares se fait aujourd’hui en République populaire de Chine. Or, depuis la massification des postes de TV couleurs, les terres rares sont devenues indispensables aux filières de fabrication d’objets high-tech et de production d’énergie renouvelable – écrans à cristaux liquides, tablettes, ampoules basse consommation, batteries de voiture électrique ou hybride, comme la fameuse Toyota Prius. Bref, aux industries dites d’avenir.
Sans parler de leur utilisation stratégiques dans les industries dites de défense, c’est-à-dire dans la production d’armes et d’objets militaires : missiles de croisières, munitions guidées, radars, équipements de visions nocturnes, satellites… Le quasi monopole de la Chine sur l’exploitation des terres rares a donc transformé une question géologique, minière et industrielle en quasi-crise géopolitique.
La problématique de la compétition mondiale autour des matières premières stratégiques est aux dires des grands consultants l’une des clés du développement, tant économiquement que géopolitiquement parlant ce qui n’est pas sans poser quelques questions graves sur le plan de l’approvisionnement futur des grands groupes français et européens.
Carte de la répartition des réserves de terres rares dans le monde ©MAGAZINE CARTO
La Chine en situation d’oligopole
D’après le United States Geological Survey (USGS), l’Institut d’études géologiques des États-Unis, la Chine détiendrait plus de 50% des réserves mondiales d’oxydes de terres rares. Mais c’est surtout la production qui pose problème, car là, le monopole de la Chine est total avec plus de 97 % de la production mondiale en 2011, soit 130 000 tonnes. Une situation qui inquiète nombre de gouvernements à l’heure où la demande augmente rapidement (6 % par an).
La prise en compte du facteur environnemental par les autorités chinoises initié par la pression populaire est un tournant décisif. Les émeutes de Qidong et Shifang en juillet 20012, Ningbo en octobre 2012, toutes liées à des problèmes de pollution ou d’implantation d’usines chimiques, démontrent le ras-le-bol de la population chinoise. Les problèmes chinois ne font que commencer…
Guillaume Pitron a tourné un excellent documentaire sur « La guerre des terres rares », sujet dont on parle peu :
(Source : Agoravox – Déc 2012)
Et les Etats-Unis ?
Autrefois, l’extraction des minerais tels que le terbium, le dysprosium, le neodymium, l’yttrium, etc, était dominée par les États-Unis jusqu’aux années 1990, grâce notamment à la réserve de Mountain Pass en Californie. Depuis le début des années 1990, la Chine a acquis une situation de quasi-monopole sur la production et l’exportation.
Aux États-Unis, une proposition de loi visant à ressusciter la production nationale de terres rares a été approuvée en octobre 2010, mais attend toujours son passage devant le Sénat. L’Union européenne a commencé à en stocker pour diminuer la dépendance à court terme et le Japon a découvert d’immenses réserves dans le Pacifique. Les projets d’ouverture de nouvelles exploitations se multiplient, mais peu sont susceptibles de démarrer la production rapidement, d’autant qu’avec l’abandon de la filière il y a plusieurs années, les compétences techniques et humaines sont aussi à reconstituer.
Confrontées à cette situation, les entreprises privées cherchent aussi des solutions alternatives.
Des projets de recherche et développement en France
– Euro Dieuze Industrie travaille sur le recyclage des accumulateurs des véhicules hybrides et électriques. Métaux rares récupérés : cobalt et lithium.
– Envie 2E / projet MEDUSA : démantèlement et traitement des écrans LCD. Métaux rares récupérés : indium et terres rares.
– Récupyl : recyclage des panneaux photovoltaïques en silicium. Métaux rares récupérés : argent et indium.
– Rhodia : récupération de pots catalytiques. Métaux rares récupérés : terres rares.
– Rhodia BRGM / projet VALOPLUS : séparation des poudres et extraction de terres rares sur les lampes fluo-compactes.
Le boom des projets miniers de terres rares hors de Chine ©CHRISTIAN HOCQUARD
Si toutes ces solutions suscitent d’importants efforts de recherche et d’investissement, elles ne remettent toutefois pas radicalement en question la dépendance mondiale à l’égard de la Chine, du moins à moyen terme. (Source : Globe, le blog de Planète Terre)
La piste du recyclage semble néanmoins très prometteuse. Au fin fond de l’Allemagne, près de la frontière tchèque, une PME a découvert un procédé qui devrait permettre de récupérer des terres rares en grandes quantités, dans des déchets industriels. Un reportage d’Alexander Wolkers pour ARTE :
{jacomment on}