Jusqu’au 21 avril 2024, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente Le souffle de l’architecte, une exposition spécialement créée pour l’institution par l’architecte Bijoy Jain, fondateur du Studio Mumbai en Inde. Bijoy Jain est l’auteur d’une œuvre témoignant d’une profonde préoccupation pour la relation entre l’homme et la nature, dont le temps et le geste sont des facteurs essentiels. Explorant les liens entre l’art, l’architecture et la matière, Bijoy Jain propose à la Fondation Cartier une création totale : un espace de rêverie et de contemplation en dialogue avec le bâtiment iconique de Jean Nouvel.
Pour Le souffle de l’architecte Bijoy Jain imagine une exposition qui se vit comme une expérience physique et émotionnelle. Le souffle de l’architecte offre aux visiteurs une véritable invitation à respirer, à errer en toute quiétude, à redécouvrir le silence : » Le silence a un son, nous l’entendons résonner en nous. Ce son connecte tous les êtres vivants. C’est le souffle de la vie. Il est synchrone en chacun de nous. Le silence, le temps et l’espace sont éternels, tout comme l’eau, l’air et la lumière, qui sont notre construction élémentaire. Cette abondance de phénomènes sensoriels, de rêves, de mémoire, d’imagination, d’émotions et d’intuition provient de ce réservoir d’expériences, ancré dans les coins de nos yeux, dans la plante de nos pieds, dans le lobe de nos oreilles, dans le timbre de notre voix, dans le murmure de notre souffle et dans la paume de nos mains. »
Convoquant l’ombre et la lumière, la légèreté et la gravité, le bois, la brique, la terre, la pierre ou encore l’eau, l’architecte dessine une traversée sensorielle, en résonance avec la matière. Elaborée au rythme du souffle et façonnée à la main, l’exposition déploie une installation composée de fragments d’architectures. Sculptures en pierre ou en terracotta, façades d’habitats vernaculaires indiens, panneaux enduits, lignes de pigments tracées au fil, structures en bambou inspirées des tazias – monuments funéraires portés sur les épaules à la mémoire d’un saint lors des processions musulmanes chiites – ces constructions transitoires et éphémères présentent un monde à la fois infini et intime et nous transporte dans des lieux aussi proches que lointains.
Sur une suggestion d’Hervé Chandès, commissaire de l’exposition et directeur général artistique de la Fondation Cartier, Bijoy Jain convie également l’artiste chinoise vivant à Pékin HU Liu et la céramiste danoise d’origine turque demeurant à Paris Alev Ebüzziya Siesbye. Accordant la même importance à la maîtrise rituelle du geste, à la résonance et au dialogue avec la matière, tous trois partagent le même éthos et la même sensibilité.
Les dessins monochromes noirs de HU Liu sont entièrement réalisés au graphite, par l’itération d’un même mouvement, afin de révéler l’essence d’éléments naturels : l’herbe caressée par le vent, le ressac des vagues ou la silhouette des branches d’un arbre.
Les céramiques d’Alev Ebüzziya Siesbye, comme en apesanteur, sont également le fruit d’une grande dextérité et d’un dialogue intense avec la terre. Pour Bijoy Jain, le monde physique que nous habitons est un palimpseste de notre évolution culturelle.
L’humanité traverse un paysage en constante évolution, dont les écritures successives s’entremêlent. Le souffle de l’architecte tente de donner un aperçu, aussi fugace soit-il, de la sensorialité qui émane de l’architecture, de la force intuitive qui nous lie aux éléments et de notre rapport émotionnel à l’espace.
Bijoy Jain et Studio Mumbai
Né en 1965 à Mumbai en Inde, Bijoy Jain se forme à l’architecture à l’université de Washington de St. Louis, aux États-Unis. Il travaille à Los Angeles et à Londres avant de retourner en Inde en 1995, année où il fonde le Studio Mumbai qui fonctionne comme un groupe interdisciplinaire d’architectes, ingénieurs, maîtres d’œuvre, artisans, techniciens et artistes de tous les continents. Qu’il s’agisse de mobilier ou d’architecture, le temps, l’eau, l’air et la lumière constituent les fondements de chacune des réalisations de ce collectif…. l’homme dans la nature – la nature dans l’homme.
Bijoy Jain enseigne à l’Accademia di architettura, Università della Svizzera Italiana de Mendrisio en Suisse. Il a également enseigné en tant que professeur invité à l’Université de Yale aux États-Unis ainsi qu’à l’Académie Royale Danoise des Beaux-Arts de Copenhague. En 2015, il a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Hasselt, en Belgique, pour sa contribution dans le domaine de l’architecture. En 2017, il a reçu la bourse internationale du RIBA, Londres.
Les créations de Studio Mumbai ont fait l’objet d’expositions dans de nombreuses galeries à travers le monde ainsi que d’acquisitions dans les collections permanentes du Canadian Centre for Architecture, du MOMA à San Francisco et du Centre Pompidou à Paris.
Le travail de Studio Mumbai a fait l’objet d’expositions internationales notamment au Victoria and Albert Museum de Londres en 2010, mais aussi à la Biennale de Sharjah en 2013, à Arc en rêve centre d’architecture à Bordeaux, en 2015 ainsi qu’à la Biennale d’Architecture de Venise, en 2010 et 2016. Studio Mumbai a également reçu de nombreuses récompenses, parmi lesquelles : la « Dean’s Medal » de l’Université de Washington de St. Louis (2021), l’« Alvar Aalto Medal » (2020), la Grande Médaille d’Or de l’Académie d’Architecture de Paris (2014), le BSI Swiss Architecture Award (2012), le Spirit of Nature Wood Architecture Award, décerné en Finlande (2012), le Aga Khan Award for Architecture (2010) dont il était finaliste pour la 11e édition, et le Global Award in Sustainable Architecture (2009).
« J’ai imaginé et habité l’espace de la Fondation Cartier pour l’art contemporain comme celui d’une civilisation en mouvement à une époque inconnue. Une architecture faite d’eau, d’air, de lumière, une alchimie entre des entités liées par une affection réciproque et partageant un même mode d’expression. De l’intérieur vers l’extérieur. De l’extérieur vers l’intérieur. » Bijoy Jain
En parallèle de l’exposition, La Fondation Cartier propose une rencontre avec Bijoy Jain dans le cadre d’une Nuit de l’Incertitude intitulée Le souffle de l’architecte, lundi 11 décembre.
Un long-métrage de Bêka & Lemoine La Fondation Cartier coproduit un film du duo de réalisateurs Ila Bêka et Louise Lemoine, qui ont suivi Bijoy Jain lors d’une journée d’errance dans les rues de Mumbai. A travers un portrait intime de l’architecte, le film interroge l’enracinement de la pratique architecturale et la façon dont l’environnement bâti et culturel façonne notre imagination.
Avant-première du film en présence des réalisateurs et de Bijoy Jain le 12 décembre au CNC.
Le catalogue La Fondation Cartier publie également un ouvrage richement illustré conçu par le directeur artistique japonais Taku Satoh. Il invite le lecteur à une découverte inédite de l’esthétique et de la philosophie de Bijoy Jain. Les conversations entre Bijoy Jain et Taku Satoh, Alev Ebüzziya Siesbye et HU Liu révèleront leurs affinités avec l’œuvre de l’architecte ainsi qu’une sensibilité commune.
Commissaire de l’exposition : Hervé Chandès, directeur Général Artistique de la Fondation Cartier
Commissaire associée : Juliette Lecorne, conservatrice à la Fondation Cartier
Photo d’en-tête : Makaloo’s Dome, structure en bambou, recouverte de bouse de vache et de chaux – Mandala Study, 2023, cadre géométrique en bambou en forme d’oiseau – Dessin au pigment de chaux et de cinabre tracé au fil enduit sur banc de granit. Photo @ Ashish Shah