Nous voici plongés au cœur du processus de création mené par l’artiste aveyronnais Renaud Robin depuis 2019. Cette collection, nommée Fukaï, sera réunie le temps d’une exposition à l’abbaye Saint-André, du 1er mars au 2 juin 2024. Des créatures inspirées du monde fantastique de Hayao Miyazaki, issues du manga écologiste japonais « Nausicaä de la vallée du vent ». De formes organiques exubérantes aussi complexes et poétiques que la nature les offre, ses œuvres projettent un monde méconnu. Inventoriées comme dans une collection naturaliste, on apprend grâce à la scénographie leur nom scientifique, leur biotope ou encore leur fonction précise… Nous laissant imaginer la vie de cette faune et flore pas si chimérique.
Finesse, couleurs, textures, Renaud Robin connaît les arcanes et l’exigence de la sculpture sur bois. Son obsession : inventer de nouvelles formes et travailler le vide, d’où la légèreté de la trentaine de pièces présentées. Ce conteur fantaisiste nous invite à le suivre et ainsi redécouvrir le pouvoir d’émerveillement de la Nature.
Un monde étrange et si proche de nous
L’univers de Renaud Robin est très riche et peut nous emporter très loin dans l’absurde : nombreux graphiques, taxonomie pointue, anecdotes naturalistes… abreuvent la collection Fukaï qui se veut avant tout ludique mais qui peut faire cheminer le public vers une « esthétique cérébrale » et ouvrir des portes scientifiques, décoder une symbolique magique, voire sacrée et laisser planer le mystère de la création analogue à un cabinet de curiosité de la Renaissance.
Née en 2019, la genèse de cette collection est partie d’une œuvre à quatre mains qui fut baptisée d’un nom pseudo-scientifique « c’est alors que nombreuses personnes mordirent à l’hameçon », explique l’artiste qui fait confiance en la capacité d’imagination de son public. Une aubaine pour cet artiste de formation scientifique qui aime raconter les histoires décalées. Il s’attèle alors à recréer un véritable écosystème mettant en scène champignons, plantes élancées aux somptueuses hampes florales ou épiphytes ainsi que de surprenantes créatures à pattes, aquatiques, terrestres, rampantes, … et les classe par famille tel un naturaliste consciencieux.
Certaines pièces arborent une taille modeste, l’une minuscule obligera à s’équiper d’une loupe pour l’observer, d’autres plus grandes, voire monumentales telle l’Oursin de terre, de plus de 3m de haut, réalisée pour la dernière Biennale de Montreux qui devra prendre place dans les jardins de l’abbaye.
Dernière touche à ce monde, de forme plus abstraite, l’artiste nous dévoile les traces de micro-organismes à travers des tableaux de textures, toujours révélées par le support bois.
Une technique d’équilibriste
Cette approche fantaisiste pourrait nous laisser croire avec élégance, comme tout équilibriste de talent, à la facilité d’exécution, ce qui n’en est rien !
De très nombreuses étapes sont nécessaires à la fabrication de chaque pièce, sachant que Renaud Robin commence parfois par la coupe des arbres. Le bois sélectionné est le plus souvent encore vert, c’est le tour qui dégrossit puis moult outils entrent en scène : la gouge, le ciseau, la râpe, la meuleuse, la fraise avec ou sans moteur. Ça coupe, ponce, gratte mais avec acuité en restant attentif à chaque mouvement, la fibre du bois ne laisse pas de place à l’approximation pour accéder à autant de finesse. Enfin, avec un souci obsessionnel du détail, Renaud Robin ajoute texture (pyrogravure, mini-fraise…) et couleur à ses créations. Dorure, encre, pigment, crayon, acrylique, il ne s’interdit aucune matière pour atteindre son exigence de réalisme. La couleur clôt cette longue gestation.
Du bois vivant
Micocoulier, robinier, houx, cade, buis, chêne liège, érable, bouleau, if… parfois c’est l’opportunité d’une essence qui dicte l’inspiration, parfois c’est le projet qui prescrit une essence qui seule pourra supporter le cintrage par exemple. Un va-et-vient créatif incessant qui s’intéresse aussi aux bois dégradés qui ont vécu. De même, si le bois doit légèrement se fendiller au séchage, alors sa fente sera sablée et mise en valeur afin de faire vibrer la pièce et procurer patine et émotion.
Un démiurge facétieux
Renaud Robin est né en 1977. Depuis son enfance dans la campagne picarde, la sculpture l’a toujours attiré même si ses études l’ont amené à soutenir un DEA de géographie humaine et, en parallèle, une licence de cinéma. Le plaisir de découvrir des mondes et la Nature en particulier a toujours été une grande source d’inspiration dans son travail artistique, comme la sculpture tribale et ses visages taillés à la serpe.
En 2014, alors apiculteur dans l’Aveyron, la rencontre entre Renaud Robin et le bois, et principalement le tournage sur bois, a été un événement marquant dans son parcours. Il entrevoit dans cette technique une façon de déshabiller le bois et de sublimer les essences. Il fera ses armes en autodidacte. Puis, suite à des stages auprès de nombreux tourneurs de renom notamment Alain Mailland (qui a exposé son travail à l’abbaye Saint-André et avec qui il a imaginé récemment une œuvre commune La Grande Hibis), la maîtrise de nouvelles techniques lui ouvre de plus larges perspectives. Lui permettant de lier sculpture, écriture, humour et son inclination pour les sciences dans un projet plus conceptuel. Il nous propose aujourd’hui une plongée dans son univers, La Fukaï : à la fois délire technique créateur, parole mimétique de l’absurde, ancrage Nature homme Nature.
Plus d’infos sur le site Internet de l’artiste : https://renaudrobin.fr
Un ouvrage, « Fukaï » qui nous fait parcourir la collection dans son ensemble et nous donne toutes les clefs pour s’immiscer dans l’univers aussi complexe que ludique de l’artiste Renaud Robin dont il est le facétieux démiurge. Ouvrage en auto-édition en vente dans la boutique de l’abbaye Saint-André.
Rencontres avec l’artiste : Le 1er mai ainsi que lors des Rendez-Vous au Jardin les 1er et 2 juin à l’abbaye.
Exposition Fukaï, du 1er mars au 2 juin 2024, à l’abbaye Saint-André, face à Avignon / 58, rue Montée du Fort – 30400 VILLENEUVE LEZ AVIGNON / Jardins + exposition temporaire – www.abbayesaintandre.fr
Ouverture : du 1er mars au 31 octobre, sauf les lundis, et durant le mois de mars, fermeture les lundis ET mardis. Ouvert les jours fériés dont les lundis.
Horaires : mars et octobre 10h-13h et 14h-17h, avril 10h-13h et 14h-18h, de mai à septembre 10h-18h.
Tarifs : Visite des Jardins + exposition temporaire (comprenant les 2ha de jardins et circuit historique) : plein tarif : 9€ – tarif réduit : 7,50€, gratuit moins de 8 ans – tarif famille (enfant de 8 à 17ans) : 2 adultes + 1 enfant 20€ ou 2 adultes + 2 enfants et plus 26 € – tarif handicapé : 6€ Tarif solidaire pour soutenir l’abbaye : 12€. Visite guidée du palais et des jardins sur réservation : 14€ (de mai à septembre). Pass Jardins/Expos : 35€/pers l’année (accès illimité), 75€/famille (2 adultes + les enfants jusqu’à 17 ans). Patrimoine de Villeneuve : billet groupé à 20€. Avignon City Pass ou Vaucluse Provence Pass dont l’abbaye est adhérente.
Photo d’en-tête : Anémone des vents, 2020 – chêne 29 x 25 x 22 cm