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Mercosur : souveraineté alimentaire ou business à tout prix ?

Le blocage français de l’accord UE-Mercosur en débat

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Dans une tribune collective publiée ce 4 novembre 2024, plus de 200 députés de tous bords politiques appellent le gouvernement à mettre son veto sur l’accord commercial entre l’UE et les pays d’Amérique du Sud. Ce traité met gravement en péril notre souveraineté alimentaire, expliquent-ils.

Dans une tribune collective dirigée par André Chassaigne (GDR), publiée dans Le Figaro, 209 députés français de divers partis demandent au gouvernement d’opposer son veto à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), dont la finalisation est imminente (mi-novembre). Les signataires estiment que cet accord mettrait en péril la souveraineté alimentaire française, nuirait aux normes sanitaires et environnementales de l’UE, et favoriserait une concurrence déloyale avec les producteurs européens. Ils soulignent les dangers associés aux produits importés, issus de modèles agricoles moins régulés, comme le bœuf lié à la déforestation, ou le poulet traité aux antibiotiques. En réaction, ils réclament que la France fasse preuve de fermeté en bloquant cet accord, afin de protéger les intérêts nationaux et de respecter les engagements écologiques et sociaux pris par le président.

L’opposition à l’accord Mercosur-UE repose sur trois arguments principaux : la protection de la souveraineté alimentaire, la sauvegarde des normes sanitaires et environnementales, et la défense des intérêts des agriculteurs français.
En matière de souveraineté alimentaire, les députés dénoncent une dépendance accrue aux importations de produits agricoles moins régulés, menaçant à terme l’autosuffisance de l’Europe.
La survie des exploitations agricoles, fragilisées par la pression du marché international, est une autre préoccupation majeure. Les députés citent les fermetures d’exploitations en France et appellent à mettre fin à la « mise en concurrence inéquitable » des producteurs locaux, soumis à des normes strictes.
L’aspect sanitaire et environnemental est particulièrement critiqué dans cet accord, les produits provenant du Mercosur étant souvent associés à des pratiques agricoles interdites en Europe. En autorisant ces importations, l’UE risquerait d’encourager des méthodes peu compatibles avec les standards européens. Cela inclut notamment l’élevage bovin lié à la déforestation en Amazonie et l’usage de substances interdites dans l’UE, tels que les antibiotiques et l’atrazine.

Cette tribune traduit une exigence de cohérence de la part des députés : ils appellent l’État à respecter les engagements pris en matière de durabilité. Malgré les intentions déclarées de l’accord de renforcer les échanges économiques, la tribune révèle une fracture entre objectifs économiques et considérations écologiques et sociales, suggérant que cet accord pourrait devenir un obstacle aux politiques de développement durable promues par la France. En demandant un veto clair, les députés envoient un message fort : pour eux, la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement doivent primer sur les intérêts commerciaux immédiats.

Dans un communiqué publié ce jour, le Collectif national Stop CETA – Mercosur salue cette tribune et estime que « Oui, la France peut encore bloquer ce traité« , avant qu’il ne soit finalisé. « Cela fait des années que nous disons que le « Non en l’état » et la stratégie consistant à « Dire Non à Paris, ne rien entreprendre à Bruxelles » ne sont pas suffisants. » déclare-t-il. Ils appellent à clarifier publiquement et solennellement à nouvelle la position FR, construire une minorité de blocage, mais aussi s’opposer, y compris légalement, au splitting de l’accord qui supprimerait les droits de Veto nationaux, et, enfin, exiger et obtenir un réexamen du mandat dont la Commission dispose. 

Dilemme de l’UE

À quelques jours de la possible signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, les négociations, menées dans une relative opacité, ont abordé plusieurs points conflictuels, notamment la question de la déforestation, le potentiel contournement d’un veto français, et les tensions commerciales internes à l’UE. Les principaux sujets incluent la demande du Brésil de pouvoir limiter les importations de véhicules électriques et l’opposition du Mercosur à la législation anti-déforestation européenne. Face à cette opposition, la Commission européenne propose un report de cette réglementation clé du Green Deal, retardant de douze mois l’interdiction des produits issus de terres déboisées.

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Par ailleurs, l’Allemagne, soutien fort de l’accord, pourrait envisager de pousser à sa ratification lors du prochain G20, malgré l’opposition française. Cette manœuvre pourrait être facilitée par un découpage de l’accord en deux parties : une partie commerciale, ratifiable par le Parlement européen sans veto national, et une partie à ratification nationale. Face à cette situation, des organisations de la société civile et des États européens critiques appellent la France à clarifier sa position, à construire une minorité de blocage et à revoir le mandat commercial de la Commission.

Dans une note d’actualité du 4 octobre 2024, Maxime Combes, économiste en charge des politiques de commerce et de relocalisation à l’Aitec (1), explique les vives tensions que soulève cet accord, notamment en matière de souveraineté environnementale et économique. Le report de la réglementation anti-déforestation est une concession faite aux pays du Mercosur qui affaiblit considérablement l’engagement écologique de l’UE, pourtant affirmé dans le Green Deal. Cette concession illustre le dilemme de l’UE entre ses ambitions écologiques et ses relations commerciales internationales. En autorisant temporairement des importations issues de zones déboisées, l’Europe envoie un signal ambigu, et l’influence de l’Allemagne pour conclure l’accord montre la fragmentation des priorités au sein des États membres.

Le risque de contournement du veto français par le découpage de l’accord met en lumière une stratégie de l’UE visant à garantir la ratification d’accords controversés sans risquer des oppositions nationales. Si cette méthode permet de faciliter les échanges, elle soulève des questions de souveraineté pour les États membres et de transparence dans le processus décisionnel de l’Union. Pour la France, la situation exige de nouvelles alliances pour contrer un accord qui, en l’état, pourrait compromettre son modèle agricole et ses engagements environnementaux.

Pour aller plus loin :

(1) Aitec : Association internationale de techniciens, experts et chercheurs

Photo d’en-tête : Port de Salvador /Brésil : l’un des plus grands d’Amérique du Sud. Crédit : Dbimages / Alamy Stock Photo

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