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Réconcilier souveraineté domestique et écologie

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Comment parler des enjeux écologiques et des moyens d’y faire face quand toute initiative des pouvoirs publics est immédiatement rejetée comme liberticide ? Peut-être en prenant en compte le besoin de « souveraineté domestique » dont parle Destin Commun…

Comme souvent, l’émission C Politique, animée maintenant par Thomas Snégaroff, était passionnante sur une question pourtant rebattue : le rejet des élites. Une notion que je ne connaissais pas a été présentée par Laure de Nervaux, directrice de Destin commun : la perte de souveraineté domestique. Lors des entretiens qu’elle a pu conduire sur de nombreux sujets touchant aux modes de vie, elle a été frappée que revenait régulièrement l’agacement de Français qui ne supportaient pas que le Gouvernement veuille régir leur alimentation (en demandant de consommer moins de viande), leur manière de se chauffer (avec la règle du 19°)… « Mon salon, c’est le dernier endroit où je décide ce que je fais. »

Toute intrusion des pouvoirs publics dans la sphère domestique pour des personnes qui ne se sentent pas reconnues dans l’espace public est vécue comme une perte de souveraineté insupportable puisque l’organisation de leur vie privée est le seul pouvoir qui leur reste. L’écologie n’est pas seulement vue comme punitive, elle prive le citoyen de sa dernière liberté d’action, du dernier droit à vivre debout. On entend ainsi : Avec « votre » démocratie, le peuple n’est plus souverain, je suis forcé de m’en accommoder, mais alors je vous interdis de toucher à mon royaume, ma maison (et son extension, ma voiture). Au lieu d’être émancipatrice, l’écologie, mal mise en œuvre, conduit à l’enfermement de chaque foyer dans son royaume, défendu derrière des murs qui montent et des portails qui se ferment. Plus besoin des vieilles pancartes « Attention, chien méchant », le franchissement des frontières des royaumes privés n’est plus imaginable sauf en étant dûment muni d’un visa délivré aux seuls proches.

Réussir la transition écologique nécessite de prendre en compte cette réalité, ce besoin de souveraineté. Toute approche qui passerait outre serait inaudible, assimilée à un énième assaut contre ce qui reste de démocratie (pouvoir du peuple) vécue. La souveraineté, c’est le pouvoir de décider de ce qui me concerne. Partons de là. En deux mouvements : d’abord montrer que ce pouvoir résiduel risque de se révéler illusoire s’il n’évolue pas ; ensuite donner à voir la manière de le conserver et même de l’augmenter en entrant dans la logique du « à plusieurs » qu’il s’agit de dissocier clairement d’une logique collective (communiste !) trop éloignée de l’actuel repli sur soi qu’il s’agit bien sûr de dépasser.

Le champ domestique risque bien de devenir une royauté sans joie, toujours sur la brèche. Que vaut une souveraineté domestique quand son enceinte est régulièrement envahie par les crues, quand les canicules à répétition la rendent invivable, quand son isolement dans le périurbain exige des déplacements toujours plus chers ? Les bouleversements écologiques obligent à défendre son royaume au moyen d’expédients : des batardeaux, la climatisation, un SUV, …

À ces réponses de royaume assiégé, qui enferment et isolent, ne devrait-on pas préférer des approches de la souveraineté plus ouvertes sur le registre de « l’union fait la force » ? Si l’on veut éviter que l’État se mêle de ses affaires, ne faut-il pas imaginer des alliances entre royaumes ? Des alliances choisies en fonction des proximités, au moins dans un premier temps, pour se rôder à cette ouverture à l’autre. Le champ des possibles est immense dès qu’on est plusieurs : énergie, déplacements, rénovation… Mais il faut trouver une approche du « co- » qui n’apparaisse pas Bobo. Il est regrettable que l’ADEME sur son site dédié L’Agence de la transition écologique | Agir pour la transition écologique | ADEME ne propose que les entrées habituelles : particuliers, entreprises, collectivités, acteurs de l’éducation. Pourquoi n’y a-t-il pas une entrée « à plusieurs » ? On a compris du côté de la lutte contre le tabagisme qu’il était plus efficace de se lancer à plusieurs, avec la campagne annuelle Mois Sans Tabac, avec l’excellent slogan : « Vous n’étiez pas seul pour commencer, vous ne serez pas seul pour arrêter ! ». En matière d’écologie, il n’y a pas grand-chose entre les écogestes individuels et les approches collectives (qu’elles soient associatives ou publiques).

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Difficile de parler de souveraineté partagée tant le partage est pensé comme une diminution du pouvoir (ah, les méfaits de l’image puissante du « gâteau partagé » !!). Pierre Calame a beau se battre depuis des années pour faire comprendre qu’il y a des biens « qui se multiplient en se partageant » comme le savoir et l’expérience, la représentation du partage reste négative pour un souverainiste. Peut-être faudrait-il chercher du côté de la souveraineté augmentée par l’alliance des forces. Je reste persuadé que l’on peut parvenir à des pratiques coopératives par des voies différentes, avec des valeurs et des intérêts différents. Les souverainistes domestiques ne sont condamnés au repli qui si nous n’avons pas d’imagination pour nous adresser à eux. Pour un animal social comme l’homme, le repli sur soi n’est la plupart du temps qu’un choix par défaut. Hélas, ce choix par défaut se répand. Il reste éluctable !

Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY, Chroniqueur invité de UP’ Magazine – Essayiste – Consultant développement durable et dialogue parties prenantes. Auteur de « Citoyen pour quoi faire ? Construire une démocratie sociétale », éditions Chronique sociale.

L’original de ce texte est paru sur le blog de M. Chayneaud-Dupuy, persopolitique.fr
Avec nos chaleureux remerciements à l’auteur.

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