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Victoire de la biodiversité contre les méga-bassines et un signal d’alarme pour une gestion de l’eau plus équitable

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Dans une décision historique, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé les autorisations environnementales pour quatre des seize méga-bassines prévues sur le bassin Sèvre Niortaise-Mignon, infligeant un sérieux revers au projet controversé de la Coopérative de l’Eau des Deux-Sèvres. Symbole d’une fuite en avant, ce projet surdimensionné a déjà été jugé non conforme au droit de l’environnement à plusieurs reprises. Pourtant, soutenu par l’État, il persiste à ignorer les impératifs écologiques et les alertes des associations. Ce verdict met en lumière les dérives d’un modèle agricole intensif aux impacts désastreux sur la biodiversité et souligne la nécessité d’une gestion collective et durable de l’eau. Avec l’avenir de la ressource en eau en jeu et face aux tensions croissantes liées au changement climatique, ce bras de fer questionne : comment concilier développement agricole et préservation des écosystèmes ?

Après plusieurs années de procédure, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a retoqué ce jour les autorisations environnementales délivrées par les Préfectures de la Vienne, des Deux-Sèvres, et de la Charente-Maritime à la SA Coopérative de l’Eau des Deux-Sèvres pour la construction et l’exploitation de 16 réserves dites de substitution sur le bassin Sèvre Niortaise-Mignon. 4 des 16 bassines sont concernées par la suspension des autorisations tant qu’une demande de dérogation espèces protégées ne sera pas obtenue par le porteur de projet.

Il s’agit de la deuxième fois que les tribunaux repassent après les préfectures pour sanctionner des irrégularités du projet qui n’a jamais été pensé en conformité avec le droit de l’environnement. Cette nouvelle pratique juridique est critiquable : si un projet est jugé illégal, il doit être annulé, pas régularisé. Ceci encourage également les constructions en cours de procédure et les passages en force.

Une mega-bassine à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres)

Le 27 mai 2021, le Tribunal administratif de Poitiers avait déjà suspendu l’exécution des autorisations environnementales et imposé un redimensionnement de 9 réserves sur 16, les calculs des volumes n’étant pas en conformité avec le principe même de la substitution. La biodiversité restait la grande oubliée de cette première instance. C’est une des raisons pour laquelle dix associations ont décidé d’aller en appel.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé les enjeux avifaunes en suspendant une nouvelle fois l’exécution des autorisations pour quatre réserves (SEV14, SEV15, SEV24 et SEV26) pour absence de dérogation espèce protégée malgré les enjeux identifiés pour l’Outarde canepetière. Cet oiseau en danger d’extinction a subi un déclin de 94% entre 1978 et 2000 et sa population migratrice ne subsiste plus que dans le Centre Ouest de la France.  Les méga-bassines sont aussi le symbole d’un accaparement de l’eau au profit d’une minorité d’agriculteurs spécialistes de l’agriculture intensive avec des cultures gourmandes en eau comme le maïs ou destinés à l’élevage industriel. Ces bassines sont, selon les opposants, d’autant plus inefficaces que l’eau prélevée dans les nappes se retrouve à l’air libre, soumise à l’évaporation, aux algues et aux bactéries. 
Pour les partisans, elles sont une réponse à la sécheresse. La coopérative qui porte le projet dans les Deux-Sèvres assure que cette solution permet de réduire de 70% les prélèvements d’eau autorisés en été. Ces réserves auraient en plus, selon eux, un impact négligeable sur le débit des cours d’eau et les nappes souterraines.

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Depuis 2016, les associations alertent néanmoins sur les atteintes directes et indirectes des réserves à l’encontre de plusieurs espèces protégées. Les méga-bassines pérennisent un système d’agriculture intensive responsable du déclin de la biodiversité et mettent en danger les populations d’espèces menacées comme l’Outarde canepetière, l’Œdicnème criard, le Busard cendré ou la Pie grièche à tête rousse.

Pourtant, alors que les associations disposent de toutes les données, réalisent les suivis et mettent en place des mesures agro-environnementales avec des agriculteurs pour protéger l’avifaune sur ce territoire, leurs alertes ont été ignorées et la Coopérative de l’Eau des Deux-Sèvres, soutenue par l’État, qui a toujours refusé de déposer une demande de dérogation. Fort heureusement, la Cour administrative d’appel vient de lui imposer.

Comment expliquer en effet que quelques exploitations connectées aux méga-bassines détruisent l’investissement de nombreux acteurs associatifs et agricoles dans la préservation de l’avifaune de plaine, en général, et de l’Outarde canepetière en particulier, sans même disposer d’une dérogation pourtant rendue obligatoire par le Code de l’environnement ?

Pire, sachant que la Cour risquait d’astreindre cette dérogation, la Coopérative de l’Eau 79 a fait le choix d’entamer les travaux à Sainte Soline en mars 2023 avant la décision d’appel. Pour ces faits, une plainte pour destruction de 17 hectares d’habitat d’une espèce protégée a été déposée par le collectif.

À ce jour, les associations s’interrogent sur l’obstination de l’État et de la Coopérative de l’eau à poursuivre ce projet délétère, jugé surdimensionné et attentatoire à la biodiversité par deux juridictions. Il est par ailleurs probable qu’il soit impossible de remplir toutes les bassines à l’avenir. En effet, en parallèle du recours contre les autorisations environnementales de ce projet, l’Autorisation unique de prélèvement (AUP) pour l’irrigation agricole sur le territoire des 16 bassines a été annulée par le Tribunal administratif de Poitiers le 9 juillet 2024 en raison de volumes autorisés excessifs. Le juge s’est substitué à l’État pour déterminer lui-même des volumes plus cohérents avec la réalité de la ressource en eau. Ce volume, qui devrait encore être réduit par la suite, ne permettrait de remplir que ces 16 réserves, ce qui laisserait les autres irrigants du périmètre sans eau. L’accaparement de l’eau par une minorité d’irrigants au détriment du reste de la profession ne peut plus être nié. En outre, ce jugement n’étant pas exécuté, le remplissage actuel des bassines construites en cours de procédure est illégal. L’État n’a rien fait pour le stopper.

L’État et la Coopérative de l’eau 79 poursuivent donc leur fuite en avant en privilégiant les intérêts économiques de court terme d’une minorité sur l’usage partagé de la ressource en eau et la protection de l’environnement. Face à ce constat, les associations appellent à l’abandon de ce projet obsolète, pensé pour une minorité et subventionné par l’argent des contribuables. Les politiques publiques et les financements doivent être réorientés vers une évolution des pratiques pour tous les agriculteurs. Rappelons que seuls entre 6 et 8% de la surface agricole utile est irriguée, la majorité des agriculteurs utilisant l’eau pluviale.

Il importe de mettre en place une gestion collective et transparente de l’eau visant l’intérêt général et la protection des milieux naturels. Le changement climatique l’impose.

Signataires :

  • LPO
  • L’Association agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique des pêches sportives Saint-Maixentaises
  • L’Association de Protection, d’Information, d’Etude de l’Eau et son Environnement (APIEEE)
  • La Fédération Poitou-Charentes Nature (PCN)
  • La Fédération 17 des Associations de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (APPMA)
  • La Fédération 79 des Associations de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (APPMA)
  • Le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS)
  • Nature Environnement 17 (NE17)
  • SOS Rivières et Environnement
  • Vienne Nature

Source : CP du collectif d’associations engagées dans les recours contre les 16 « réserves de substitution » (méga-bassines) du bassin Sèvre Niortaise-Mignon

Photo d’en-tête : Mobilisation des anti-bassines en Deux-Sèvres  – Crédit photo : AFP

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