Ce que les humains font avec la vie, de Perig Pitrou – Éditions du PUF, 16 octobre 2024 – 536 pages
Dans cet ouvrage, Perig Pitrou invite à une réflexion profonde et transdisciplinaire sur les rapports complexes entre l’humanité et le vivant, à une époque où les équilibres écologiques et sociaux semblent vaciller. Avec finesse et érudition, il nous pousse à interroger des problématiques essentielles : comment cohabiter durablement avec la vie sur une planète dégradée, et comment reconfigurer nos modes d’existence pour répondre aux défis planétaires ?
Le livre s’articule autour de quatre grandes questions, qui sont autant de prismes pour penser notre rapport au vivant : comment coexister avec un environnement en déclin ; comment réduire les inégalités humaines tout en préservant une qualité de vie décente ; quel usage éthique faire des biotechnologies ; et enfin, comment articuler les divers attachements des sociétés humaines à leurs milieux de vie spécifiques. Ces interrogations reflètent une urgence planétaire, mais aussi une diversité de perspectives culturelles, scientifiques et philosophiques. Au cœur de ces réflexions, une question fondamentale émerge : comment vivre sur la planète Terre, en harmonie avec ses habitants humains et non-humains ?
Pitrou adopte une approche innovante en inscrivant ses analyses dans le cadre de l’anthropologie de la vie, un domaine en plein essor. Ce champ interroge les dynamiques vitales, en croisant les regards des sciences sociales avec ceux de disciplines comme la biologie, l’écologie ou les biotechnologies. À travers une approche comparatiste et des enquêtes ethnographiques riches, l’auteur révèle comment différentes sociétés conçoivent, interprètent et organisent leurs relations avec la vie, perçue comme un pouvoir fondamental exerçant son emprise sur les êtres vivants.
La force de cet ouvrage réside dans son exploration de la vie comme un processus à la fois biologique et social. Perig Pitrou montre comment les sociétés humaines, à travers leurs mythes, rituels et pratiques quotidiennes, intègrent la fragilité et la puissance de la vie dans leurs modes d’organisation. La reproduction, la croissance ou encore la mort ne sont pas seulement des faits biologiques : ils sont chargés de significations culturelles qui influencent profondément la manière dont les individus et les communautés interagissent avec leur environnement.
Le livre pousse également à réfléchir sur les implications contemporaines de cette vision anthropologique. Dans un monde où les biotechnologies offrent la possibilité de manipuler le vivant à des fins médicales, agricoles ou environnementales, Pitrou pose une question essentielle : jusqu’où ces innovations peuvent-elles être utilisées de manière responsable ? La réponse qu’il esquisse repose sur une reconnaissance des interdépendances qui lient les humains aux autres formes de vie. C’est un appel à l’humilité et à la responsabilité, face à une époque marquée par des crises environnementales et une perte de biodiversité sans précédent.
Enfin, l’auteur n’élude pas la complexité de cohabiter avec une diversité de rapports au monde. Il met en lumière comment les sociétés, qu’elles soient rurales, indigènes ou urbaines, développent des attachements spécifiques à leurs milieux de vie. Ces attachements ne sont pas interchangeables ; ils doivent être reconnus et respectés pour éviter une uniformisation des modes de vie qui pourrait être destructrice.
Perig Pitrou signe ici un ouvrage d’une grande richesse, tant intellectuelle que sensible. Il nous invite à une réflexion collective sur la manière d’articuler nos pratiques sociales avec le respect du vivant, en empruntant aux sciences humaines comme à la biologie les outils nécessaires pour répondre à une question intemporelle et cruciale : comment vivre mieux, ensemble, sur une planète partagée ? Un livre incontournable pour ceux qui souhaitent repenser l’avenir avec une conscience écologique et anthropologique élargie.
==> Rencontre avec Perig Pitrou autour de son livre avec la participation de Jean-Baptiste Eczet et d’Anne-Christine Taylor, le mardi 28 janvier de 17h à 18h30 au Salon de lecture Jacques Kerchache au musée du Quai Branly – Paris.
Perig Pitrou est directeur de recherche au CNRS, à la Maison française d’Oxford, et au Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France, université PSL, où il dirige l’équipe « Anthropologie de la vie ».