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Vacances d’été : protéger le littoral par l’exemple

À l’heure où les premières vagues de vacanciers vont déferler sur les côtes françaises, l’urgence écologique impose de nouvelles stratégies aux collectivités. Une étude menée par Magali Trelohan, professeure à l’EM Normandie (1), révèle qu’au-delà des campagnes classiques de sensibilisation, c’est l’exemplarité des acteurs locaux qui s’impose comme le moyen le plus efficace pour inciter les usagers à adopter des comportements respectueux de l’environnement. Entre marketing social innovant et engagement visible, un changement de cap s’esquisse pour préserver nos littoraux.

Chaque année, avec l’arrivée des beaux jours, les plages françaises voient affluer des millions de vacanciers venus profiter des trésors du littoral. Mais derrière cette affluence se cache un défi de taille pour les acteurs locaux : lutter contre la prolifération des déchets abandonnés par des visiteurs souvent peu soucieux de l’impact de leurs gestes. Chaque année, ce sont 10 millions de tonnes de macrodéchets qui sont rejetées dans l’environnement marin, dont 80 % proviennent des territoires continentaux et 20 % des activités maritimes. Sur les côtes françaises, on observe en moyenne près de 350 à 450 déchets pour 100 m de plage selon les suivis récents. Parmi ces déchets, entre 60 % et 80 % sont des plastiques à usage unique, renforçant un problème majeur de pollution et de fragmentation en microplastiques.

Les mégots de cigarettes représentent une catastrophe écologique silencieuse : à l’échelle mondiale, 11 milliards de mégots sont jetés chaque jour, dont 40 % finissent dans les océans. Un seul mégot peut contaminer jusqu’à 1 000 litres d’eau, en libérant plus de 7 000 substances chimiques, dont des composés toxiques et cancérigènes.
En France, on estime que 1 000 mégots sont jetés au sol chaque seconde, constituant le deuxième déchet plastique le plus présent sur les plages. Résultat : lors des collectes organisées en 2024, plus de 300 000 mégots ont été ramassés, confirmant leur place de premier fléau sur les rivages.
Face à ce constat alarmant, l‘exemple de la ville de Dieppe : chaque été, elle distribue boîtes à mégots sur ses plages pour inciter les fumeurs à conserver leurs déchets au lieu de les jeter dans l’environnement. Cette action s’ajoute à des campagnes de sensibilisation et des opérations de nettoyage, renforçant l’idée qu’il faut agir sur plusieurs fronts pour réduire efficacement la pollution.

Ainsi, municipalités, associations, gestionnaires de ports et habitants à l’année unissent leurs forces pour préserver ces espaces fragiles, menacés par les détritus qui souillent le sable et la mer.  Malgré des campagnes de sensibilisation toujours plus nombreuses, le combat reste inégal : les bonnes intentions des touristes s’effacent trop souvent face à la légèreté des vacances. Dans ce contexte, une stratégie se démarque et pourrait bien faire la différence : l’exemplarité des acteurs locaux, dont les comportements vertueux ont un effet d’entraînement sur les usagers.

Un enjeu majeur pour le littoral français

La façade maritime concentre à elle seule 40 % de la population française et accueille chaque année des millions de visiteurs, avec une densité de population 2,4 fois supérieure à la moyenne nationale et un nombre de lits touristiques 163 fois plus élevé que dans le reste du pays. Les acteurs du littoral investissent massivement dans la communication et la sensibilisation sur les risques environnementaux (campagnes d’affichage, événements éducatifs, distribution de guides), mais ces actions, qui représentent plus de la moitié des initiatives recensées, peinent à provoquer des changements durables.

Les sciences comportementales montrent que connaître les bonnes pratiques ne garantit pas leur adoption : l’écart intention-action reste important, notamment pendant les vacances où les comportements responsables sont souvent mis de côté.

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Des outils de marketing social classiques et innovants

Pour dépasser ce constat, Magali Trelohan a mené une étude qualitative auprès de 17 structures (associations, collectivités, gestionnaires de ports, acteurs publics locaux, régionaux et nationaux), représentant un panel équilibré du secteur. Son analyse révèle que les professionnels de la protection du littoral mobilisent un ensemble d’outils classiques issus du marketing social, traditionnellement organisé autour de six dimensions : produit, prix, distribution, communication, politique et personnes. Mais leur pratique va plus loin avec l’intégration d’une septième dimension innovante : l’exemplarité des acteurs (« Modèle parfait »).

Montrer l’exemple, par des comportements irréprochables des personnels et des gestionnaires, s’avère en effet essentiel pour influencer les usagers. Cette exemplarité passe aussi par la propreté et l’entretien des zones côtières, l’utilisation de solutions écologiques (éclairage LED, aires de carénage propres), et la cohérence entre discours et actes. Les études en psychologie sociale confirment que les normes visibles (un lieu propre, des professionnels engagés) incitent naturellement les visiteurs à adopter des comportements similaires.

Les leviers concrets du changement

L’étude de Magali Trelohan met en avant des pratiques innovantes et des recommandations opérationnelles, structurées autour des 7P du marketing social :

  • Produit : définir précisément les comportements attendus aujourd’hui et anticiper ceux de demain (exemple : gestion des bateaux en fin de vie, guides de bonnes pratiques, labels environnementaux). Par exemple, 10 à 15 % des déchets retrouvés sur les plages sont directement abandonnés, soulignant l’ampleur du travail à accomplir.
  • Prix : prendre en compte et réduire tous les coûts perçus par l’utilisateur (économiques, psychologiques, temporels). Par exemple, rendre gratuit l’accès aux infrastructures écologiques (aires de carénage, sacs de tri). Pourtant, seulement 5 % des actions recensées visent à lever ces barrières concrètes.
  • Distribution : faciliter l’adoption des comportements attendus en rendant les solutions accessibles (aménagements, balisages, équipements adaptés). Ces dispositifs restent encore sous-utilisés, alors qu’ils sont cités par 76 % des répondants.
  • Communication : adapter la communication pour aller au-delà de la simple sensibilisation, en intégrant des approches engageantes et participatives. Sur 400 verbatim recueillis, près de la moitié concernent la communication, mais son efficacité réelle sur les comportements reste limitée.
  • Changements politiques : adapter les politiques publiques au contexte local, clarifier la réglementation, assurer son application efficace et engager des actions en justice si nécessaire. 21 % des verbatims relèvent de ce levier, dont 7 % à l’évolution de la réglementation et 5 % à la verbalisation.
  • Personnes : impliquent directement les usagers, que ce soit par l’expérience sensorielle (observation de la nature), la consultation en amont des projets ou la transformation des usagers en « sentinelles » et ambassadeurs du littoral. Cette implication active est citée par 59 % des structures.
  • Exemplarité (Perfect Model) : être exemplaire et cohérent, tant dans les comportements individuels que dans la gestion collective des espaces. Cette exemplarité est jugée déterminante par 59 % des structures, qui multiplient les initiatives pour incarner les valeurs qu’elles promettent.

Implications et recommandations

L’étude propose un guide concret pour renforcer l’impact des actions de protection du littoral :

  • Diversifier les leviers : combiner plusieurs dimensions du marketing social pour maximiser l’efficacité des interventions.
  • Former et impliquer les acteurs : développer des programmes de formation continue et de mentorat pour diffuser les bonnes pratiques et instaurer une culture d’exemplarité.
  • Adapter les stratégies au terrain : prendre en compte les spécificités locales et impliquer les usagers dans la coconstruction des solutions.
  • Rééquilibrer les ressources : mieux répartir les efforts entre communication, facilitation, adaptation réglementaire et implication active des usagers.

Alors que les vacances offrent un précieux moment de détente et de découverte, elles ne doivent pas être synonymes d’oubli des règles élémentaires de civilité et de respect. Le littoral n’est pas un territoire à conquérir, mais un espace fragile, partagé avec celles et ceux qui y vivent tout au long de l’année. Chaque vacancier a la responsabilité de ne pas se comporter en envahisseur arrogant, mais de s’intégrer avec humilité et bienveillance à ces nouveaux lieux de vie temporaires. En adoptant des gestes respectueux de l’environnement et des habitants, en montrant l’exemple à leur tour, les visiteurs contribuent à préserver la richesse et la beauté des côtes pour les générations futures. Car protéger le littoral, c’est avant tout une affaire de respect collectif et de conscience partagée.

(1) Magali Trelohan, enseignante-chercheuse, professeur de marketing à l’EM Normandie est spécialiste des comportements pro-environnementaux. Ses articles analysent l’engagement et l’empowerment autour de ce sujet à travers le prisme des stratégies organisationnelles et de la psychologie et des comportements individuels. 

À propos de l’étude de Magali Trélohan – chiffres clés :
17 structures intégrées, dont 10 locales, 4 régionales, 3 nationales et 1 européenne.
400 verbatims recensés, dont 167 liés à la communication, 85 à la politique, 82 à la facilitation, 24 à l’exemplarité et 24 à l’implication directe des usagers.
10 à 15 % des déchets sur les plages sont directement abandonnés par les usagers, représentant un enjeu majeur pour la gestion des déchets littoraux.
Sur les 70 mentions de barrières à l’adoption de comportements écologiques, seulement 21 sont associées à des solutions concrètes, révélant un potentiel d’amélioration significatif.

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