Le réemploi, simple comme construire – Vers une architecture durable, de Raphaël Bach – Éditions Charles Léopold Mayer, 3 octobre 2025 – 200 pages
Le réemploi, c’est simple. Il s’agit de prendre un élément de construction, par exemple un mur en briques, et de le démonter. Cela permet d’obtenir un tas de briques avec lequel il est possible de construire un nouveau mur. Simple, non ? Alors pourquoi le réemploi est-il si difficile à mettre en place dans le monde de la construction ? En partie parce que ce secteur est un secteur important de l’économie où les programmes de bâtiments neufs sont générateurs de profits et d’emplois.
Mais il est aussi dévastateur pour notre planète en termes d’énergie et de consommation de matières premières. À ce titre, le réemploi des matériaux se doit d’être considéré pour éviter tout gâchis à grande échelle.
Raphaël Bach propose avec cet ouvrage une réflexion à la fois pragmatique et visionnaire sur une pratique trop longtemps marginalisée : le réemploi des matériaux de construction. Loin de se limiter à un plaidoyer théorique, le livre démontre de manière claire et accessible que le réemploi constitue une réponse réaliste et indispensable aux défis environnementaux et économiques de l’architecture contemporaine.
L’auteur part d’un constat simple : la construction neuve, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, exerce une pression insoutenable sur les ressources naturelles et l’énergie. Chaque démolition génère des montagnes de déchets, tandis que les projets immobiliers continuent à privilégier le neuf au détriment de la réutilisation. Le réemploi apparaît alors non seulement comme une solution écologique, mais aussi comme un outil de sobriété matérielle et de créativité architecturale.
L’intérêt du livre réside dans sa capacité à articuler les enjeux techniques et politiques. Sur le plan pratique, Raphaël Bach détaille les conditions nécessaires pour que le réemploi devienne une norme : organisation logistique, adaptation des réglementations, valorisation des filières locales, reconnaissance des savoir-faire liés au démontage et à la revalorisation des matériaux. Il montre que les obstacles actuels — souvent réglementaires, financiers ou culturels — ne sont pas insurmontables, mais appellent une révision en profondeur des habitudes et des cadres institutionnels.
Sur le plan conceptuel, l’ouvrage interroge également le rapport de l’architecture au temps et à la matière. Réutiliser, c’est aussi inscrire le bâti dans une continuité, éviter la rupture systématique entre « ancien » et « nouveau ». Le matériau de seconde main devient porteur d’histoire, d’usages, d’une mémoire constructive qui enrichit la création architecturale au lieu de la contraindre. Cette dimension culturelle du réemploi, trop souvent négligée, est ici mise en valeur comme un levier de renouvellement esthétique et social.
Enfin, le livre s’inscrit dans une perspective plus large : celle d’une transition écologique juste. L’auteur rappelle que réduire l’empreinte carbone de la construction ne peut se limiter à des innovations technologiques (bétons bas-carbone, matériaux biosourcés) ; il s’agit aussi de transformer le modèle économique du secteur, de repenser nos priorités collectives et d’ouvrir un espace pour une architecture qui allie sobriété et désirabilité.
Par son approche pédagogique, documentée et engagée, Raphaël Bach réussit à rendre le réemploi tangible et désirable. Le livre agit à la fois comme un manuel pratique, un manifeste écologique et une invitation à réinventer l’imaginaire architectural. En le lisant, on comprend que la simplicité apparente du réemploi n’est pas synonyme de naïveté, mais qu’elle constitue au contraire une voie exigeante et profondément moderne pour construire autrement.
À l’avenir, il ne s’agit plus de construire de nouveaux bâtiments, mais plutôt de mettre l’accent sur la rénovation et la maintenance de l’existant pour mieux retrouver notre humanité de bâtisseurs.
Architecte amoureux des matériaux et de la simplicité, Raphaël Bach est codirecteur de l’association Matériuum, qui forme et innove en faveur du réemploi dans la construction et la culture. Il vit et travaille en Suisse.
⇾ Une présentation du livre aura lieu le mercredi 15 octobre à 18h en présence de l’auteur à la Fondation Charles Léopold Mayer, 38 rue Saint-Sabin – Paris 11ᵉ
Inscription demandée : www.eclm.fr




