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Climat, pollution, maladies respiratoires : et si la désinformation mettait en danger votre santé ?

Et si la plus grande menace pour notre santé n’était pas seulement le changement climatique, mais le brouillard de désinformation qui nous empêche d’y faire face ? La science peut-elle encore éclairer nos choix quand la désinformation brouille les repères, que les pressions politiques s’intensifient et que les financements se réduisent ? La Société européenne de pneumologie (ERS) et la Fondation européenne du poumon (ELF) lancent un avertissement : céder à ces forces revient à fragiliser les avancées médicales, à compromettre la lutte contre les maladies respiratoires chroniques et à mettre en danger des millions de vies. Déjà, le changement climatique aggrave la situation : 81,7 millions d’Européens vivent avec une maladie respiratoire chronique et la hausse des températures multiplie hospitalisations et décès. Or les campagnes de désinformation exploitent le doute pour saper la confiance dans la recherche, au moment même où celle-ci est indispensable pour bâtir des politiques de santé et d’environnement ambitieuses. Les organisations appellent à un sursaut.

Les organisations respiratoires européennes lancent un appel urgent à défendre la science face aux menaces croissantes pour la santé liées au climat. La Société européenne de pneumologie (ERS) (1)  et la Fondation européenne du poumon (ELF) (2) mettent en garde contre les menaces croissantes qui pèsent sur la science et les scientifiques du monde entier, avec de graves conséquences pour la santé publique.
Les organisations sont profondément préoccupées par le risque que les campagnes de désinformation, les pressions politiques et les coupes budgétaires compromettent des années de progrès dans la recherche médicale. Des tactiques sont employées pour exploiter délibérément l’incertitude du public et saper la confiance dans la recherche fondée sur des données probantes.

Lors du congrès 2025 de la Société européenne de pneumologie (ERS), des experts ont mis en garde contre l’influence de revues prédatrices, l’ingérence politique et les campagnes industrielles de désinformation, comme des facteurs réels qui déstabilisent la confiance dans la recherche et compromettent son indépendance.

De telles tactiques ont déjà été observées : dès les années 1950, les fabricants de tabac ont systématiquement semé le doute sur les conséquences du tabagisme sur la santé.
Les mêmes techniques développées par cette industrie ont été reprises dans les stratégies de lobbying contre les politiques climatiques. Des entreprises fossiles, des groupes de pression et des consultants ont financé des “think tanks” ou organisations de façade pour contester les conclusions du consensus scientifique sur le réchauffement planétaire.

Par exemple, le groupe Advancement of Sound Science (TASSC) a été fondé pour promouvoir l’idée que certaines recherches scientifiques étaient du “junk science” et contester les régulations environnementales en soulignant les incertitudes. Les mêmes cabinets de relations publiques et certains scientifiques ayant été mis à contribution pour le tabac ont ensuite été mobilisés dans le débat climatique, pour semer le doute sur les causes anthropiques du changement climatique.
On observe la stratégie de manufacturing doubt (fabriquer le doute) : financer des publications, des conférences, des tribunes médiatiques qui soulignent des “incertitudes” sur les modèles climatiques, tout en donnant l’impression d’un débat scientifique encore ouvert.

Rappelons-nous la désinformation autour des vaccins, spécialement lors de la pandémie COVID-19. L’“infodémie” liée à la COVID-19 a vu une prolifération massive de rumeurs, conspirations et récits anti-vaccin diffusés en ligne, qui ont affaibli la confiance dans les campagnes vaccinales. Sur Twitter, de nombreux comptes et communautés coordonnés ont promu des discours affirmant que les vaccins seraient dangereux, que les données cliniques seraient manipulées, ou qu’un “plan caché” serait derrière les campagnes de vaccination. Des études ont observé une forte polarisation du débat avec des campagnes de désinformation utilisant des plateformes comme Telegram et YouTube pour diffuser des contenus à faible crédibilité. Ces discours ont exploité des incertitudes légitimes sur les effets secondaires pour les présenter comme preuves d’un manque de fiabilité généralisé.

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Certaines campagnes ont exploité l’incertitude scientifique — les périodes d’essais, les effets secondaires rares encore étudiés — pour les présenter comme preuves d’un risque généralisé ou d’un manque de transparence des autorités sanitaires. Cette stratégie de “doute légitime” a été largement documentée.
En 2024, un rapport de Columbia University rapporte que la désinformation autour des vaccins s’est propagée plus rapidement que les contre-mesures, entraînant une hausse de l’hésitation vaccinale.

Désinformation climatique en France, Allemagne, Pays-Bas (projet HEAT)

Ces exemples montrent que la tactique consistant à exploiter l’incertitude publique n’est pas abstraite : elle se manifeste aujourd’hui, en Europe, dans des secteurs sensibles à la santé et au climat. Le rapport HEAT (2025) montre comment ces récits trompeurs sur le changement climatique sont délibérément semés et amplifiés dans des espaces numériques de France, Allemagne et Pays-Bas. Ils visent à semer le doute sur les causes humaines du changement climatique, à présenter les politiques climatiques comme “élitistes” ou “autoritaristes”, voire à aligner ces discours avec les intérêts des industries fossiles. Cela affaiblit la confiance dans les recherches scientifiques sur le climat, dont dépendent les politiques de santé environnementale.

En rendant le discours climatique “contestable”, ces tactiques rendent plus difficile l’adoption de mesures de santé publique liées à l’environnement.

Ces exemples montrent comment les tactiques de désinformation ne sont pas abstraites : elles s’appuient sur des stratégies coordonnées de financement, de relais médiatiques, de construction d’autorités scientifiques factices, et d’exploitation des espaces numériques pour transformer les incertitudes inhérentes à toute recherche scientifique en doutes paralysants auprès du public.

Aujourd’hui, bien que la recherche fondée sur des données probantes ait permis des progrès décisifs, des vaccins au dépistage du cancer en passant par les politiques d’assainissement de l’air, les attaques contre la science, la diffusion de fausses informations et les coupes budgétaires dans la recherche pourraient anéantir des années de progrès et mettre en danger les patients, les familles et les communautés.

Sans action urgente, cela pourrait avoir de graves conséquences pour les patients, les systèmes de santé et la société dans son ensemble. Par exemple, le changement climatique constitue une urgence de santé publique majeure, aux conséquences sans précédent sur notre planète, notre environnement et notre santé. On estime que 81,7 millions de personnes en Europe vivent avec une maladie respiratoire chronique, avec 6,8 millions de nouveaux diagnostics chaque année. Il est prouvé que la hausse des températures estivales est associée à des risques accrus d’hospitalisations et de mortalité pour maladies respiratoires. Si des recherches fondées sur des données probantes ne sont pas menées et si des mesures climatiques ne sont pas prises, l’exposition à des températures élevées ou à des conditions météorologiques extrêmes aura des conséquences néfastes sur ces personnes et sur de nombreuses autres personnes non diagnostiquées.

Pour Dimitris Kontopidis, président de l’ELF,  « Les patients et le public méritent d’avoir accès à des informations fiables et fondées sur des données probantes. Chacun a le droit de prendre des décisions de santé fondées sur des connaissances fiables, et non sur de la désinformation qui met des vies en danger. »

Autre exemple, celui de la politique américaine de Donald Trump vis-à-vis du climat qui marque une rupture forte par rapport à ses prédécesseurs, avec une orientation clairement climatosceptique. Trump défend une politique ouvertement pro-fossiles et anti-régulation, tout en discréditant le consensus scientifique sur le climat. Cela renforce la désinformation et sème le doute, en particulier parmi ses électeurs. 

Impact du changement climatique sur la santé

Une étude récente menée en Angleterre a révélé que le risque d’hospitalisation pour BPCO augmente de 1,5 % par augmentation de température de 1 °C, avec plus de 1 800 événements par an attribués à des températures supérieures à 23 °C. L’exposition à des températures élevées peut également diminuer la fonction pulmonaire chez les personnes asthmatiques ou accroître les exacerbations d’asthme chez les enfants.
Une déclaration de la Société européenne de pneumologie sur le changement climatique et la santé respiratoire a souligné que le changement climatique pourrait amplifier les risques pour la santé respiratoire. La hausse des températures estivales a été associée à une augmentation des risques d’hospitalisation et de mortalité dus aux maladies respiratoires.

La qualité de l’air intérieur et les idées reçues chez les patients respiratoires

Une enquête menée en 2024 auprès de personnes atteintes de maladies respiratoires (via Santé respiratoire France) s’est intéressée à leurs perceptions de la qualité de l’air intérieur. Les résultats révèlent des croyances répandues et des zones d’ombre qui jouent le rôle de terreau pour la désinformation : seul un tiers environ des répondants (29 %) savaient que l’air intérieur peut être plus pollué que l’air extérieur.  Certains considèrent même que leur logement est un sanctuaire protégé, alors que des polluants intérieurs — humidité, matériaux de construction, moisissures, produits chimiques domestiques — peuvent aggraver les symptômes respiratoires. Une proportion non négligeable (14 %) des malades interrogés déclare ne pas se sentir concernés par le problème d’air intérieur. Beaucoup croient que des plantes “purificatrices” ou de petits appareils à bas coût sont des solutions efficaces — or, selon des évaluations de l’ADEME, leur performance réelle est souvent insuffisante.

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Ces méconnaissances ou croyances erronées peuvent constituer des leviers d’influence pour des discours trompeurs : des fournisseurs de dispositifs “miracles” peuvent exploiter ces attentes en promouvant des solutions peu efficaces ou non validées scientifiquement ; des médias ou influenceurs peuvent amplifier des “astuces” non fondées (plantes purifiantes, sprays, gadgets) en leur donnant une apparence légitime ; l’incertitude face à ce qu’on ne voit pas (polluants invisibles, effets à long terme) facilite le glissement vers des discours alarmistes ou pseudoscientifiques.

Cet exemple montre que la désinformation ne doit pas toujours prendre la forme d’un mensonge manifeste : elle peut s’appuyer sur des incertitudes réelles, des croyances répandues ou des déficits d’information pour gagner en légitimité.

Charge des maladies respiratoires chroniques (MRC) en Europe

Un rapport de l’OMS/ERS (juin 2025) estime que 81,7 millions de personnes dans la Région européenne de l’OMS vivent avec une maladie respiratoire chronique, avec 6,8 millions de nouveaux diagnostics chaque année.
Les maladies respiratoires chroniques (MRC) sont la sixième cause de décès dans la région ; la BPCO représente 80 % des décès liés aux MRC.
Le coût économique annuel est d’environ 21 milliards de dollars américains, principalement en raison de la perte de productivité chez les personnes âgées de 30 à 74 ans.
Le sous-diagnostic reste répandu en raison de l’utilisation limitée de la spirométrie et de la faiblesse des systèmes d’information sur la santé.
Les principaux facteurs de risque comprennent le tabagisme chez 25,3 % des adultes (au-dessus de la moyenne mondiale de 20,9 %) et l’exposition à la pollution atmosphérique au-dessus des limites de sécurité de l’OMS pour plus de 90 % de la population.
Malgré les réductions antérieures de la mortalité, le financement de la recherche et l’attention politique sont en baisse, ce qui incite à appeler à intégrer les soins et la prévention des maladies chroniques respiratoires dans des stratégies plus larges de lutte contre les maladies non transmissibles.

Réductions budgétaires

En juillet 2025, l’ERS a exprimé son inquiétude quant au cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 proposé par la Commission européenne, qui fusionnerait ou réduirait les budgets consacrés à la santé et à l’environnement. L’association a déclaré :
La pollution de l’air est la plus grande menace environnementale pour la santé en Europe, provoquant environ 300 000 décès prématurés chaque année et coûtant à l’économie de l’UE environ 600 milliards d’euros par an (environ 4 % du PIB).
Malgré cela, les initiatives en faveur de l’air pur ne reçoivent qu’environ 1 % du financement international du développement et environ 2 % du financement public pour le climat.
L’ERS a exhorté l’UE à protéger le financement autonome des programmes de santé, de science et d’environnement, afin de préserver la recherche, les politiques de qualité de l’air et la résilience de la santé publique.

Le rôle de la société civile dans les programmes de recherche et de santé

Dans une réponse de l’ERS et de l’ELF à la stratégie de l’UE pour la société civile (publiée le 5 septembre 2025), les organisations ont souligné que la société civile est essentielle à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, à la démocratie et à la santé publique, et que son rôle est protégé par l’article 11 du traité sur l’Union européenne. Elles ont insisté sur le fait que les coupes dans les subventions de fonctionnement de l’UE et le passage à un financement à court terme basé sur des projets compromettent le soutien prévisible, affaiblissent les organisations plus petites/locales et risquent de faire pencher la balance en faveur des acteurs commerciaux bien dotés en ressources. Mais aussi que le plaidoyer doit être reconnu et financé comme une fonction essentielle de la société civile, et non traité comme un supplément facultatif ; exclure le plaidoyer alors que le lobbying commercial continue reviendrait à faire taire les voix indépendantes et fondées sur la science.
L’ERS et l’ELF ont appelé à un financement durable, opportun et prévisible pour maintenir une participation significative, à une protection explicite du plaidoyer dans les cadres de financement de l’UE et, enfin, à des garanties pratiques contre l’intimidation juridique ou numérique, y compris les mesures anti-SLAPP.

Les patients et les professionnels de la santé illustrent la valeur de la société civile en apportant une expérience concrète et une expertise scientifique à la politique de santé de l’UE.

La déclaration de l’ERS/ELF met donc en évidence trois priorités urgentes : défendre la science indépendante comme fondement de traitements vitaux, d’une prévention efficace et de décisions politiques judicieuses, lutter contre la désinformation qui se propage rapidement en ligne, érode la confiance et met en danger les patients et les populations vulnérables, et renforcer la collaboration internationale, qui s’est avérée essentielle pour faire face aux crises sanitaires mondiales telles que la pandémie de COVID-19.
Les organisations appellent les institutions européennes, les gouvernements nationaux et les décideurs politiques à protéger la recherche et l’innovation transfrontalières maintenir l’intégrité scientifique et la transparence, défier la désinformation, garantir un financement durable de la santé publique et de la recherche en investissant dans l’éducation et la littératie en santé, et, enfin, veiller à ce que les décisions soient fondées sur la science et éclairées par des experts et une expérience vécue.
Le Dr Eva Polverino, directrice des relations scientifiques de l’ERS avec l’Union européenne, précise : « Une science indépendante et collaborative est essentielle à la santé publique. Elle doit être protégée de la désinformation et des manipulations politiques si nous voulons relever les défis urgents d’aujourd’hui, de la pollution atmosphérique et du changement climatique aux maladies infectieuses et chroniques. »

Les organisations appellent les dirigeants à s’unir pour protéger la science et faire progresser la collaboration internationale afin que la recherche fondée sur des preuves puisse contribuer à un avenir plus sain, plus juste et plus résilient pour tous.

Lire la déclaration complète de l’ERS/ELF.

(1) L’ERS est l’une des principales organisations médicales dans le domaine respiratoire, avec plus de 35 000 membres, médecins, scientifiques et professionnels paramédicaux, répartis dans plus de 160 pays. L’ERS privilégie la science, l’éducation et la sensibilisation afin de promouvoir la santé pulmonaire, de soulager les souffrances liées aux maladies et de promouvoir les normes en matière de médecine respiratoire à l’échelle mondiale. www.ersnet.org
(2) La Fondation pulmonaire européenne (ELF) est une organisation internationale dirigée par des patients. Elle œuvre pour mettre en relation patients, public et professionnels de santé afin d’améliorer la santé pulmonaire et de faire progresser le diagnostic, le traitement et les soins. Fondée en 2000, l’ELF travaille en partenariat avec la Société européenne de pneumologie (ERS) afin de renforcer la collaboration entre patients et professionnels de la santé pulmonaire. L’ELF opère à l’échelle mondiale grâce à un réseau de patients bénévoles de plus de 350 personnes et à un réseau d’associations de patients de plus de 200 groupes de lutte contre les maladies respiratoires en Europe, s’attaquant à plus de 40 affections pulmonaires différentes.

Source : Société européenne de pneumologie

https://europeanlung.org/fr/

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