Promesses de vitalité, mascottes souriantes, couleurs vives… Derrière les gourdes et fromages « pour enfants », se cache un cocktail de sucre, de gras et d’additifs. L’ONG foodwatch alerte sur ces produits laitiers au marketing trompeur et sur l’inaction du gouvernement face à une industrie qui cible sans scrupules les plus jeunes. Une dérive nutritionnelle qui tourne au scandale de santé publique.
Sous leurs airs innocents de goûters « équilibrés », les produits laitiers pour enfants dissimulent souvent une réalité bien moins saine. Huit produits laitiers destinés aux enfants, vendus dans les rayons frais des supermarchés, affichent un marketing santé trompeur alors qu’ils sont, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), beaucoup trop gras, trop sucrés, trop salés et ultra-transformés. Derrière les promesses de calcium, de vitalité ou de vitamines, se cache une stratégie marketing redoutable : séduire les plus jeunes grâce à des mascottes, des couleurs vives et des partenariats avec leurs héros préférés.
Face à cette offensive publicitaire massive, foodwatch tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et dénonce une situation d’autant plus révoltante qu’aucune réglementation n’encadre encore ces pratiques. Malgré les appels répétés de l’OMS et de Santé publique France à interdire la publicité pour ces aliments déséquilibrés, les pouvoirs publics continuent de miser sur la bonne volonté des industriels. Résultat : la santé des enfants paie le prix fort du marketing de la malbouffe.
Des emballages attrayants, des compositions inquiétantes
Danonino, Kiri Goûter, Babybel, Nesquik, P’tit Louis, ou encore le yaourt Smarties… Ces produits, très populaires auprès des familles, ont en commun deux éléments : un marketing racoleur, et une composition déséquilibrée.
D’un côté, des emballages colorés, des mascottes sympathiques, des personnages de dessins animés, des concours et des slogans rassurants promettant calcium et vitamines. De l’autre, des recettes riches en sucre, en sel ou en matières grasses, bien au-delà des seuils fixés par les critères nutritionnels de l’OMS.
« Ces allégations santé apposées sur des emballages attractifs masquent le véritable problème de ces produits : leur taux de gras, de sucre et/ou de sel est très élevé », dénonce Audrey Morice, chargée de campagnes chez foodwatch. « Ce sont majoritairement des aliments ultra-transformés, dont on sait désormais qu’ils augmentent le risque d’obésité et de maladies chroniques chez les enfants. L’Organisation mondiale de la Santé et Santé Publique France appellent à une interdiction du marketing pour ces aliments déséquilibrés depuis des années, que font les responsables politiques ? »
L’arme fatale de l’industrie pour gaver les enfants
Comme l’expliquait foodwatch dans un rapport de septembre 2023, « Céréales, chips, bonbons, glaces, soda, pseudo-fromages… Les enfants sont constamment incités à consommer des produits trop gras, trop sucrés, trop salés, influencés par l’armada de stratégies marketing et publicitaires mise en place par l’industrie agro-alimentaire pour vendre toujours plus. Du matin au soir, les enfants baignent dans un environnement obésogène qui les encourage à préférer des aliments mauvais pour leur santé. Ce matraquage quotidien sape les efforts d’éducation des parents tandis que les plus jeunes, séduits, développent des préférences alimentaires catastrophiques pour leur santé.
Les industriels ont bien compris la manne financière que représentent les jeunes consommateurs et consommatrices : une influence importante sur les choix d’achat de leur foyer, une incapacité à distinguer un contenu informatif d’un contenu publicitaire, des produits alimentaires ancrés dans leurs habitudes alimentaires et une utilisation toujours plus grande des écrans, loin de la vigilance de leurs parents. Les géants de la malbouffe ont musclé leurs stratégies publicitaires invasives : des mascottes rigolotes à la télévision, le quotidien des plus jeunes est aujourd’hui envahi de partenariats avec des influenceurs et leurs stars préférées, de placements de produits sur les réseaux sociaux, d’« advergames », jeu vidéo qui promeut une marque – et autres publicités.
Audrey Morice explique « Les géants de la malbouffe n’hésitent pas à élaborer des stratégies à la limite de la manipulation afin de s’immiscer au sein des familles et saper les efforts d’éducation alimentaire des parents impuissants face à ces techniques marketing agressives. C’est totalement immoral et irresponsable quand on voit les conséquences de la malbouffe sur la santé des plus jeunes aujourd’hui et pour leur futur. »
Des exemples édifiants
Petits Filous & Go goût fraise (Yoplait) : vendus avec un « bouchon sport » et des licornes sur l’emballage, ces yaourts contiennent des arômes artificiels à la place des fruits et trop de sel pour un produit destiné aux enfants.
P’tit Louis : sa coque ludique et ses blagues visent directement les plus jeunes. Mais ce fromage, enrichi en épaississants et additifs (E407, E410), est trop gras et trop salé.
Kiri Goûter : associé à Disneyland et au personnage Stitch, le produit coche toutes les cases du marketing pour enfants, mais contient des polyphosphates et trop de matières grasses.
Danonino Go Fraise (Danone) : des gourdes colorées à l’effigie d’un petit dinosaure sportif ; pourtant, la recette, à base d’amidon modifié, affiche trop d’acides gras saturés et de sel.
Des produits « calcium » mais ultra-transformés
Si la plupart de ces produits tiennent leur promesse en matière d’apport en calcium — de quoi rassurer les parents —, neuf sur dix sont ultra-transformés. Or, selon Santé publique France, habituer les enfants de 4 à 11 ans à consommer ce type d’aliments contribue à la hausse du surpoids, et à des maladies. Leur analyse repose sur des études épidémiologiques montrant des associations entre consommation d’aliments ultra-transformés et des maladies chroniques. Le guide fait le lien entre sel élevé → risque cardiovasculaire / hypertension. Il s’inscrit dans le cadre du PNNS qui place la nutrition comme un déterminant majeur de santé, notamment pour prévenir l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires.
Une étude menée par 60 millions de consommateurs en septembre 2025 confirmait déjà la surreprésentation des produits ultra-transformés dans l’alimentation des enfants. D’autres recherches, notamment celles de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Côte d’Azur, ont montré qu’un régime ultra-transformé peut entraîner une prise de poids de 1,5 kg en seulement trois semaines.
Un vide politique qui perdure
Malgré les alertes répétées des autorités sanitaires et des associations, le gouvernement français n’a toujours pas adopté la mesure d’interdiction du marketing ciblant les enfants, pourtant inscrite noir sur blanc dans la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC).
Cette stratégie, présentée comme un pilier de la politique de prévention en santé publique, visait à limiter l’exposition des plus jeunes à la publicité pour des produits déséquilibrés et ultra-transformés — un levier jugé essentiel par l’OMS pour lutter contre l’obésité infantile.
Mais deux ans après son annonce, la mesure reste lettre morte. Aucune réglementation concrète n’a vu le jour, faute de volonté politique et sous la pression des lobbys agroalimentaires. Le gouvernement continue de privilégier le principe de l’autorégulation par les entreprises, une approche largement dénoncée par Santé publique France, qui la juge inefficace et contraire aux impératifs de santé publique.
Résultat : les industriels continuent de cibler massivement les enfants à travers la télévision, les réseaux sociaux, les influenceurs et les emballages ludiques, sans aucun encadrement. Pendant ce temps, la France reste à la traîne par rapport à d’autres pays européens — comme le Royaume-Uni, la Norvège ou le Portugal — qui ont déjà interdit ou restreint la publicité pour les produits gras, sucrés et salés auprès des mineurs.
Cette inaction politique interroge : comment justifier un tel retard quand les chiffres de surpoids infantile progressent, et que l’ensemble des acteurs de santé publique réclament depuis des années une protection légale des plus jeunes face au marketing de la malbouffe ?
Avec le soutien de 116 organisations, foodwatch a récemment saisi le Premier ministre Sébastien Lecornu, aujourd’hui démissionnaire, pour demander la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de lutte contre le marketing alimentaire destiné aux enfants.
La pétition lancée par l’ONG pour interdire la publicité des produits de malbouffe visant les plus jeunes dépasse désormais les 67 000 signatures.
« Il est temps d’agir, » plaide foodwatch. « Protéger les enfants de ces pratiques commerciales trompeuses relève d’une urgence de santé publique. »
Illustration d’en-tête : Dessin « Le joueur de Flûte » ©Soulcié pour foodwatch







