Balade sous la pluie, d’Eleonora Dallan et Auguste Gires – Éditions Presses des Ponts / École nationale des Ponts et Chaussées, novembre 2025 – 168 pages
L’ouvrage propose une plongée dans les sciences de l’eau, de l’atmosphère et du climat pour comprendre la pluie autrement. Comme une « promenade » à travers le phénomène de la pluie : un phénomène quotidien, universel, mais souvent mal ou peu compris. Les auteurs, respectivement ingénieure en environnement et chercheur en hydrologie (Dallan), et ingénieur des ponts/eaux/forêts et spécialiste de la variabilité hydrométéorologique (Gires), proposent de guider le lecteur dans différentes “escales” thématiques — de l’orage à la goutte, du cycle de l’eau à l’impact humain — pour découvrir ce qui se cache derrière la pluie. Le tout est présenté dans un format accessible, illustré et pensé pour un lectorat curieux plutôt que purement technique.
Une démarche de vulgarisation engagée
L’un des points forts de l’ouvrage est sa capacité à transformer un phénomène que l’on croit “simple” — la pluie — en objet de réflexion riche, complexe et passionnant. Les auteurs ne se contentent pas de décrire comment la pluie se forme ; ils interrogent ses dynamiques, ses effets sur l’environnement, ses implications pour nos villes, notre agriculture, notre climat.
En construisant le livre comme une promenade — “escales” –, ils invitent le lecteur à flâner, s’arrêter, observer, s’étonner. Ce style permet d’éviter la lourdeur d’un manuel technique tout en gardant la rigueur scientifique. Le ton est convivial, ce qui encourage l’engagement du lecteur.
Cette approche très “terrain + quotidien” est visible dans les mises en situation que propose le livre : “tu es sous la pluie, que se passe-t-il”, “quand la goutte tombe, que devient-elle”, etc.
Le mélange “science sérieuse” et “émerveillement”
Les auteurs — par leur profil respectif — assurent une qualité scientifique (hydrologie, variabilité des précipitations, modélisation) mais choisissent de la rendre accessible. Cela se ressent dans la structure de l’ouvrage : on part d’observations simples (la pluie tombe, je la vois, je la ressens) pour aller vers des enjeux plus larges (le changement climatique, la gestion de l’eau).
Ce mélange est efficace, car il fait de la pluie non pas un phénomène “banal” mais un révélateur : de notre rapport à l’environnement, de nos infrastructures (toits, égouts, rivières), de nos villes (ruissellement, inondations), de notre climat (précipitations extrêmes).
Ainsi, l’ouvrage fonctionne à deux niveaux : il informe (ce qu’est la pluie, comment fonctionne le cycle de l’eau) et il questionne (quels sont les défis associés, que doit-on anticiper).
Une dimension pédagogique et réflexive
Le livre est pensé pour sensibiliser. Il ne s’adresse pas uniquement à des chercheurs, mais à tout lecteur intéressé par “ce qui tombe du ciel”. Il est donc un bon outil pédagogique : enseignants, médiateurs scientifiques, lecteurs curieux y trouveront matière à discussion.
Par ailleurs, il stimule la réflexion : par exemple, en revenant sur des idées reçues (« la pluie est “simplement” de l’eau qui tombe ») et en montrant les multiples facteurs associés : atmosphère, sols, relief, infrastructures humaines. On comprend que la pluie, loin d’être “juste un fait banal”, est le produit d’interactions complexes.
Cette dimension réflexive est importante : elle permet de prendre conscience que “tenir compte de la pluie” dans les projets d’aménagement, d’urbanisme ou d’agriculture, ce n’est pas un extra, mais une nécessité.
Bien que le ton soit adapté à un large public, certaines parties — lorsque les auteurs abordent la modélisation, la variabilité spatio-temporelle, ou les implications techniques — peuvent demander un peu d’effort. Un lecteur totalement non initié à la science pourrait se sentir parfois dépassé.
Le livre est très centré sur “la pluie” comme phénomène sous toutes ses facettes, ce qui est sa force, mais du coup, il laisse moins de place à des phénomènes associés (neige, grêle, phénomènes extrêmes très localisés) ou à des approfondissements extrêmement techniques. Ce n’est pas un traité complet sur l’hydrologie, mais une “balade”.
La nature et les phénomènes météorologiques, les interactions entre climat, eau, société, infrastructures, une lecture qui allie curiosité, exemple concret, pensée systémique…, ce livre permet non seulement de comprendre la pluie, mais de changer de regard sur elle : désormais, on la voit non seulement comme une nuisance, ou comme un simple arrosage, mais comme un acteur majeur de tous les jours — dans la ville, à la campagne, dans l’agriculture, dans le changement climatique.
Balade sous la pluie permet de marcher sous la pluie avec de nouveaux yeux — et de revenir à l’abri avec quelques idées, questions et peut-être un peu plus de respect pour ce phénomène “transparent”.
Balade sous la pluie est un projet réussi : accessible, sérieux, stimulant. Il redonne de la richesse à un phénomène que nous croyons connaître, mais que nous survolons trop souvent. Les auteurs nous invitent à ralentir, à observer, à comprendre — et in fine à prendre conscience que “la pluie” est beaucoup plus que “quelque chose qui mouille”. C’est un vecteur, un acteur, un révélateur.
Si vous cherchez un livre qui mêle curiosité, science et réflexivité — sans lourdeur — alors ce titre est à recommander.
Eleonora Dallan est ingénieure en environnement et chercheuse au département TESAF (Terre, Environnement, Agriculture et Forêts) de l’Université de Padoue, en Italie. Après avoir travaillé dans un bureau d’études, elle a obtenu un doctorat en génie de l’environnement et s’est reconvertie dans le monde universitaire. Sesrecherches actuelles portent sur l’hydrologie et plus spécifiquement sur la dynamique des précipitations, les précipitations extrêmes et leurs effets sur le cycle de l’eau. Elle étudie les impacts des changements environnementaux et climatiques sur les ressources en eau et les catastrophes naturelles liées aux précipitations.
Auguste Gires est ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, et chercheur à l’École nationale des ponts et chaussées, au sein du laboratoire Hydrologie, Météorologie et Complexité (HM&Co). Ses travaux portent sur la façon d’améliorer la mesure, la compréhension, la modélisation et la simulation des variabilités extrêmes observées sur de larges échelles spatio-temporelles des champs géophysiques et anthropiques, ainsi que leurs interactions complexes pour des applications pratiques.






