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La machine à augmenter le cerveau

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L’être humain a toujours tenté d’améliorer ses performances ou son bien-être au moyen, par exemple, de l’apprentissage, de la maîtrise de l’outil ou du recours à des substances comme le café, l’alcool ou d’autres types de drogues de toutes natures,… Cette possibilité qu’a l’être humain en bonne santé de s’améliorer (human enhancement) a été décuplée par les progrès de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie, ce n’est plus marginal. Elle peut schématiquement se référer à l’apparence corporelle (par exemple greffes de cheveux, tatouages, chirurgie esthétique…), aux performances physiques (dopage sportif, stimulants sexuels….), ou encore aux capacités du cerveau réalisant ce qui est appelé le « brain enhancement » ou encore « neuro enhancement ».
Bien évidemment, le tout connecté à toutes sortes de gadgets à diodes , capteurs d’automesure,… qui mériteront une analyse plus précise dans un très prochain article sur une tendance appelée « quantify self ».

Ce qui nous intéresse ici c’est qu’il est désormais possible de doper ses performances cérébrales ! Devenir des humains augmentés d’améliorations cérébrales produites en recourant à des machines ou à des médicaments : sommes-nous encore dans le monde réel ou en pleine science-fiction ? 
Et quels sont les enjeux d’un « recours aux techniques biomédicales en vue de “neuro-amélioration” chez la personne non malade ? »

De quoi s’agit-il ?

De l’emploi de médicaments (anxiolytiques, antidépresseurs, stimulants cognitifs…) ou de la stimulation cérébrale transcrânienne.
La « neuro-amélioration » désigne les différentes techniques qui visent à améliorer les performances intellectuelles et l’état émotionnel. Le plus souvent, les prétendants au titre de « cerveau amélioré » ont recours aux médicaments. Ou à la stimulation cérébrale transcrânienne pour améliorer les performances cognitives de tout un chacun.

Le but : optimiser son activité cérébrale, soit faire passer un champ magnétique ou électrique sur le crâne ou encore le « neurofeedback », qui apprend le contrôle en temps réel de sa propre activité cérébrale. Le « neurofeedback », chez les patients non malades, est aisément maîtrisé : quatre personnes sur cinq en seraient capables. A court terme, la mémoire est améliorée ainsi que d’autres capacités : temps de réaction, apprentissage ou encore capacités visuo-spatiales.

L’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)

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Dans son avis n° 122, rendu public mercredi 12 février, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), juge qu’une amélioration de certains paramètres « a pu être observée », mais qu’elle est « inconstante, modeste, parcellaire et ponctuelle ». Il note que le rapport bénéfice/risque à long terme est « totalement inconnu », mais pointe un « risque probable d’addiction ».  Il en déconseille fortement l’utilisation « chez l’enfant, l’adolescent et les personnes vulnérables ». Il se dit préoccupé par le risque d’émergence d’« une classe sociale améliorée constituée d’une petite minorité d’individus bien informés et disposant de ressources financières suffisantes pour y accéder », et appelle à une « veille éthique » sur le sujet.

Ce qui s’appelle la Neuroéthique, selon K. Evers, philosophe(1) : interface entre les sciences empiriques du cerveau, la philosophie de l’esprit, la philosophie morale, l’éthique et les sciences sociales qui étudie des questions qui surviennent lorsqu’on étend les découvertes scientifiques sur le cerveau à des analyses philosophiques, à la pratique médicale, aux interprétations légales, aux politiques sociales et de santé. Elle peut être considérée comme une sous-discipline des neurosciences, de la philosophie ou de la bioéthique,selon la perspective que l’on souhaite privilégier. (Source : plateforme « génétique et société », Module DP04 « Aspects éthiques de la recherche et enjeux de société » de l’école doctorale Biologie-Santé-Biotechnologies de Toulouse – Mars 2010)

En France, les données sur le recours aux outils de neuro-amélioration sont inexistantes ; des études ont montré qu’aux Etats-Unis, le recours aux médicaments neurostimulants pourrait concerner 8 % à 25 % des étudiants (avec notamment l’utilisation de la Rétaline pour booster leurs performances). Autre exemple, en 2008, 20 % des lecteurs de la revue Nature indiquaient utiliser des neuro-optimisateurs. Face à ce phénomène, entre d’un côté les « mélioristes » trans ou posthumanistes, qui estiment légitime pour l’individu de chercher à augmenter ses capacités, et les « antimélioristes », qui voient poindre un homme diminué, le CCNE dit avoir adopté « un mélange de modestie, d’ouverture d’esprit et de questionnement scientique » (Source : le Monde 12 fév. 2014) .

Vers une nouvelle inégalité entre les hommes ? 

Une page de l’avis du CCNE se concentre sur un volet particulier : « le risque d’émergence d’une classe sociale “améliorée” contribuant à aggraver encore l’écart entre les riches et les pauvres », ces derniers courant le risque in fine d’être considérés comme pathologiques ou « diminués ». Ces inégalités pourraient revêtir une dimension planétaire, entre pays ayant les moyens d’améliorer leurs populations et les autres, suggère le CCNE. 

Hervé Morin, dans le journal Le Monde.fr (12 fév. 2014) souligne que les « sages » pointent à plus court terme un risque de distorsion des priorités de santé, aggravé « si les ressources publiques étaient engagées » dans la recherche de l’amélioration cognitive. Il importe donc pour le CCNE que ces techniques ne se développent pas au détriment des méthodes de base de développement psycho-cognitif que sont la nutrition, l’éducation, l’apprentissage et l’activité physique régulière, « déjà si inégalement réparties ».

Par ailleurs, dans le rapport du CCNE, il est précisé : « Le rapport bénéfice/risque à long terme du recours aux techniques de neuro-amélioration est inconnu et risque de le demeurer encore longtemps. Est-ce réellement un bénéfice pour le sujet si, par exemple, l’amélioration de sa mémoire fait resurgir des souvenirs douloureux ou empêche de les enfouir ? Et comment quantifier non pas seulement l’amélioration du résultat à un test spécifique donné, mais l’amélioration du fonctionnement global du sujet lui-même ? Les études actuelles ne permettent pas de répondre à ces questions. »

Armin Grunwald, directeur de l’office parlementaire allemand d’évaluation technologique (TAB) et professeur de philosophie de la technologie à l’Institut de Philosophie du KIT, dans un de ses derniers livres, se pose la question « Sommes-nous sur la voie de passer d’une méritocratie vers une société de la performance, dans lesquelles nous sommes de plus en plus exploités et instrumentalisés ? » Que répondrait Jean Baudrillard ? Lui qui lançait aux générations futures un défi original de création, « sans laquelle le savoir est inutile » , ou le dynamisme de l’objet comme illusion du monde (« Oublier Foucault – 1977)…
Ou encore, comme s’interroge le philosophe Alexandre Erler, « que restera-t-il de notre identité, de notre personnalité, ou encore, de notre authenticité ? »

 

 

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– (1) Livre « Neuroéthique. Quand la matière s’éveille » de Kathinka Evers/ Editions Odile Jacob 2009

– Livre « La Neuroéthique. Ce que les neurosciences font à nos conceptions morales » de Bernard Baertschi – Edition La Découverte 2009

– Film « Total Recall » (version 2012).

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