On connaissait les robots dans les usines, devenus des outils indispensables dans toute chaîne industrielle. Mais ces robots-machines conservaient l’apparence de machines. Une nouvelle génération de robots apparaît aujourd’hui. Des robots humanoïdes, capables de réaliser des tâches, comme les hommes, aux côtés des hommes. Le groupe Airbus, associé à un laboratoire franco-japonais de robotique, prévoit d’introduire ces humanoïdes sur les lignes d’assemblage de ses avions de ligne. Quel est l’enjeu industriel ? Quels sont les risques pour l’emploi ?
C’est le Journal du CNRS qui nous l’apprend. Un programme de recherche commun vient d’être lancé par le groupe Airbus et le Laboratoire franco-japonais de robotique (JRL). L’objectif est de développer des robots humanoïdes capables d’évoluer sur les lignes d’assemblage des avions, comme des êtres humains. Adrien Escande qui dirige ce programme précise : « Les robots doivent être en mesure d’évoluer dans des espaces réduits tels qu’un fuselage, et accomplir des tâches complexes dans de nombreuses positions. Concrètement, l’industriel a besoin de robots humanoïdes capables de s’agenouiller ou de se pencher comme un être humain, et qui peuvent exécuter des fonctions plus sophistiquées comme visser ou serrer un boulon ».
Ce programme s’inscrit dans le rapprochement finalisé en 2004 entre l’expertise japonaise en électronique et en robotique et l’excellence française en mathématiques et en algorithmique. Au programme, des recherches avancées sur la conception robotique et notamment la perception tactile ou haptique. Ces travaux ont pour mission principale d’améliorer le déplacement multi-contact qui permet aux robots de se déplacer en prenant appui non seulement sur leurs pieds mais aussi sur leurs genoux ou leurs coudes. En bref, construire des robots capables de se déplacer comme nous, même quand nous le faisons courbé ou en rampant.
Les robots humanoïdes ont déjà été introduits dans des usines mais à titre expérimental et pour réaliser des tâches simples comme déplacer des objets par exemple. Le challenge, désormais résolu, était de doter ces androïdes de capteurs leur permettant de cohabiter avec des humains sans les mettre en danger. On se souvient en effet de cette « agression » l’été dernier d’un ouvrier allemand projeté contre un panneau métallique par un robot sur une ligne de production.
Les robots humanoïdes peuvent aujourd’hui effectuer des mouvements complexes ; cela leur est permis grâce à la maîtrise des fonctions de planification et de contrôle. Des techniques d’optimisation numérique et des algorithmes avancés permettent aujourd’hui à un robot de se déplacer comme le ferait un alpiniste escaladant une paroi ; en anticipant ses prises et points d’appui et en contrôlant son équilibre en fonction d’événements imprévus comme des accidents de terrain ou une bourrasque de vent par exemple. Ces recherches ont permis de fabriquer des robots qui, comme un humain, vont pouvoir se faufiler dans le fuselage étroit d’un avion en construction, s’agenouiller ou prendre appui sur un mur pour effectuer une action. De plus, le contrôle de son environnement permet au robot de réagir en une microseconde. Bien utile pour éviter de bousculer son collègue de travail.
Ces robots sont pourvus d’une intelligence artificielle évoluée grâce au développement de leur capacité d’apprentissage. En effet, les robots apprennent tout seuls. Ils sont notamment programmés pour chercher et trouver des informations, des plans, des procédures ou des tutoriels dans des bases de données et même sur internet ! Le fameux C-3PO de Star Wars a fait des petits. Dotés d’une autonomie grandissante, ces robots sont appelés à se multiplier par seulement chez les avionneurs mais dans la quasi-totalité des secteurs industriels.
Un responsable du projet au CNRS, Abderrahmane Kheddar, anticipant les inquiétudes suscitées par ce genre d’innovations, entreprend de nous rassurer : « Notez bien que ces humanoïdes ne sont pas là pour remplacer les ouvriers, mais plutôt pour leur assurer de meilleures conditions de travail en les déchargeant des travaux les plus pénibles ou qui les exposent aux substances dangereuses ».
Il n’en demeure pas moins que l’arrivée de cette nouvelle génération de robots pose des questions. Selon un scientifique américain, l’avènement de l’intelligence artificielle pourrait plonger plus de 50% de la population mondiale au chômage au cours des trente prochaines années. « Nous approchons d’une époque où les machines pourront surpasser les êtres humains dans presque toutes les tâches », a déclaré le directeur de l’Institute for Information Technology à l’Université Rice au Texas, Moshe Vardi, devant l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS). Pour le scientifique qui n’exclut pas la fin du travail humain, « la question est de savoir si l’économie mondiale peut s’adapter à un taux de chômage de plus de 50% ». Aucune profession n’est à l’abri, pas même les travailleurs du sexe, a-t-il lancé.
Le Guardian rappelle qu’une étude portant sur les emplois menacés par l’intelligence artificielle a été publiée en novembre 2015 par la société de conseil McKinsey. Ses résultats sont éloquents : 45% du travail effectué par les êtres humains pourront être accomplis par des robots de la génération actuelle.
Moshe Vardi estime, qu’à terme, l’humanité va être confrontée à une question existentielle : « Que peuvent faire les hommes, quand les machines peuvent presque tout réaliser ? »
L’automatisation et la robotisation ont déjà bouleversé le secteur industriel ces quarante dernières années, dopant la productivité au détriment de certains catégories d’emploi. Le nombre de création de postes dans le secteur manufacturier a atteint son pic en 1980 aux États-Unis et n’a cessé depuis de diminuer, s’accompagnant d’une stagnation des revenus de la classe moyenne, a expliqué Moshe Vardi.
Selon le directeur de l’Institute for Information Technology cité par l’AFP, 10% des emplois qui nécessitent de conduire un véhicule aux États-Unis pourraient disparaitre en raison de l’automatisation de la conduite d’ici vingt-cinq ans. Bart Selman, professeur de sciences informatiques à l’Université Cornell surenchérit ; il prévoit quant à lui que « dans les deux ou trois ans, des machines autonomes (…) feront leur entrée dans la société permettant entre autres la conduite automatisée de voitures et camions mais aussi de contrôler des drones de surveillance ». Cet expert a expliqué que des progrès très importants ont été fait depuis cinq ans notamment dans la vision et l’ouïe artificielles permettant à des robots de voir et d’entendre comme les humains.
De nombreuses voix se font entendre comme celles de Bill Gates, Stephen Hawking ou Elon Musk alertant sur les dangers d’un développement non maîtrisé de l’intelligence artificielle. Une nouvelle voix, celle de Wendell Wallach, éthicien de l’Université de Yale, s’ajoute à ce concert d’appels à la raison. Elle en appelle à une mobilisation de la communauté internationale afin de prendre toutes les mesures pour s’assurer que « la technologie demeure un bon serviteur et ne devienne pas un maître dangereux ».
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