De la détection précoce de nouvelles tendances à la détermination de la teinte idéale de fond de teint, le géant français des cosmétiques L’Oréal mise sur la Silicon Valley pour parfaire son expertise.
Le groupe a implanté dans un ancien quartier industriel de San Francisco, aujourd’hui peuplé de nombreuses startups, une antenne de son « tech incubateur » qui emploie près de 25 personnes aux profils très variés : l’ingénieur industriel et le biologiste y côtoient des spécialistes des algorithmes ou des services mobiles.
D’après son responsable, Guive Balooch, cette structure a été inspirée par l’essor des objets connectés liés à la santé et des services liés au « big data », l’exploitation des énormes quantités de données collectées en ligne. L’idée était de « voir où la beauté pouvait s’intégrer dans cet espace« , a-t-il expliqué lors d’un voyage de presse organisé par le groupe en Californie.
Les recherches de ses équipes sur l’électronique flexible ont par exemple débouché sur un patch dévoilé en janvier qui se colle sur la peau et mesure l’exposition aux ultraviolets : il supporte les douches et les applications de crème solaire pendant cinq jours, mais ses nuances de bleu changent avec les expositions.
Pour concevoir son processus de production, l’incubateur s’est tourné vers PCH Lime Lab, un laboratoire de prototypage basé comme lui à San Francisco qui aide beaucoup de startups à finaliser leurs produits et à entrer en relation avec des fabricants.
L’incubateur a aussi contribué à un fond de teint hi-tech et personnalisé, « Le Teint Particulier » de Lancôme, vendu en exclusivité dans deux magasins à Los Angeles et Seattle, avec un objectif de 50 points de vente d’ici fin 2017 entre les États-Unis, le Canada et l’Europe.
La peau de la cliente est scannée et son ton déterminé avec grande précision, afin de réaliser un mélange unique. La procédure utilise un algorithme informatique développé avec l’entreprise californienne Sayuki, que L’Oréal a carrément rachetée en 2014.
Les équipes de Guive Balooch travaillent aussi avec Organovo, une autre startup californienne, sur la bio-impression, utilisant les techniques d’impression en 3D pour fabriquer de la peau et des tissus vivants pour des tests cosmétiques ou pharmaceutiques.
Elles sont également derrière l’application Makeup Genius, qui permet de tester virtuellement des produits de maquillage. C’est cette fois le spécialiste américain de la réalité augmentée Image Metrics qui a apporté ses technologies de reconnaissance faciale: cela permet à l’utilisatrice de se voir en mouvement et en temps réel sur son écran de smartphone, pour comparer le rendu de différentes teintes ou produits avant de les acheter.
L’application revendique plus de 20 millions de téléchargements et L’Oréal s’apprête à lancer des déclinaisons pour les vernis à ongles avec sa filiale Essie.
Les colorations capillaires pourraient être le prochain projet, mais c’est « très complexe car on a en moyenne 100.000 cheveux sur la tête, et ils bougent tous dans différentes directions« , relève Guive Balooch, rappelant que les technologies de reconnaissance pour les mouvements du visage, bien financées car exploitables aussi pour la sécurité, sont plus avancées que celles pour les cheveux, utilisées surtout dans l’animation (cinéma, jeux vidéo…)
Si l’application Genius ne profile pas ses utilisateurs individuels, « nous savons à partir de données anonymisées quelles couleurs les gens essayent autour du monde, quels produits« , note Guive Balooch.
Cela peut dévoiler des tendances, que le groupe traque aussi sur internet, entre autres dans le cadre d’un contrat publicitaire courant depuis plusieurs années avec Google. Ce dernier a une équipe d’analystes qui travaillent spécifiquement pour le groupe français et l’aident à repérer des thématiques commençant à ressortir dans les requêtes sur son moteur de recherche.
Le groupe peut ainsi éventuellement se positionner sur des créneaux émergents, en achetant des mots-clés pour placer ses publicités ou en créant des contenus pour YouTube par exemple.
Cela permet d’être « en prise avec la dernière mode qui apparaît dans la rue« , fait valoir Axel Adida, qui s’occupe spécialement des questions numériques chez L’Oréal. « On voit des petites choses changer dans les tendances (de recherche) et on se retrouve avec quelque chose d’aussi important que le smokey eye. »
Source : Sophie ESTIENNE/AFP
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