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CRISPR

CRISPR : feu vert américain pour intervenir sur les gènes humains

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Les scientifiques ont franchi une étape dans l’édition du gène humain grâce aux « ciseaux moléculaires » CRISPR. Une commission fédérale américaine vient en effet de donner son autorisation pour une intervention menée par l’université de Pennsylvanie.
 
Dans cette expérimentation, les chercheurs souhaitent utiliser le CRISPR-Cas9 pour modifier génétiquement des cellules T. Ce sont des globules blancs qui jouent un rôle important dans notre système immunitaire. Elles sont particulièrement efficaces pour lutter contre les cellules cancéreuses chez les patients atteints d’un mélanome, de myélome multiple, et d’un sarcome.
 
« Nos données préliminaires suggèrent que nous pourrions améliorer l’efficacité de ces cellules T si nous utilisons CRISPR » a déclaré Carl Juin, le chercheur responsable de cette expérimentation à la commission fédéral e de santé chargée de donner son avis.
L’expérience doit durer deux ans et porter sur 18 patients. Les scientifiques vont extraire les cellules T des patients puis les traiter génétiquement avec CRISPR. Cet outil moléculaire leur permettra de couper efficacement puis de copier et coller certains fragments d’ADN afin de les réinjecter dans les patients. L’objectif de cette intervention est de permettre à celles cellules T modifiées de mieux cibler et détruire les cellules tumorales.

LIRE DANS UP : CRISPR : Révolution dans l’histoire humaine ou méga bombe à retardement ?

Nouvelles thérapies

Cités par le Washington Post, les scientifiques affirment à la Commission que leur objectif est de « développer un nouveau type d’immunothérapie en utilisant la technologie génique d’édition qui permettent aux cellules immunitaires modifiées d’être plus puissantes, de survivre plus longtemps, et ainsi de tuer plus efficacement les cellules cancéreuses ».
 
La commission fédérale NIH qui intervient sur les questions d’éthique et de biosécurité a donné son aval à cette expérimentation à l’unanimité moins une abstention. L’expérimentation peut donc se mettre en route ; elle sera financée par l’Institut Parker pour le cancer et l’immunothérapie, un organisme fondé il y a juste quelques mois par le milliardaire d’Internet Sean Parker, qui a notamment cofondé Napster.
 
L’un des membres de la commission, Michael Atkins, oncologue réputé de l’université de Georgetown s’enthousiasme auprès de la revue Science pour cette recherche dont il espère qu’elle « constituera la base de nouveaux types de thérapie ». Les chercheurs à l’origine de cette expérimentation sont eux plus modestes. Ils rappellent qu’il s’agit d’un traitement expérimental dont le résultat n’est pas garanti. Ils sont en effet échaudés par des expérimentations antérieures où les cellules T réinjectées dans le corps d’un patient se sont épuisées très rapidement et ont cessé de fonctionner.

Questions éthiques

Au-delà de cette expérimentation proprement dite, le feu vert américain à l’utilisation du CRSPR sur les humains pose un grave problème éthique. On peut y voir l’ouverture d’une boîte de Pandore conduisant à des manipulations génétiques injustifiées comme par exemple obtenir des enfants sur mesure.
« La modification génétique des enfants a été jusqu’à présent du registre de la science-fiction » déclarait le généticien Pete Shanks, lors du sommet international sur l’édition génique qui s’est tenu à Washington en décembre 2015. Il ajoute : « Mais maintenant, avec la nouvelle technologie [CRISPR], le fantasme pourrait devenir réalité. Une fois que le processus commence, il n’y aura pas de retour. C’est une ligne que nous ne devons pas franchir ». Une ligne que n’avaient pas hésité à franchir des chercheurs chinois en intervenant en 2015 sur des embryons humains atteints d’une maladie monogénique : la bêta-thalassémie
 
D’autres observateurs estiment que la façon dont CRISPR sera utilisé dans l’expérimentation sur les cellules T par les chercheurs de l’université de Pennsylvanie s’apparente plus à de la thérapie génique classique et ne pose pas de problème éthique particulier. C’est ce que pense l’un des juristes les plus réputés en matière de sciences biologiques, le Professeur Henry T. Greely de l’université de Stanford, interrogé sur le sujet par Forbes.
 
Il est vrai que, fondamentalement, l’ingénierie génomique ne pose aucune question nouvelle par rapport la thérapie génique, qui consiste à introduire un gène « médicament » dans un organisme. Et pourtant : « CRISPR permet un véritable saut technologique, un changement d’échelle. Parce qu’il est simple et peu cher, il ouvre à tous des capacités encore inexplorées », précise Anne Cambon-Thomsen, qui analyse les enjeux sociétaux des biotechnologies appliquées à la santé citée par le Journal du CNRS. « CRISPR fait un peu caisse de résonance. Mais, en fin de compte, il n’existe pas de rupture quant aux possibilités d’applications thérapeutiques », ajoute Patrick Gaudray.
 
C’est en substance le point de vue le point de vue de la commission NIH qui a conduit à cette autorisation. L’un de ses membres, Carrie Wolinetz estime que CRISPR excite à juste titre la communauté scientifique car cet outil présente un potentiel formidable pour « réparer ou supprimer les mutations qui sont impliquées dans de nombreuses maladies humaines, en en moins de temps et avec un coût beaucoup plus faible que toutes les anciennes techniques d’édition de gènes ». Il n’en demeure pas moins ajoute-t-elle que « CRISPR, s’il a un grand potentiel pour améliorer la santé des humaine, pose néanmoins des problèmes. »
 
Les inquiétudes médiatiques et sociétales autour des CRISPR se cristallisent principalement sur la modification d’embryons humains et la transmission à la descendance, « car c’est irréversible », souligne Anne Cambon-Thomsen au Journal du CNRS. « Mais on n’a pas attendu CRISPR pour se poser ces questions », informe Patrick Gaudray. Et effet, en la matière, les règles sont claires depuis une vingtaine d’années. En 1997, la France signe, avec 28 autres pays, la convention d’Oviedo, ratifiée en 2011. Celle-ci interdit, entre autres, de pratiquer des modifications génétiques transmissibles à la descendance. Actuellement, en France, les thérapies géniques, tout comme les CRISPR, ne peuvent être utilisées que pour une application thérapeutique sur les cellules somatiques, du foie ou des muscles par exemple.

LIRE DANS UP : CRISPR: entre peur et euphorie, la bataille de l’éthique bat son plein

Le génome est-il sacré ?

CRISPR, depuis son apparition il y a deux ans et son utilisation fulgurante dans des milliers de labos dans le monde ne cesse de poser question. Deux camps semblent en ordre de bataille, prêts à s’affronter. Ceux qui pensent que le génome est un patrimoine commun, fruit de siècles d’évolution humaine. À ce titre, il ne saurait être corrompu par des outils biotechnologiques dont on ne mesure pas encore suffisamment la portée.
L’autre camp est celui des partisans de l’homme augmenté qui ne s’offusquent pas de pouvoir donner quelques coups de pouces à la nature afin de l’améliorer. C’est l’approche transhumaniste qui ne manque pas de susciter des inquiétudes sur les dérives qu’elle peut être amenée à emprunter. Le mot d’eugénisme revient alors spontanément, et avec lui tous les risques d’instaurer une inégalité fondamentale entre les humains.
 
Le feu vert de la commission devra maintenant être confirmé par d’autres organismes, et en premier lieu la Food and Drug Administration (FDA) avant que le protocole médical ne se mettre concrètement en route.
 
 
Image d’en-tête : Samantha Lee/Business Insider
 

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