La lagune de Venise, vaste de 550 kilomètres carrés est fragile et menacée. Comme toutes les lagunes, son milieu se transforme sans cesse, agité des mouvements naturels des marées et de l’érosion mais aussi et surtout des interventions humaines. Et le changement climatique n’arrange pas les choses. Or si la lagune est menacée, c’est Venise, un des joyaux du patrimoine de l’humanité qui est en danger. C’est pourquoi le projet européen SubCULTron attire notre attention. Par ses objectifs mais aussi et surtout par sa nature. En effet, le projet consiste à immerger dans la lagune un véritable écosystème de 120 robots et drones capables, de façon autonome et concertée de surveiller ce précieux bras de mer.
Frédéric Boyer, professeur de robotique à l’Ecole des Mines de Nantes et chercheur à l’Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes donne le ton de ce projet au magazine Industrie & Technologie : « C’est un projet crazy ! ».
Et en effet, ce projet européen, piloté par l’Université de Graz (Autriche) et qui regroupe des chercheurs d’Italie, de France, de Belgique, d’Allemagne et de Croatie consiste à déployer un banc de robots sous-marins autonomes, formant non seulement une flottille mais un véritable écosystème cybernétique.
Le banc de robots est formé de trois populations différentes de drones. Les aMussels (moules artificielles) seront enfouies dans le sable pour collecter une batterie de données et établir une sorte de réseau sensoriel. Les moules artificielles pourront également se déplacer par groupe grâce, entre autres, aux courants d’eau et aux turbulences. Situés à la surface de l’eau, les aPads (nénuphars artificiels) visent à apporter l’énergie nécessaire à l’écosystème. Enfin, les aFishs (poissons artificiels) circuleront entre les deux premières populations pour apporter de l’énergie aux moules artificielles et devront récolter des informations bien précises.
Le premier, l’artificialMussel s’inspire directement de la moule qui va s’accrocher sur un rocher sur le fond de la lagune. Une fois accrochée au rocher ou au fond sableux, la moule-robot ouvre sa coquille afin d’exposer ses capteurs au courant marin. Autonome, cette moule se servira des courants marins pour générer sa propre énergie. Les artificialFish Inspirés du poisson, vont fureter sur différentes zones et à différentes profondeurs pour réaliser leurs mesures. Enfin, l’artificialPad, flottera à la surface afin de relayer les données collectées par les autres robots. Cet engin disposera de panneaux solaires pour s’alimenter en énergie.
Pour communiquer entre eux, ces drones emprunteront les comportements des organismes vivants sociaux et plus particulièrement du fonctionnement des essaims d’insectes ou des bancs de poissons. Il n’y a pas de point central, mais une « intelligence » collective qui régit le comportement de l’essaim Les concepteurs du projet ont en effet développé des algorithmes biomimétiques afin de permettre aux trois populations de communiquer entre elles de façon autonome. Pas d’opérateurs munis de joysticks pour manœuvrer ces drones ; ils se débrouillent tout seul. Frédéric Boyer explique, toujours cité par I&T : « Les interactions entre les trois populations vont faire émerger de nouveaux comportements, voire une sorte de culture animale. L’objectif est de faire évoluer cet écosystème sur une longue durée pour que les drones puissent récupérer des données variées sur la qualité de l’eau à différents endroits de la lagune ».
Inspirée de la nature et des comportements des organismes vivants, cette flottille de drones biomimétiques s’avère robuste et flexible. Elle s’adapte automatiquement aux conditions de son environnement et sait fonctionner même si quelques membres du banc font défection. De plus, cet écosystème artificiel est peu onéreux, ce qui par les temps qui courent est bienvenu. Le budget total du projet est en effet de 4 M€ pour une campagne de quatre ans qui débutera en 2016.
Source: « European scientists build up a society of autonomous underwater robots for environmental monitoring of the Venice Lagoon », Communiqué de presse, subCULTron, octobre 2015
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