Voilà maintenant plusieurs années que la recherche vocale a pénétré le quotidien des utilisateurs d’internet sans pour autant le bouleverser. Mais 2018 sonne-t-il le début de cette révolution ? Est-on à l’aube de la prochaine grande transition de la recherche sur internet comme le fut le glissement des ordinateurs (desktop) vers les smartphones ? C’est ce que semblent penser les grandes puissances du numérique, les GAFA, qui se livrent une “lutte sans merci” pour conquérir ce marché.
Ce marché encore effervescent est d’abord une histoire de maîtrise technologique qui n’a pas toujours été au rendez-vous. Il suffit de se rappeler des performances des outils de reconnaissance vocale, dix ans auparavant, pour être saisi par l’efficacité des technologies actuelles de retranscription de la voix disponibles au grand public. Cette rupture technologique majeure a ouvert la voie (ou la voix) à la recherche vocale qui s’est peu à peu imposée comme étant le moyen de saisie alternatif le plus commode au sein des outils de recherche prédictive comme Google Now, Siri ou encore Cortana de Microsoft.
Sur ce marché, l’avantage revient à Google. L’historique de recherches, les emails au sein de Gmail et la position GPS collectée par le téléphone à intervalles réguliers sont autant d’éléments qui lui permettent d’apporter un grand nombre d’informations à la connaissance de l’utilisateur, sans même que celui-ci n’ait à formuler de requête.
Aujourd’hui, les chemins des GAFA se sont croisés : Google a d’abord commencé par la recherche prédictive pour aller vers l’assistant alors qu’Apple a pris le chemin inverse avec Siri. Ils se retrouvent désormais sur un terrain de jeu qu’ils vont devoir partager avec un acteur a priori inattendu sur ce marché : Amazon.
Amazon a été le premier à dégainer avec son enceinte intelligente “Amazon Echo”. Le principe est simple : il s’agit d’une enceinte qui va écouter en permanence ce qu’il s’y passe. Dès que l’utilisateur utilise un mot-clé déclencheur (trigger keyword), “Alexa” pour les produits Amazon, l’enceinte passe en mode d’écoute active pour délivrer des réponses à l’utilisateur. Les fonctionnalités de base incluent des commandes de produits Amazon, des fonctionnalités que nous pourrions qualifier d’encyclopédiques (Informations sur des personnalités, Géographie, etc.), des fonctionnalités de productivité (liste de tâche, minuteur, etc.) et le pilotage de service tiers (domotique, services de streaming musical, etc.).
Si Amazon est arrivé le premier sur ce marché, Google a rapidement suivi avec un concept très similaire, matérialisé par son enceinte Google Home. Les principales différences portent sur la manière d’interpeller son assistant, “OK Google”, ainsi que dans la nature et le spectre des réponses formulées, assez larges du fait de son statut d’acteur historique de la recherche.
Enfin, Apple a choisi un chemin parallèle pour son HomePod en empruntant un axe marketing centré sur la musique et le son à un prix 3 fois supérieur à ses concurrents. Bien que son enceinte soit fonctionnellement en tous points similaire aux autres modèles, ce positionnement est perçu par certains analystes comme une volonté assumée de s’éloigner du concept d’enceinte intelligente pour lequel Siri ne serait pas assez musclé face à la concurrence. En effet, là où Google et Amazon font une exploitation assez assumée et massive des données de leurs utilisateurs, Apple a choisi de privilégier le respect de la vie privée de ses utilisateurs. Siri ne joue donc pas à armes égales avec ses concurrents.
L’augmentation de l’offre en matière d’assistants vocaux associée à la banalisation à venir des usages doit amener les professionnels du digital à se poser les bonnes questions. Si certaines fonctionnalités sont à considérer comme “natives” et ne revêtent aucune opportunité particulière, d’autres peuvent s’avérer dignes d’intérêt, voire stratégiques.
Tout d’abord, les fonctionnalités natives (rappels, minuteur, réveil, etc.) sont autant d’éléments totalement sous le contrôle des assistants et sans intérêt particulier, à première vue, pour le professionnel du marketing. Ces fonctionnalités permettent, toutefois, aux GAFA d’observer les us et coutumes de leurs utilisateurs.
Ensuite, l’interaction avec un produit ou un service. Les assistants vocaux proposent des outils de développement (API, SDK, etc.) qui permettent aux professionnels du digital d’implémenter des fonctionnalités de commande vocale. Apple, Google et Amazon ont chacun leur programme de labellisation et les pictogrammes “Works with Google Assistant” ou “Works with Homekit” sont de plus en plus fréquents sur les emballages de produits high-tech. Les exemples les plus parlants sont peut-être ceux liés à la domotique. Des systèmes comme les ampoules Philips Hue ou le Thermosat Netatmo, tous deux compatibles Google Home & Siri, permettent de contrôler oralement la température et la luminosité de la pièce. Ces usages qui paraissent très novateurs aujourd’hui ont vocation à se banaliser : il convient donc de réfléchir à l’usage de son produit (ou service) par la voix dès à présent. Des services comme Uber, Deezer ont déjà commencé à investir ce créneau.
Enfin, les recherches. Eh oui ! Les assistants vocaux permettent aussi d’effectuer des recherches. Cela est particulièrement vrai pour Google Home qui recherche directement sur son moteur. Si les opportunités sont limitées pour le moment du fait de l’absence d’écran, il ne faut pas négliger ce que la recherche vocale représente. En effet, rien ne dit que la Google Home de demain n’en sera pas équipée (en version holographique ?). De plus, n’oublions que la recherche vocale est déjà disponible, depuis longtemps, sur smartphone. Ces implémentations représentent dans leur forme actuelle un vivier de millions de recherches mensuelles qui augmenteront avec le temps. Bien que Google ne communique pas officiellement sur le sujet, Gartner estime que 30% des recherches seront vocales à compter de 2020. Il convient donc de l’envisager comme une véritable opportunité SEO. De plus, il a été constaté que les requêtes vocales sont plus longues que celles tapées sur un clavier. Une requête “isolation maison” aura de fortes chances de se transformer en “comment isoler ma maison” une fois dictée à un assistant vocal. Il est donc possible de travailler dès à présent des contenus davantage orientés “problématique” que “mot-clé” pour une meilleure performance sur les requêtes vocales.
Il faut considérer que la voix est un mode de saisie qui s’est bien amélioré avec le temps. Contrairement aux enceintes intelligentes qui devront trouver leur place et démontrer leur utilité au grand public, les fonctions d’assistants intelligents (Siri, Google Assistant, etc.) sont déjà embarquées nativement sur des milliards de terminaux en circulation et se banalisent dans le quotidien de chacun. Dans de nombreuses situations, la voix est plus rapide et pratique. Il est donc important de saisir les opportunités offertes par ces nouveaux usages. Dans un premier temps, il faudra identifier les applications potentielles pour l’usage de son produit ou service en ayant la recherche vocale en tête lors de l’optimisation SEO de ses contenus. Un programme palpitant pour les entreprises prêtes à révolutionner leur modèle !
Caroline Faillet, Netnologue – co-fondateur du Cabinet Bolero (1)
(1) « Netnologue » et co-fondateur du Cabinet Bolero, Caroline Faillet partage régulièrement son expérience et participe au débat sur les enjeux de la transformation digitale. Elle est l’auteur en 2016 de l’Art de la Guerre Digitale (Dunod) – Prix 2017 de l’Académie des Sciences Commerciales.
Pionnier de l’analyse des conversations des internautes et de la collecte de données comportementales, Bolero s’appuie sur une méthodologie innovante permettant de comprendre l’influence du numérique sur les publics et d’aider les entreprises à défendre leur image et leur business dans ce nouvel environnement.
Bolero intervient sur les thématiques suivantes : stratégie de présence digitale, e-réputation et influence, transformation digitale, performance digitale et data-driven marketing, nouveaux business et digitalisation de l’expérience client. Bolero est également agréé organisme de formation et sa méthodologie est enseignée dans des programmes professionnels prestigieux tels que HEC (Executive Education) ou l’Ecole Militaire (IHEDN), dédiés aux cadres dirigeants.
S’abonner
Connexion
0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents
Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments