À l’heure de la deuxième vague épidémique et de ses impacts en matière d’agriculture et d’alimentation, 5 organisations dont le réseau CIVAM, Terre de Liens et la Confédération paysanne, lancent une campagne pour mettre en lumière le travail des paysan.ne.s qui, au quotidien, nourrissent et tissent les liens avec la population.
La campagne Portraits de paysan.ne.s (#PourNosPaysans) présente des paysans en action, invite à la mobilisation citoyenne sur les réseaux sociaux et demande aux parlementaires d’adopter des mesures de soutien à l’occasion des discussions du plan de relance (en particulier le 26 novembre et le 1er décembre au Sénat).
Des agriculteurs·rices en première ligne face à la crise
Tous les chiffres le montrent, à côté de la crise du COVID, nous vivons une crise structurelle majeure de notre agriculture. Nos fermes disparaissent par centaines chaque semaine, 1/4 des paysans vivent sous le seuil de pauvreté et 5 millions de français sont demandeurs de l’aide alimentaire, et d’ici la fin de l’année, ils seront 8 millions.
« Cette crise m’incite encore plus qu’avant à coopérer avec d’autres fermes pour organiser sur le territoire la commercialisation de nos productions en circuits courts. » lit-on dans le portrait de Nicolas Verzotti, maraîcher dans le Vaucluse.
Partout en France, lors du premier confinement, un fort engouement vers les magasins de producteurs et les circuits de proximité avait été observé. Cet attrait croissant vers l’agriculture biologique et les circuits courts touche aujourd’hui 25% des producteurs et productrices dans certaines régions, comme la Bretagne. Malgré les difficultés liées à la deuxième vague de crise Covid-19, ces agriculteurs·rices maintiennent des pratiques plus respectueuses de l’environnement et s’adaptent sur le terrain.
« On est paysans, on n’a pas une activité où on s’arrête quand on connaît un revers. On a déjà vécu des périodes de crises climatiques et ça sert de leçon : on est capables d’être forts ensembles. C’est ça, la résilience des agriculteurs ! » partage Jérémie Vandermosten, maraîcher dans l’Aude.
Le rôle stratégique des collectivités
Dans ce contexte, les collectivités territoriales jouent un rôle important dans certaines régions (Occitanie, Centre Val de Loire, Bretagne…), elles ont servi “d’amortisseur” et mis en place par exemple des plateformes alimentaires qui mettent en relation producteurs·rices, artisan·e·s et consommateurs·rices. Dans d’autres régions des « remontées de terrain montrent que l’existence d’un Projet Alimentaire Territorial permet à certains territoires d’être particulièrement « réactifs » selon le chercheur Gilles Maréchal dans son étude Manger au temps du Coronavirus.
« Les collectivités doivent prendre en compte les externalités négatives de l’agriculture industrielle et soutenir les circuits courts, l’emploi non délocalisable et la sensibilisation de la population à une autre alimentation responsable », complète Jean-Sébastien Piel, producteur de porcs bio en Ille-et-Vilaine.
Les 5 organisations proposent donc de généraliser ces Projets Alimentaires Territoriaux à l’ensemble du territoire national, et de pérenniser ces dispositifs en leur assurant des moyens d’animation suffisants. Elles plaident, par ailleurs, pour la mise en place d’une gouvernance locale partagée, impliquant différents acteurs de la chaîne alimentaire (paysan.nes, citoyen.nes, associations, élus…), garante de la fixation des enjeux et du suivi du processus.
« La crise donne raison aux modèles d’agriculture paysanne. Les productions agricoles sont un bien de première nécessité, c’est l’occasion d’intégrer la production alimentaire comme un service public, et de convaincre les décisionnaires d’en favoriser la relocalisation. » souligne Solange Follet, maraîchère dans le Vaucluse.
Des alternatives pour prévenir les prochaines crises et encourager une agriculture durable accessible
Ces pratiques d’agriculture durable, centrées autour de la résilience, l’autonomie, la solidarité, la souveraineté alimentaire, constituent l’une des solutions pour lutter contre l’industrialisation de l’agriculture ou la déforestation (due à notre dépendance aux protéines végétales importées) et ainsi prévenir des prochaines crises. Notre modèle agricole et alimentaire actuel est en partie responsable de la hausse des épidémies.
« Les moyens vont désormais se concentrer sur le post-Covid alors que d’autres sujets sont tout aussi préoccupants. 2020 sera ainsi la cinquième année consécutive durant laquelle nous devons faire face à des accidents climatiques majeurs sur nos fermes » constate Quentin Delachapelle, producteur de céréales dans la Marne.
Dès lors, le plan de relance et les discussions autour du projet de loi de finances 2021 au Sénat constituent une occasion pour les parlementaires de prendre les mesures adéquates. Parmi elles : le besoin d’investir davantage dans les filières d’agriculture biologique et de qualité, des cantines durables, dans l’autonomie nationale en matière de protéines végétales. C’est aussi et surtout l’occasion de montrer leur soutien aux paysan.ne.s et leurs réseaux d’accompagnement qui encouragent des pratiques agricoles et alimentaires durables et accessibles à tou·te·s.
Cécile Dubart, paysanne boulangère en Saône-et-Loire , conclut : « Il est important pour moi que la ferme ne serve pas qu’à la production alimentaire mais qu’elle soit un lieu de partage, de résistance et de diffusion culturelle. L’humain passe avant tout et c’est par le lien social que nous pourrons empêcher de prochaines crises.«
Voir les portraits de paysan.ne.s /Les portraits sont diffusés à partir du 26 novembre, jusqu’à fin décembre.