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Forts de 6500 milliards de $, les investisseurs pressent les géants de la malbouffe de respecter la planète

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Ils sont quatre-vingts. 80 fonds d’investissements représentant la bagatelle de 6 500 milliards de dollars. Ce sont les investisseurs de KFC, McDonald’s ou Burger King. Ils menacent, dans une lettre ouverte publiée le 29 janvier, de tirer le tapis si les géants de la malbouffe ne revoient pas fondamentalement leur copie en matière d’émissions de gaz à effet de serre et d’utilisation de l’eau. Cela veut dire, réformer complètement les pratiques d’élevage et les chaînes d’approvisionnement. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, les financiers craignent l’impact dévastateur sur leurs comptes des risques réglementaires, climatiques et de réputation.
 
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’élevage est l’une des principales causes de déforestation et de pollution de l’eau, responsable de 14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre – méthane, protoxyde d’azote et dioxyde de carbone. Si la demande mondiale de viande bovine augmente de 95 % d’ici 2050, comme prévu, répondre à cet appétit croissant aurait des conséquences très lourdes sur la planète.
« Le bétail, notamment avec ses émissions de méthane, – un gaz contribuant 80 fois plus que le CO2 au réchauffement de la planète –, joue un rôle démesuré dans la dévastation causée par les tempêtes, les inondations, les sécheresses et les feux de forêt que nous voyons déjà », a déclaré Ian Monroe, directeur des investissements chez Etho Capital et chargé de cours en systèmes terrestres à Stanford University.
« Les impacts environnementaux de la viande et des produits laitiers du secteur ont atteint des niveaux insoutenables », ajoute Jeremy Coller, directeur des investissements chez Coller Capital. « Si les vaches étaient un pays, ce serait le troisième émetteur de gaz à effet de serre au monde. »
 
D’autant que le bétail n’émet pas seulement des gaz à effet de serre, il est aussi un énorme consommateur d’eau. On estime à 10% de la consommation mondiale d’eau la part destinée aux animaux d’élevage. Pour fixer les idées, il faut savoir qu’un bœuf a besoin de 15.000 litres d’eau par kilo tout au long de sa vie, un porc 5.000 et une volaille 3.500. Alors que les besoins en eau potable vont continuer à augmenter dans le futur avec l’accroissement de la population mondiale, ces chiffres sont alarmants.
 
Dans le monde entier, l’élevage utilise 83% des terres agricoles alors qu’il ne fournit que 18% de l’apport calorique, les consommateurs européens consommant environ cinq fois la quantité recommandée de viande rouge, de volaille et de produits laitiers. Tous les spécialistes avertissent que la demande devrait dépasser ce qui peut être satisfait à l’intérieur des « frontières planétaires » et que l’intensification de l’élevage n’est pas durable.

LIRE DANS UP’ : Si vous voulez vraiment sauver la planète, son climat et sa biodiversité, mangez moins de viande.

Les financiers haussent le ton

Devant ce tableau dont tous les clignotants sont au rouge, plus de 80 investisseurs, représentant une puissance financière de 6 500 milliards de dollars ont décidé ce 29 janvier de hausser le ton. Ils ont donc pris la plume et rédigé une lettre ouverte adressée aux plus grands propriétaires de chaînes de restauration rapide comme KFC, McDonald’s ou Burger King, qui représentent plus de 120 000 restaurants dans le monde.
 
D’emblée, les investisseurs de ces chaînes de restauration rapide leur reprochent de poursuivre une course folle à la croissance sans jamais tenir compte de leur impact environnemental. La lettre les somme donc de mettre en place très rapidement des réformes et d’adopter des politiques et des objectifs significatifs pour réduire les risques environnementaux dans leurs chaînes d’approvisionnement en viande et en produits laitiers.
« Si nous voulons répondre aux ambitions climatiques mondiales fixées par l’accord de Paris et assurer la disponibilité et la gestion durable des ressources mondiales en eau, les grandes marques mondiales doivent prendre des mesures concrètes pour gérer les émissions de la chaîne d’approvisionnement et les impacts sur l’eau », a déclaré Heike Cosse, de Aegon Asset Management.
 
Mindy Lubber, présidente de l’organisation de développement durable Ceres, ajoute : « Les géants de la restauration rapide livrent des repas rapides, mais ils ont été très lents à corriger leurs empreintes environnementales hors normes. Les investisseurs sont impatients de voir ces entreprises faire preuve de plus de leadership afin de réduire les risques croissants liés au climat et à l’eau du fait de l’activité de leurs fournisseurs de viande et de produits laitiers. De l’élimination de la déforestation à la réduction du gaspillage de l’eau, les transformations de leurs chaînes d’approvisionnement auront d’énormes impacts sur l’ensemble du secteur de l’agriculture animale et augmenteront considérablement notre capacité à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique. » En clair, les investisseurs demandent aux chaînes de restauration rapide d’utiliser le poids commercial qu’ils ont sur leurs fournisseurs en viande et en lait pour leur faire changer de méthodes. Sinon …
 
La lettre invite donc les entreprises de restauration rapide à :
1/Adopter une politique à l’égard de leurs fournisseurs qui porte des exigences claires pour que les fournisseurs de produits à base de protéines animales déclarent et réduisent les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les impacts sur l’eau douce.
2/Publier des objectifs quantitatifs assortis de délais pour réduire les émissions de GES et les impacts sur l’eau douce de leurs propres chaînes d’approvisionnement en viande et en produits laitiers.
3/S’engager à rendre publics chaque année les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs.
 
Les investisseurs font ainsi pression sur les géants du fast food pour que ceux-ci fassent à leur tour pression sur tout le secteur industriel de l’élevage. Il faut sans doute s’en réjouir. Mais il ne faut pas être dupes. S’ils se montrent si ardents dans la défense de l’environnement et le respect de la planète c’est parce qu’ils ont compris que les temps ont changé et que leurs avoirs risquaient d’être gravement dévalorisés. Les temps des Big Food, Fast Food et autres empoisonneurs de la planète et de leurs habitants sont, s’ils ne changent pas, en passe d’être comptés.   
 
Alice Evans, co-chef de l’investissement responsable à BMO Gestion mondiale d’actifs, avoue ainsi : « Les investisseurs clairvoyants ne peuvent ignorer les vents contraires auxquels le secteur de la viande et du lait est confronté. L’augmentation de la réglementation environnementale, la demande croissante des consommateurs pour des aliments d’origine végétale et les craintes de pollution de l’eau par les fermes intensives sont autant d’ingrédients qui constituent une menace croissante pour la valeur à long terme des multinationales de la restauration rapide. »
 
Voilà qui est dit. Les géants de la malbouffe sont désormais sous surveillance de leurs bailleurs de fonds. Il sera intéressant de vérifier si le contenu comminatoire de la lettre des investisseurs sera vraiment suivi d’effets. Pour l’instant les grandes chaînes n’ont pas encore fait de commentaires.  
 
 
 
Source : FAIRR
 

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