L’année 2029 démarre sur les chapeaux de roues et c’est l’occasion des traditionnels bilans. L’an dernier, Apple a fêté les 20 ans de l’iPhone (qui n’a plus grand-chose à voir avec celui que les plus âgés d’entre nous ont connu), les restaurants entomovores ont fleuri dans les rues de Paris et la ligne Hyperloop Bruxelles-Toulouse est entrée en phase de test. Mais en ce début d’année, j’ai envie de prendre la plume pour évoquer un phénomène de plus en plus important dans les entreprises aujourd’hui et qui a largement explosé en 2028, de la PME au grand groupe : la plupart des CEO commencent à changer leur titre en CPO. CPO ? Pour Chief Purpose Officer.
Tribune libre
Il y a 10 ans, en septembre 2018, j’écrivais sur un sujet intitulé « Arrêtez de faire de la responsabilité un sujet périphérique », et je n’osais espérer qu’il soit, par certains aspects, si prophétique. Ensemble, je vous propose de retracer le parcours du sens, de la responsabilité et de l’éthique, qui sont devenus centraux dans les organisations alors qu’en 2018, ils étaient périphériques et cantonnés à une direction de la communication interne ou de la RSE, avec peu d’impact réel.
Avant d’entrer dans le détail de comment c’est arrivé, je vous propose une analogie qui nous ramène encore plus loin en arrière. Il y a 20-25 ans, dans les années 2000, le numérique était la chasse gardée de deux départements : l’IT et le Marketing. Aujourd’hui, vous regarderiez avec des grands yeux n’importe qui dans l’entreprise qui vous dirait que le numérique ne le concerne pas. C’est la même chose qui s’est produite pour la responsabilité ces dernières années. Ceci pour 3 grandes raisons.
La première raison est économique : c’est la place grandissante de la notion de transparence dans notre société et la difficulté pour les entreprises à masquer des agissements à la limite de la légalité et de l’éthique. L’application « IzeatGood ? » a été téléchargée 49 millions de fois en France depuis son lancement fin 2019. J’imagine que vous non plus, vous ne vous imaginez plus faire vos courses sans cette appli qui évalue chaque produit en fonction des pratiques de l’entreprise qui le vend. Vous avez sans doute entendu parler de leur projet de développement – en partenariat avec le Gouvernement – d’une appli qui permettra aux citoyens de voter pour les entreprises qu’ils jugent les plus éthiques ? Savez-vous que celles qui auront la moins bonne note recevront une amende ?
Juste avant 2020, on a commencé à comprendre que l’argent étant le nerf de la guerre, si l’on voulait que les choses changent, il fallait donner le pouvoir au consommateur-citoyen. Ce n’était pas idiot car c’est comme ça que les entreprises ont commencé à mettre au cœur de leur mission l’impact social et environnemental de leurs chaînes d’approvisionnement, de production et de distribution pour en faire des espaces vertueux, dans le respect de toutes les parties prenantes…et de la planète.
La deuxième raison est politique : l’État a décidé de s’allier aux acteurs économiques dans des sujets comme la lutte contre les inégalités sociales ou l’écologie, parce qu’il ne peut pas régler seul tous les problèmes. La loi IMPACT, effective depuis le 1er janvier 2027 illustre clairement cela. Pour rappel, elle dit, en substance, qu’une partie des impôts collectés est désormais redistribuée aux entreprises qui engagent des actions et obtiennent des résultats concrets sur les enjeux définis par le cadre légal.
Les premières retombées sont tout à fait positives, avec des groupes du CAC 40 qui se sont associés aux Banques alimentaires et mettent à disposition leurs chaînes logistiques, par exemple. La Présidente de la Commission européenne a d’ailleurs annoncé qu’elle allait engager une procédure pour généraliser l’exemple français à l’ensemble des Etats de l’Union Européenne.
Le CEO devient donc CPO pour une raison économique, c’est logique, pour une raison politique, puisque c’est le sens de l’histoire, mais la troisième et la plus importante raison, elle est humaine : c’est vous et moi, et tous les autres salariés français. Il y a eu ce moment, juste avant 2020 également, où on en a eu marre de n’être entendus ni par les pouvoirs publics, ni par les entreprises. Alors on a voté avec nos CV. Souvenez-vous du manifeste signé à l’époque par 20 000 étudiants de grandes écoles qui se sont engagés à ne plus travailler pour des entreprises polluantes.
Sincèrement, dans un contexte où les entreprises qui font des efforts réels de transformation de leur activité sont de plus en plus nombreuses – et ce sont celles-ci qui performent mieux, – qui aurait envie de travailler pour un groupe qui affiche clairement le fait qu’il se moque des sujets sociaux et environnementaux ? La preuve, c’est que comme vous le savez, un grand groupe agro-alimentaire vient de mettre la clef sous la porte alors qu’il faisait des dizaines de milliards d’euros de chiffre d’affaires à la fin des années 2010, parce que les meilleurs salariés sont partis suite à l’acquisition d’une autre entreprise qui était controversée à cause de ses produits particulièrement néfastes à l’environnement.
Globalement, pour attirer les meilleurs talents aujourd’hui, il faut leur donner un territoire pour exprimer leur besoin de sens et d’engagement. Chez Fabernovel, nous avons depuis trois ans mis en place un calcul précis du temps économisé grâce à l’intelligence artificielle et à la RPA (Robotic Process Automation) et ce temps est transformé en crédits de mécénat de compétences au service d’entrepreneurs sociaux et d’associations de leur choix et qui changent le monde à leur échelle !
Alors voilà où l’on en est. Avant, on opposait systématiquement l’idée de rentabilité et celle de responsabilité. En gros, une entreprise qui faisait du blé, c’était une entreprise qui exploitait à un moment ou à un autre de la chaîne quelqu’un ou quelque chose.
Finalement, contre toute attente, les grands groupes ont commencé à prendre la mesure des enjeux planétaires sur le long terme parce qu’ils ont compris que le capital pouvait être lié à un impact social positif. Aujourd’hui, nous sommes en 2029 et tout a changé : si je fais de l’argent, c’est que je fais du bien !
Retour en 2019 : aujourd’hui, il y a une petite quarantaine de personnes, sur LinkedIn, qui ont pour titre “Chief Purpose Officer”. Une petite poignée d’entre eux sont les dirigeants ou fondateurs de leur entreprise ou de leur filiale.
Avec cet article, je fais le pari que ce phénomène devrait largement se développer dans les prochaines années (sous ce nom de CPO, ou un autre) et que les entreprises qui auront du succès dans les années 2020 seront celles qui ont embrassé sérieusement ce sujet, de manière intégrée et stratégique. On se dit rendez-vous dans 10 ans ? Même jour, même heure…
Arthur Massonneau, Senior Change Maker, Fabernovel
Arthur Massonneau accompagne des entreprises dans leur transformation culturelle et numérique et anime un écosystème de partenaires (startups, experts, chercheurs…). Passionné d’innovation, il s’attache à explorer l’influence des nouvelles technologies et des nouveaux modes de consommation sur notre société, et chercher les meilleurs moyens de construire un futur équitable.
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