Sa mise à l’eau s’est faite en 2017 à Saint-Malo. Destination : le Nord de l’Europe. Aujourd’hui, Energy Observer se lance le défi de devenir le premier navire au monde à rejoindre l’Arctique grâce aux énergies renouvelables et à l’hydrogène. Un challenge technologique et citoyen, un message universel adressé aux décideurs à l’heure où l’Accord de Paris sur le climat est plus que jamais fragilisé. Rappelons que Victorien Erussard, Jérôme Delafosse et l’équipage d’Energy Observer ont mis au point le premier navire autonome, capable de puiser son énergie dans la nature sans l’abîmer.
Energy Observer est le premier navire hydrogène autour du monde visant l’autonomie énergétique. Sans émission de gaz à effet de serre ni particules fines, ce navire du futur à propulsion électrique fonctionne grâce à un mix d’énergies renouvelables et un système de production d’hydrogène décarbonée à partir de l’eau de mer. Ce défi technologique et scientifique a pour ambition de tester en conditions extrêmes des technologies de pointe préfigurant les réseaux énergétiques de demain, applicables en milieu terrestre. Il est le premier navire hydrogène autour du monde visant l’autonomie énergétique.
L’Arctique, une première pour un bateau aux ENR et à l’hydrogène
Après deux années de navigation et d’optimisation, Energy Observer s’apprête à accomplir une navigation historique, la plus longue depuis son départ de Saint-Malo en 2017. Il va ainsi devenir le premier navire au monde à rejoindre le cercle polaire arctique uniquement propulsé aux énergies renouvelables et à l’hydrogène. 2400 milles à parcourir entre Saint-Pétersbourg et Longyearbyen au Spitzberg en longeant la côte ouest de la Norvège !
« Avec les briques technologiques en place et les nouvelles Oceanwings, le navire est aujourd’hui en capacité de se lancer dans une telle traversée. Les récentes navigations ont été une réussite. D’Helsinki à Tallinn, de Tallinn à St-Pétersbourg le navire est arrivé avec 100 % de batterie et d’hydrogène. Il a pu créer de l’énergie et la stocker tout en naviguant grâce à l’hydrogénération couplée au solaire. Il va falloir être fins stratèges et choisir les bonnes fenêtres météo pour remonter vers l’Arctique qui peut être redoutable. » explique Victorien Erussard, capitaine et fondateur.
Energy Observer en Finlande © Energy Observer – Antoine Drancey
Une nouvelle technologie à bord : des ailes de propulsion éolienne, une première mondiale
Le 18 avril 2019, Energy Observer s’est équipé d’une nouvelle brique technologique de propulsion éolienne : deux ailes Oceanwings, rotatives, autoportées et 100 % automatisées, qui vont permettre d’augmenter la vitesse du navire et de produire de l’hydrogène pendant les navigations, par électrolyse de l’eau de mer. Une technologie encore jamais testée à l’échelle d’un si grand bateau, et qui pourrait bien révolutionner le transport maritime.
Les ailes Oceanwings, les plus grandes testées à ce jour, sont le fruit d’un concept breveté par VPLP design co-développé en partenariat avec le Groupe CNIM. Energy Observer va ainsi permettre un retour d’expérience inédit pour le transport maritime du futur. Les ailes, d’une surface de 31,5 m² chacune, sont autoportées et rotatives à 360°.
VPLP Design puise son inspiration et son expérience des ailes rigides de l’America’s Cup dont l’efficacité aérodynamique est bien supérieure aux voiles traditionnelles. Une raison fondamentale a néanmoins limité leur développement : leur rigidité, justement. Il leur manquait jusqu’ici la capacité de réduction de surface, autrement dit l’arisage et l’affalage, comme sur un gréement classique. Une ambition de premier ordre pour proposer une solution simple de franchir cet obstacle et démocratiser l’utilisation des ailes rigides.
Grâce à l’Ademe, un prototype fonctionnel complet de 8 m d’envergure a permis de valider la faisabilité des ailes, de fiabiliser les systèmes et de boucler les relevés de navigation sur les modèles de prédiction de performance (VPP) développés en interne. C’est d’ailleurs en naviguant grâce à ce prototype avec Marc Van Peteghem, lors de l’Odyssée pour le Futur d’Energy Observer, que Victorien Erussard a été conquis par la technologie.
Elles seront, dans un premier temps, habillées d’Hydranet, un tissu résistant capable de recevoir une peinture ou un vernis. Les ingénieurs d’Energy Observer travaillent à la sélection des meilleures technologies de panneaux photovoltaïques souples pour les rendre solaires, donc capables de produire de l’énergie photo-électrique.
L’installation des Oceanwings à bord d’Energy Observer constitue une première étape pour réduire l’impact environnemental du transport maritime mondial. D’après des simulations réalisées sur un panel très large de bateaux, les résultats sont extrêmement prometteurs : de 18 à 42 % de dépenses énergétiques en moins. Un chiffre significatif lorsque l’on sait que 90 % du commerce mondial transite par la mer. Le transport maritime est aussi responsable d’une forte pollution de l’air en rejetant dans l’atmosphère des polluants tels que les particules fines, les oxydes d’azote (NOx) et de soufre (SOx).
« Au-delà de la technologie pure, que nous commençons tout juste à tester à bord, je crois profondément que ces ailes peuvent constituer une véritable rupture technologique dans la réduction des dépenses énergétiques des navires de commerce. Associées à l’hydrogène, c’est le combo gagnant pour un transport maritime propre », s’enthousiasme Victorien Erussard.
Une démarche qui s’inscrit dans une logique de rentabilité économique et de conception responsable. Si la propulsion éolienne permet une réduction à deux chiffres de la consommation de carburant, elle ne saurait nécessiter un personnel dédié ; l’automatisation du gréement est donc incontournable. L’industrialisation, pensée dès le design, permet de proposer un prix comparable à celui d’un gréement performance, amortissable rapidement pour les professionnels.
Victorien Erussard et Jérôme Delafosse – Départ de Saint-Pétersbourg © Energy Observer – Amélie Conty
(Dé)montrer pour mieux sensibiliser
Cette traversée, l’équipage d’Energy Observer souhaite la partager avec le plus grand nombre pour sensibiliser sur les conséquences de nos activités industrielles et humaines. Et ainsi démontrer qu’il existe des alternatives aux énergies fossiles grâce à la production d’énergies non émettrices de gaz à effet de serre, le tout sans impacter la biodiversité.
Pour Jérôme Delafosse, chef d’expédition et réalisateur, «Ce voyage marque un vrai tournant dans l’expédition : technologique d’une part, mais aussi humain et sur le message que nous souhaitons porter d’autre part. Nous avons choisi de rejoindre le Spitzberg car c’est le « Ground zéro », l’épicentre du changement climatique. Cet archipel cristallise à lui seul les enjeux majeurs de l’urgence climatique et montre l’impact humain sur les écosystèmes. Si nous parvenons à le rejoindre grâce aux énergies renouvelables en milieu extrême alors nous prouverons que l’homme peut se réconcilier avec la nature. C’est un des enjeux des décennies à venir. »
Le Spitzberg et les zones polaires vivent de plein fouet le réchauffement climatique depuis de nombreuses années. Ils sont une véritable boussole de l’état de notre climat. De nombreux scientifiques l’ont déjà identifié depuis longtemps et les Nations Unis l’ont rappelé récemment en mars 2019. Nous connaissons les conséquences de la hausse des températures avec notamment la fonte des glaces (montées des eaux, libération de gaz à effet de serre par le pergélisol, perturbation des courants océaniques, disparition de la faune et de la flore et bien sûr dégradation des conditions de vie des peuples vivant dans ces régions …).
La Norvège, 23ème pays de l’Odyssée pour le Futur
Energy Observer va montrer toute la beauté et la fragilité de cet écosystème arctique, en longeant les côtes de la Norvège, pays emblématique d’une prise de conscience de l’urgence climatique. Malgré une abondance de réserves en hydrocarbures, ce pays a résolument orienté sa politique énergétique vers les ENR et l’hydrogène tout en investissant massivement dans la protection de son environnement.
D’une beauté incomparable, le littoral norvégien va devenir le théâtre d’un vrai challenge pour l’équipe et le bateau, qui va démontrer encore sa capacité à affronter des conditions météorologiques extrêmes.
Une expédition « repérage » ?
En septembre 2018, un autre navire avait aussi fendu les mers de l’Arctique ; mais il s’agisait d’un tout autre type de bateau : le premier porte-conteneurs au monde, leVenta Maresk, empruntait la Northern Sea Route, le légendaire passage du Nord-Est qui va du bord de l’Alaska au sommet de la Scandinavie, le long du littoral sibérien désolé de la Russie. Un exploit qui était encore impossible il y a quelques années mais qui, aujourd’hui, est réalisable en raison du retrait rapide et profondément troublant de la glace de mer. Auparavant, il aurait fallu que le Venta emprunte le canal de Suez et rallonge son voyage d’une bonne dizaine de jours pour atteindre son même point de destination.
LIRE DANS UP : Les routes de l’Arctique s’ouvrent et c’est la géographie de la mondialisation qui change
D’après les derniers chiffres du Centre américain de données sur la neige et la glace (NSIDC), qui a publié son analyse de la situation en mai dans l’océan Arctique, la banquise Arctique a nettement reculé. Avec une température moyenne au-dessus de la normale, avec un écart atteignant parfois 7°C, la superficie de banquise atteint le second niveau le plus faible pour un mois de mai en 40 ans de survol de la région par satellite.
Pour certains, le réchauffement climatique est une bénédiction. Autour de l’Arctique, on le sait, les États riverains, qui avaient délaissé cette partie de la planète, cherchent depuis la moitié du XXe siècle à s’approprier « leur part » de l’Arctique. De par les richesses naturelles de ses territoires et l’importance stratégique qu’ils revêtent, l’intérêt des États frontaliers, ainsi que d’autres plus éloignés, est ravivé. C’est ce qu’explique Julien Vilar, de l’Université Toulouse 1 Capitole : « Trois facteurs vont jouer : la « maritimisation » de l’Arctique qui permet d’ouvrir de nouvelles voies de communication (les coûts reviendraient moins chers qu’en passant par le Panama ou Suez pour rejoindre d’autres continents), son potentiel militaire croissant à travers la première guerre mondiale, la seconde guerre mondiale et la guerre froide, et enfin la richesse de ses ressources naturelles encore inexploitées (gaz, pétrole, minerais précieux, etc…). »
Les routes du Nord vont donc être très convoitées mais elles seront également étroitement surveillées, notamment d’un point de vue écologique pour éviter d’accentuer les dégâts déjà causés par l’homme. En naviguant « écolo » autour du monde grâce à l’hydrogène, Energy Explorer sert à la fois d’exemple et de vitrine : les bateaux passant par les futures routes du Nord devront être « propres » et respecter au moins les écosystèmes survivants.
Un documentaire événement
Cette navigation donnera lieu au tournage d’un documentaire événement de 90 minutes qui sera diffusé sur Canal+ en automne 2019. Un film sur une navigation-manifeste pour s’élever contre la montée en puissance d’un nouvel axe autoritaire et climato-sceptique et prouver que nous disposons des connaissances et des technologies nécessaires pour vivre en harmonie avec la nature. Il est plus que jamais urgent de se mobiliser et d’entrer en action pour notre planète et nos générations futures. Les décisions que nous prendrons aujourd’hui auront un impact sur les décennies à venir.
Energy Observer accomplit actuellement une Odyssée pour le futur de six ans (2017-2022), 50 pays, 101 escales, menée par Victorien Erussard, fondateur et capitaine, et Jérôme Delafosse, chef d’expédition et réalisateur de documentaires. Un tour du monde pour devenir une vitrine des innovations en matière de transition écologique, afin de sensibiliser le plus grand nombre sur les énergies renouvelables, la biodiversité, l’agroécologie, la mobilité ou encore l’économie circulaire, lors des escales sur son village itinérant et sur les réseaux sociaux. Cette expédition du XXIe siècle a pour cap permanent la mise en œuvre des 17 Objectifs de développement durable de l’ONU, dont Energy Observer est le premier ambassadeur pour la France.
Energy Observer a reçu le Haut Patronage du Président de la République française, ainsi que le soutien officiel de l’Union Européenne, l’UNESCO et l’IRENA.
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