Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

rapporteconumerique

Le rapport « monument » de l’IGF sur l’économie numérique

Commencez

L’Inspection Géné­rale des Finances vient de publier sur son site une étude qu’elle avait réa­lisée fin 2011 et livrée à ses auto­ri­tés de tutelle de l’époque Eric Bes­son et Fran­çois Baroin en jan­vier 2012 sur « Le sou­tien à l’économie numé­rique et à l’innovation ». Le rap­port qui fait 421 pages est télé­char­geable ici. Il com­prend au début une grosse cin­quan­taine de « slides » de résumé.

Ce docu­ment est remar­quable car il com­pile une quan­tité incroyable de don­nées, que je n’ai pas encore eu le temps de dépiau­ter entiè­re­ment. Cela rap­pelle par cer­tains côtés les tra­vaux de Mary Mee­ker sur l’état de l’Internet (exemple ici).

Il exa­mine en détail les aides publiques à l’innovation, et il les com­pare aux dis­po­si­tifs équi­va­lents de nom­breux pays comme les USA, le Royaume-Uni ou Israël. Il passe cepen­dant sous silence l’impact de la régu­la­tion locale sur le déve­lop­pe­ment d’innovations. Exemple tout bête : pas de Net­flix pos­sible avec une chro­no­lo­gie des médias à la française !

Il ana­lyse égale­ment la struc­ture même de cette écono­mie numé­rique par métier et sans rien oublier. Tout y passe, des com­po­sants élec­tro­niques à l’Internet en pas­sant par le maté­riel, les logi­ciels et les ser­vices. Le niveau d’analyse est très fouillé. C’est rare d’avoir un tel pano­rama car bien trop d’études résument le numé­rique à l’Internet. On y observe le poids écono­mique de grands acteurs comme Alca­tel mais aussi une boite moins connue, Nexans, spé­cia­liste des fibres optiques. En ce sens, je trouve ce rap­port plus solide que celui que Google avait com­mandé à McKin­sey en 2011 et qui a ensuite servi de réfé­rence dans tout un tas de com­mu­ni­ca­tions indus­trielles et politiques.

Il explique aussi très bien à quoi res­semble le fameux Small Busi­ness Act amé­ri­cain, très mal com­pris en France, et ce que l’on peut en rete­nir en France.

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

Il explique pour­quoi la dis­po­si­tion SBA de la Loi de Moder­ni­sa­tion de l’Economie de 2008 et qui per­met­tait de réser­ver une part de la com­mande publique aux PME n’a eu aucun effet (aucun = nada = zéro = vide). Il sou­ligne qu’un SBA fran­çais n’aurait de toute manière que peu d’impact sur l’économie numé­rique car il n’impacterait au grand maxi­mum que 200m€ de dépense publique. Mais cela ne tient pas compte de pro­jets dans la e-santé ou la e-éducation.

On découvre que la moi­tié des inves­tis­se­ments dans les pôles de com­pé­ti­ti­vité sont allés aux acteurs du numé­rique. Mais dans des pro­jets col­la­bo­ra­tifs que le rap­port juge à juste titre trop lourds à mettre en œuvre pour les PME du secteur.

On y trouve une car­to­gra­phie pré­cise de toutes les aides publiques à l’innovation dans le numé­rique. J’avais tenté l’exercice en avril 2009 mais en n’ayant pas le même accès aux don­nées que l’IGF. Ma conclu­sion était cepen­dant voi­sine, avec un poids très fort du CIR et des pro­jets col­la­bo­ra­tifs. Le fait de dis­po­ser de don­nées pré­cises per­met de ration­na­li­ser un peu les débats sur les finan­ce­ments publics de l’innovation !

Le rap­port est aussi là pour faire des pro­po­si­tions. Elles sont struc­tu­rées de manière très logique selon la chaîne de l’innovation (cf P. 46 du rapport).

On y retrouve quelques-unes qui sont de bon sens et aux­quelles je sous­cris entiè­re­ment comme le besoin d’améliorer la trans­ver­sa­lité de l’enseignement supé­rieur (tech­no­lo­gies + busi­ness + design) et de den­si­fier les filières de for­ma­tion dans les métiers du numé­rique, ou celui d’améliorer les capa­ci­tés d’exportation et d’internationalisation des acteurs fran­çais du numé­rique. Il y a aussi un cha­pe­let de mesures assez tech­niques sur le finan­ce­ment public de l’innovation.

Il y en a d’autres qui pour­ront don­ner lieu à discussion :

Ce qui concerne la foca­li­sa­tion par filière des inter­ven­tions publiques (notam­ment celles du Plan d’Investissement d’Avenir). Il fau­drait mieux dis­tin­guer dans les finan­ce­ments publics directs (aides, avances, quasi-fonds propres et fonds propres) et indi­rects (liés à la fis­ca­lité) ceux qui doivent res­ter le plus géné­rique et ceux qui doivent être sec­to­riels. Il est cri­tique de lais­ser les inno­va­tions ger­mer de façon pla­ni­fiée. La plu­part d’entre elles sont appa­rues ainsi. L’AR Drone de Par­rot qui est cité dans le rap­port n’aura jamais vu le jour dans le cadre d’une écono­mie « pla­ni­fiée » ! Il en va de même d’un ser­vice comme Deezer.

Le rap­port observe l’insuffisance du finan­ce­ment privé de l’innovation, du fait de ren­de­ments médiocres et les fameux « equity gaps » qui touchent notam­ment le finan­ce­ment d’amorçage (aux alen­tours de 500K€) et de capi­tal déve­lop­pe­ment (au-delà de 5 m€). Mais il n’évoque pas la manière d’optimiser l’équilibre entre d’un côté les inci­ta­tions fis­cales, qui laissent le sec­teur privé allouer les inves­tis­se­ments aux entre­prises inno­vantes, et les inter­ven­tions plus directes où ce sont les pou­voirs publics qui choi­sissent ces allo­ca­tions. Ces der­nières années, la ten­dance a été clai­re­ment de réduire pro­gres­si­ve­ment les inci­ta­tions fis­cales pour pri­vi­lé­gier les allo­ca­tions publiques. Avec les lour­deurs bureau­cra­tiques que cela entraine et les limites du modèle, les auto­ri­tés concer­nées ne dis­po­sant pas tou­jours des com­pé­tences pour gérer les allo­ca­tions. L’IGF pro­pose la créa­tion d’un fonds de fonds. Moi qui croyais que cela exis­tait déjà dans le cadre de France Inves­tis­se­ment ! L’idée est de réduire les frais de col­lecte, qui étaient élevés dans le cadre des fonds ISF, qui ont par ailleurs plus ou moins dis­paru depuis 2011. Il me semble pri­mor­dial de pri­vi­lé­gier les inci­ta­tions fis­cales pour lais­ser le sec­teur privé gérer les allo­ca­tions. En effet, dans le finan­ce­ment de l’innovation, le risque, c’est le mar­ché, pas la tech­no­lo­gie. Même si les inves­tis­seurs pri­vés sont impar­faits et ne sont pas des oracles, les opé­ra­teurs publics sont encore moins com­pé­tents pour appré­cier la réac­ti­vité du mar­ché à des inno­va­tions dans le numé­rique. En par­ti­cu­lier lorsqu’elles ont une forte com­po­sante sociale/sociétale.

Le rap­port pro­pose d’attirer les entre­prises sur le pla­teau de Saclay, mais l’étude de ce clus­ter en deve­nir est un peu rapide, même si les démarches de clus­ter sont bench­mar­kées avec plein d’autres pays. Quels seraient les fac­teurs clés de suc­cès du pla­teau de Saclay ? Qu’est-ce qui manque pour les remplir ?

La pro­po­si­tion de désen­ga­ger le Plan d’Investissement d’Avenir du finan­ce­ment du très haut débit dans les zones peu denses qui va sur­ement faire jaser. Il consi­dère que cela relève plus d’une logique d’aménagement du ter­ri­toire que d’une véri­table stra­té­gie indus­trielle. Je suis plu­tôt d’accord car j’ai bien dû l’écrire il y a quelques temps. Mais le Plan d’Investissement d’Avenir n’avait pas qu’une voca­tion indus­trielle pour autant.

Pour lutter contre la désinformation et privilégier les analyses qui décryptent l’actualité, rejoignez le cercle des lecteurs abonnés de UP’

On peut au pas­sage se deman­der pour­quoi ce rap­port très bien docu­menté a été enterré par Eric Bes­son et exhumé par le nou­vel exé­cu­tif.

Au pre­mier degré, il semble en effet remettre en ques­tion cer­taines déci­sions du pré­cé­dent gou­ver­ne­ment. Mais c’est le lot com­mun des rap­ports de l’IGF, comme ceux de la Cour des Comptes. Ce retard de publi­ca­tion est vrai­ment regret­table car le rap­port, même si l’on n’est pas for­cé­ment d’accord avec ses conclu­sions, four­nit une docu­men­ta­tion très riche qui per­met de « sub­stan­ti­ver » les débats sur l’économie numé­rique ! Les débats autour de la pré­si­den­tielle et ceux qui ont actuel­le­ment lieu dans le cadre de la bien jus­ti­fiée révolte des « pigeons » en auraient tiré un bon parti !

Pour la petite his­toire, je fai­sais par­tie des per­sonnes audi­tion­nées par l’IGF dans le cadre de la pré­pa­ra­tion de ce rap­port. La liste des per­sonnes inter­ro­gées tient sur six pages ! J’ai passé plus de cinq heures en deux réunions avec de quatre à six ins­pec­teurs des finances. Les dis­cus­sions étaient très riches et j’ai eu l’impression d’avoir affaire à des gens très bien infor­més sur la ques­tion. Ce qui se retrouve dans le rap­port. Au pas­sage, l’un des deux ins­pec­teurs des finances qui pilo­taient ce rap­port, Alexandre Siné, est devenu depuis Direc­teur de Cabi­net Adjoint de Vincent Peillon au Minis­tère de l’Education. Il faut dire que Siné est nor­ma­lien, agrégé de sciences écono­miques et doc­teur en sciences poli­tiques (sa bio ici qui montre qu’il avait déjà aussi bien plan­ché sur le thème de l’éducation). L’IGF mène à tout, et pas qu’à la finance !

Publié le 26 octobre 2012 Post de Olivier Ezratty 

{jacomment on}

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
empreintedigitale
Article précédent

Les empreintes digitales comme moyen de paiement en Australie

stateofthefuture
Prochain article

Sortie du rapport "2012 State of the future"

Derniers articles de Archives Etudes

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.
Partagez
Tweetez
Partagez
WhatsApp
Email
Print