Une bactérie vivant dans la stratosphère à 30 km du sol a atteri dans une rivière en Angleterre. Elle pourrait alimenter la pile à combustible bactérienne sur laquelle travaille une équipe de recherche de l’Université de Rennes, sur le principe de bactéries qui produisent de l’électricité en se nourrissant de la racine de plantes vertes ou même en dépolluant des eaux usées.
La réponse à nos problèmes énergétiques viendrait-elle du ciel ?
Produire de l’électricité grâce à des bactéries tout en dépolluant les eaux usées, c’est ce qu’une équipe de recherche de l’université de Rennes est parvenue à faire, pour l’instant à petite échelle. L’idée, déjà connue, est celle de la pile à combustible bactérienne (MFC, pour Microbial Fuel Cell).
Une pile à combustible est un générateur d’électricité dans lequel un élément réducteur (l’hydrogène) est oxydé sur l’une des électrodes, tandis qu’un oxydant – l’oxygène en général – est réduit sur l’autre électrode.
La réaction d’oxydoréduction est catalysée grâce à du platine, le plus couramment. La réaction est l’inverse d’une électrolyse : la pile consomme de l’hydrogène et de l’oxygène et rejette de l’eau. On peut aussi faire réaliser ce travail à des bactéries, du moins des variétés vivant en anaérobie et relâchant des électrons lorsqu’elles consomment des nutriments.
Pour simplifier : ces organismes forment en effet un biofilm (agrégation sur une surface) qui est un très bon vecteur d’électrons ; des bactéries exoélectrogènes recouvrent l‘anode en formant un biofilm. Elles se nourrissent des composés organiques du milieu (en fonction du régime alimentaire) et libèrent des électrons qui alimentent un circuit électrique. C’est aussi simple que cela !
Non seulement ces bactéries produisent du courant, mais elles se nourrissent en outre d’eau polluée qu’elles purifient. Un système qui pourrait donc servir dans une usine de traitement, par exemple. Mais pas uniquement : lors d’une interview accordée à Ouest-France, Frédéric Barrière, responsable du projet, avait imaginé d’autres possibilités. Il suggérait que le dispositif puisse par exemple servir de signal de pollution : si les bactéries se nourrissent d’eaux usées, plus celles-ci sont polluées, plus la quantité d’électricité produite est importante. On pourrait ainsi obtenir directement un instrument électrique mesurant la pollution.
Au lieu d’eau usée, les bactéries peuvent aussi puiser leurs éléments nutritifs sur les racines des plantes, comme l’avaient expliqué les doctorants de l’université de Rennes. Là encore, la production de courant repose uniquement sur un processus naturel. Ces recherches entrent dans le cadre d’un projet – PlantPower– financé par l’Union européenne : ce projet développe actuellement une pile à combustible contenant des plantes vivantes et des bactéries pouvant convertir l’énergie solaire en électricité ou hydrogène de manière efficace et propre.
Le concept n’est pas nouveau et plusieurs travaux similaires ont déjà été réalisés, comme ceux du laboratoire de Génie chimique de Toulouse. Quoi qu’il en soit, les tensions électriques fournies par ces piles microbiennes ne sont pour l’instant que très faibles. Il s’agit simplement d’une étape montrant qu’il est possible de mettre en place de tels procédés.
Bacillus stratosphericus, la bactérie stratosphérique
La découverte de cette bactérie stratosphérique est finalement le fruit du hasard. Les scientifiques ont en effet testé la capacité de 74 souches de bactéries, appartenant à 20 espèces différentes, récoltées dans l’estuaire d’une rivière anglaise, la Wear.
La production électrique n’est pas faramineuse, mais le concept est écologique et simple à mettre en place. Grâce à un mélange de bactéries les plus efficaces dont B. stratosphericus, d’autres scientifiques, ceux de l’université de Newcastle, ont réussi à presque doubler la puissance, passant de 105 à 200 mW par mètre carré d’électrode.
La pile microbienne n’est pas un concept nouveau. C’est en 1911 que Michael Potter, chercheur britannique, a publié les premiers travaux sur la production d’électricité par des bactéries. Les MDC font désormais l’objet de nombreuses recherches, surtout depuis l’avènement médiatique et social des problématiques environnementales.
Pour l’instant, le système ne produit pas suffisamment d’électricité pour alimenter de larges populations. On n’est pas encore prêt à remplacer les énergies fossiles par des cultures de bactéries… Mais grâce à un travail de sélection de souches performantes, les chercheurs sont ici parvenus à doubler la puissance du courant. À ce rythme, on peut considérer que la technique est prometteuse.
(Source : Bruno Scala / Futura sciences- Fév 2012)
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