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La méthode des lead users

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La méthode des lead-users (ou méthode de l’utilisateur pilote) a été conçue par Eric von Hippel  et 3M est connue pour avoir servi de terrain privilégié pour sa mise en application.

Tout commença lorsqu’au milieu des années 90 les dirigeants de 3M prirent conscience que l’innovation dans leur société ne se traduisait plus que par des améliorations de produits existants.

L’époque des longues décennies glorieuses où 3M produisait régulièrement des innovations radicales (le papier sablé imperméable, le ruban adhésif Scotch, les Post-it Notes, les films isolants Thinsulate, etc.) semblait bel et bien révolue. Ce constat fait, le management fixa comme objectif que dorénavant 30 % du chiffre d’affaires devrait se faire avec des produits qui n’existaient pas il y a 4 ans. Et pour obtenir ce type d’innovations rupturistes, il fut fait appel à la méthode des lead users d’Eric von Hippel.

Deux femmes furent en première ligne pour le déploiement de ce process chez 3M : Rita Shor et Mary Sonnack.

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Cette dernière, consultante interne en charge de chercher de nouvelles méthodes de développement de produits nouveaux, s’était familiarisée dès 1994 avec la méthode des lead users en passant une année auprès d’Eric von Hippel, au MIT, et s’en était faite la propagandiste.

C’est ainsi en entendant Mary Sonnack lors d’une conférence que Rita Shor, Responsable d’une équipe de développement de nouveaux produits à la Division des Produits Médicaux et Chirurgicaux de 3M, souhaita expérimenter cette méthode. En septembre 1996 la Direction de 3M assigna à Rita Shor l’objectif de réaliser grâce à cette méthode une percée majeure dans le domaine des textiles chirurgicaux (textiles dont on se sert pour contenir les risques d’infection lors d’opérations chirurgicales). En novembre 1997, soit en à peine quatorze mois, l’équipe proposa trois innovations majeures assorties d’une stratégie révolutionnaire pour traiter les infections ! Mais le plus grand mérite de cette équipe fut peut-être de remettre sur pied l’innovation chez 3M en persuadant les dirigeants de systématiser la méthode des lead users pour produire de vraies innovations.

D’ailleurs, en décembre 2007, Mary Sonnack, en tant que Responsable scientifique de la Division « Performance Chemicals and Fluids » ouvrait un séminaire en donnant un satisfecit enthousiaste à la méthodes des lead users »chez 3M, on croule sous de merveilleuses technologies pour lesquelles on n’a pas assez de débouchés. Mais notre expérimentation actuellement en cours de la méthode des lead users pour la technologie de refroidissement rapide de cette Division peut montrer aux autres divisions comment on peut transformer les technologies en innovations de rupture ».

Le principe de base de cette méthode repose sur le double constat que :

– souvent les produits qui font les réussites commerciales ont d’abord été imaginés et même prototypés par des utilisateurs plutôt que par des fabricants

– les utilisateurs en question sont des utilisateurs avertis, en « avance de phase » (les fameux « lead users » que nous avons décrits plus haut, dans le chapitre précédent).

La méthode « lead user » commence par la formation d’une équipe interdisciplinaire. Celle-ci se compose communément de quatre à six personnes du marketing et des départements techniques. L’un des membres joue le rôle de chef de projet. les participants passent en général douze à quinze heures par semaine sur le sujet, pendant toute sa durée. Cet import niveau d’immersion stimule la pensée créative et conserve au projet son élan.

Les projets se déroulent en quatre étapes. La longueur de chacune d’elles est très variable. L’équipe de 3M a passé six mois sur la seule phase 3, quand elle étudiait sur site les conditions chirurgicales dans les pays en voie de développement. En termes de planning, on peut prévoir de quatre à six semaines pour chaque phase, et de quatre à six mois pour l’ensemble du projet.

Phase 1 : la pose des fondations

Pendant cette période initiale, l’équipe identifie les marchés cibles, ainsi que le type et le niveau des innovations attendues par les parties prenantes à l’intérieur de l’entreprise. Pour la crédibilité des recommandations, ces parties prenantes doivent intervenir très tôt.

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Phase 2 : la détermination des tendances

L’un des axiomes de la méthode est que les utilisateurs pilotes sont en avance sur les tendances. Mais quelle est la tendance ? Pour le savoir, l’équipe doit parler avec les experts du terrain qu’elles explorent, des experts ayant une vision large des technologies émergentes et des applications de pointes dans le secteur étudié.

Phase 3 : l’identification des lead users

L’équipe commence maintenant un travail de réseau pour identifier les utilisateurs à l’avant-garde du marché cible et des marchés qui lui sont liés. Elle collecte les informations qui permettront d’identifier des innovations particulièrement prometteuses et les idées conduisant au développement de produits innovants. En se fondant sur ce qu’elle apprend, elle commence à donner une première forme à des suggestions de produit, puis à évoluer le potentiel économique de ces concepts ainsi que leur adéquation aux intérêt de l’entreprise.

Pour Eric von Hippel, les usages sont intrinsèquement liés à des contextes d’utilisation propres. Ils « collent » à des conditions particulières d’utilisation, à des comportements et des pratiques très personnels émanant des usagers. Autrement dit, chaque contexte situationnel induit des usages très spécifiques. C’est la raison pour laquelle il est si important que les interactions que l’on engage avec des usagers pour faire de la co-création se déroulent dans la vraie vie ou, à tout le moins dans des contextes les plus proches possibles de celle-ci : c’est là qu’entrent en jeu des approches novatrices comme celles de living labs ou de virtualité immersive.

Eric von Hippel parle de stickiness pour décrire ces liaisons étroites entre usages et contextes. On pourrait traduire stickiness par adhérence. Le glissement sémantique qui nous mène de l’adhésion à l’adhérence, pourrait se poursuivre et nous amener à dire un mot sur la notion connexe d’adhésivité.

A ce propos, formulons juste le souhait que la nécessaire adhérence liant usages et contextes ne soit malgré tout pas trop… adhésive. En forme de clin d’œil à Eric von Hippel qui a beaucoup travaillé pour 3M, faisons en sorte que cette adhérence soit analogue à celle des Post-It, symboles de brainstorming : une adhérence repositionnable, de façon à pouvoir trouver des pistes créatives d’innovation à partir du repérage d’usages émergents.

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