Eric Seulliet livre à l’Ecole du Design de Nantes sa vision du co-design
–Auriez-vous une définition du co-design ?
Le co-design renvoie pour moi à l’implication des usagers dans la conception de produits et services innovants. Il s’assimile ainsi à la co-innovation et à la co-création et suppose donc une définition large du design (à l’anglo-saxonne). L’implication des usagers dans le co-design doit être réelle : selon moi, ceux-ci doivent être partie prenante du processus d’innovation dès la phase amont. Ils ne doivent pas seulement intervenir en bout de course et se trouver cantonnés à de la simple customisation.
–Selon vous, le co-design est-il une activité récente ?
Oui c’est une activité récente. S’il y a eu par le passé des exemples de co-création, on remarque actuellement une forte tendance en faveur de ce courant. Cela s’explique essentiellement par le développement des NTIC et singulièrement d’Internet qui permettent aux consommateurs d’être beaucoup mieux informés, de devenir des consom’acteurs, et de s’impliquer grâce à des plateformes participatives en ligne dans des activités de co-design (crowdsourcing). Ce courant prend de l’ampleur depuis 2 ou 3 ans tout au plus.
–La France est-elle en avance ou en retard dans ce domaine ? Existe-t-il un pays où le co-design est plus pratiqué qu’ailleurs ?
La France n’est pas particulièrement à la pointe de ce domaine. Les pays les plus avancés sont selon moi les États scandinaves. Les États-Unis se défendent plutôt bien aussi, grâce à des personnalités comme Eric von Hippel, un professeur au MIT (Massachussets Institute of Technology) qui a largement contribué à promouvoir les méthodes dites « user centric » (centrées sur l’utilisateur) et la « consumer- driven-innovation » (l’innovation axée sur le consommateur).
–Existe-t-il des dispositifs spécifiques permettant de mener une démarche de co-design ?
J’ai mentionné les plateformes participatives sur Internet qui peuvent d’une certaine façon permettre de mener des approches de co-design. On pourrait aussi citer des workshops ad hoc pour faire de la créativité et de l’émergence de concepts innovants, mais cela reste somme toute assez classique. Les trois pistes les plus prometteuses pour moi sont :
– les approches living lab qui s’appuient sur différentes méthodes d’open innovation tout en mettant les usagers en situation dans des environnements familiers ;
– les technologies 3D au sens large (réalité virtuelle, réalité augmentée, univers virtuels, relief, etc.) ;
– les fablabs qui sont des dispositifs de co-création de prototypes concrets.
En combinant ces diverses approches et en y impliquant des utilisateurs avancés (lead users), on peut mettre en œuvre des démarches de co-design extrêmement pertinentes et puissantes, allant de la détection d’usages émergents jusqu’à la mise sur le marché de produits/services novateurs en passant par des phases de prototypage rapide, de tests et de validation de concepts. C’est exactement ce que met en place SmartSystem.
–Pourquoi une démarche de co-design peut elle aboutir à un résultat plus innovant qu’une démarche de projet plus classique ?
On sait bien que le taux d’échec des innovations est extrêmement élevé. On dit souvent qu’entre 75 et 80 % des innovations n’aboutissent jamais à des produits commercialisables, tout simplement parce que l’acceptation du marché n’est pas au rendez-vous. Le co-design permet de pallier ce problème car si on associe les usagers à la conception des nouveaux produits et services, ipso facto ceux-ci seront adaptés aux vrais besoins des futurs utilisateurs, et même aux besoins non exprimés. Le deuxième avantage du co-design est qu’il accélère le processus d’innovation en permettant une conception beaucoup plus systémique qui évite les errements d’un processus séquentiel.
Propos recueillis par Jean-Luc Barassard, directeur du service Stratégie entreprises – Ecole de design de Nantes
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