Nous avons tous été sidérés de la violence de la rencontre entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche. Peut-être qu’un jour, on se rappellera ce moment comme celui de la fin des États-Unis.
Hier, ce sont les États-Unis d’Amérique qui ont disparu sous nos yeux effarés. Il n’y avait plus dans le Bureau que le président de TrumpLand. Le seul chef d’État qui restait, c’était celui qui lui faisait face, aussi effaré et désespéré que nous. Trump et Vance ont répété et répété que Zelensky ne respectait pas les États-Unis, mais bien évidemment c’étaient eux qui vomissaient leur haine, leur morgue et leur ignominie sur ce qui était jusque-là leur pays. Trump se permettait même d’insulter son prédécesseur (« the stupid president ») dans l’échange avec un dirigeant en guerre et non dans un propos de tribune. Trump et sa clique n’ont plus aucun respect pour le pays qui était le leur, pour son histoire, pour ses alliances et pour ses valeurs. Seul existe désormais TrumpLand corporation. Zelensky était venu dans ce qu’il espérait encore être les États-Unis, il n’a rencontré que les marionnettes des oligarques de la tech qui se sont emparés du pays.
Avec le recul d’à peine quelques jours, comme les tapes sur la cuisse, les poignées de main-bras de fer et les sourires complices échangés entre Macron et Trump confirment ce qu’on pressentait qu’ils étaient : un jeu de dupes. Rien, absolument rien ne peut affecter en quoi que ce soit la route de Trump vers l’anéantissement des États-Unis. Trump s’était moqué en disant « what a beautiful language » après une longue tirade de Macron. On en est là : nous n’avons plus de langue commune, la dérision emporte tout argument rationnel.
Rendons-nous à l’évidence : les représentants représentant d’États démocratiques n’ont plus de prise sur les choix de Trump puisque celui-ci ne dirige plus un État, mais une compagnie qui fait des deals.
La seule attitude encore possible pour nous est celle que je décrivais au début de la guerre, il y a trois ans dans Le moment hectorien : il faut tenir. Comme Hector face à la ruse d’Ulysse et à la force d’Achille, nous avons le choix entre la soumission et le refus obstiné du renoncement. C’est à dessein que j’utilise cette formule doublement négative : le refus du renoncement. Rien de glorieux là-dedans, aucune forfanterie de Tartarin, une « simple » fidélité à ce que l’on pense être, à ce qui nous imaginons être plus grand que nous et que nous estimons devoir transmettre au-delà de nous.
N’est-il pas temps d’accepter d’entrer dans une économie de guerre avec les sacrifices que cela signifie pour donner à ceux qui se battent la possibilité de continuer à le faire ? Nous devrions mettre, un temps, tous les autres débats en sourdine pour nous concentrer sur le maintien de la double habitabilité du monde : le refus de l’écrasement de la démocratie, le refus de la destruction du Vivant. À chaque milliard que nous allons consacrer à la guerre, il nous faudra trouver un autre milliard pour la métamorphose écologique de nos économies. Sacrifier l’écologie à la guerre serait totalement fou. À quoi bon préserver la démocratie si nos conditions d’existence continuent à se dégrader de manière accélérée ? Il n’y aura pas de possibilité de vivre en démocratie dans un monde dévasté. Oui, l’effort va être immense et les plus riches d’entre nous devront y participer en premier, de gré ou de mauvais gré. Mais chacun de nous aura à reconsidérer sa façon de vivre.
J’espère sincèrement que nous avons encore assez d’énergie et de fierté pour mener ces combats existentiels. L’espoir tient au fait que les dictatures ne durent jamais. À nous de hâter leur décomposition en tenant face à leurs coups de boutoir. Le Poutinisme n’est pas la Russie, TrumpLand n’est pas les États-Unis.
Hervé Chaygneaud-Dupuy, Chroniqueur invité de UP’ Magazine – Essayiste – Consultant développement durable et dialogue parties prenantes. Auteur de « Citoyen pour quoi faire ? Construire une démocratie sociétale », éditions Chronique sociale.
L’original de ce texte est paru sur le blog de M. Chaygneaud-Dupuy, persopolitique.fr
Avec nos chaleureux remerciements à l’auteur.
Image d’en-tête : Volodymyr Zelensky et Donald Trump, à Washington, le 28 février 2025. ©AFP – Saul Loeb