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attentats Paris

La guerre idéologique aura bien lieu

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« Vous ne pouvez pas nous arrêter car nous sommes déjà morts ». Les hommes qui ont terrorisé Paris, vendredi 13 novembre au soir, sont des êtres absents, qui ont déserté leurs vies. De nombreux témoignages ont rapporté leur froideur sidérante. Aveugle et muette. Nous ne pouvons passer à côté de ce désastre, même si leurs victimes – nos enfants, notre jeunesse, notre bien le plus précieux – nous submergent de douleur. Attaqués dans leur joie de vivre.
Mais irons-nous au fond de cette question : Comment notre société qui a abrité en son sein les frères Kouachi, les frères Merah et cette fois les frères Abdeslam, est-elle capable de sécréter de tels monstres ? Comment notre époque rend-elle possible, au sein de la jeunesse, la forge absurde d’une toute puissance fictive ; celle de la mort ?
 
Cyberguerre
 
De part et d’autre, jeunes insérés ou jeunes désœuvrés se veulent invulnérables. Eternels même. Les premiers s’amusent à tuer sur GTA 5, (Grand Theft Auto) ce jeu vidéo d’action-aventure de l’éditeur Rockstar North. Il s’agit de prendre corps dans celui d’un criminel virtuel. Par un odieux détournement, les seconds ne jouent plus. Ils s’entraînent. Avec le même jeu. « J’ai découvert comment la propagande de Daech utilisait le jeu GTA V pour assouvir ses fantasmes de meurtre et de domination du monde, écrit Damien Bancal dans un article publié le 14 novembre sur le site Zataz.com. Zataz a référencé des dizaines de nouveaux comptes Twitter dans la nuit de vendredi à samedi 14 novembre. Des comptes fermés aussi rapidement qu’ils pouvaient réapparaître. En remontant l’un des « créateurs » d’espaces de propagandes, j’ai découvert que ce dernier avait réalisé des vidéos tirées du jeu GTA 5 ».
 
Des paroles qui engendrent
 
Le virtuel fait partie des armes de cette guerre des images. On sait combien les mises en scène de l’horreur font le carburant de Daech. 87 sites terroristes viennent d’être écrasés de l’internet. Mais pour combien de temps ? Faut-il s’en remettre aux initiatives du collectif Anonymus qui a diffusé le 14 novembre l’annonce d’un robot qui affirme : « Oui nous allons vous traquer ! Sachez que nous vous trouverons et que nous ne lâcherons pas ».
 
Les fous du radicalisme décrochent du réel en s’inventant une vie de héros avec des prosélytes organisés qui inoculent le venin en trois doses. Sur le marché des idéologies, les désœuvrés du monde retrouvent un statut, une mission, un destin. Ils deviennent les sauveurs aptes à rétablir un Califat perdu, ils adoptent la rationalisation de la haine (le droit de tuer) et la banalisation du mal (on pense à Eichmann). Aveuglement de morts-vivants qui frappent là où ils ont quitté le monde. Là où d’autres jeunes de leur âge ont trouvé leur essor et leur insouciance. Insoutenable.
 
Dessin d’Arend
 
Prendre soin d’une « génération au bord de la rupture »
 
Nous sommes en guerre depuis plus de dix ans et nous ne le savons pas ? Dissociés par le surplomb de nos drones et de nos écrans, nous voici soudain acculés à voir. Des corps ensanglantés comme ceux de nos frères de Beyrouth, raflés par les mêmes kalachnikovs la veille du carnage de Paris. Nous sommes en guerre contre un ennemi interne qu’on peine à identifier, comme une pieuvre aux multiples visages. Vengeance du passé, humiliation, misère mentale, cynisme, désespoir… sont les ressorts de la captation par Daech qui arrache chaque semaine de notre seule patrie, près d’une dizaine de jeunes. « C’est une guerre idéologique que nous devons mener » insiste Malek Boutih, député de l’Essonne auteur du rapport « Génération radicale » (remis au premier ministre, en juin 2015). Portrait d’une « génération au bord de la rupture ». Jetée dans l’ambivalence suicidaire. Connectée et si déconnectée du réel. Jouissive et frustrée. Intégrée et désintégrée. Une jeunesse qui somatise tous les « insoutenables » qui nous gangrènent.
Quand oserons-nous véritablement et collectivement nommer les feux qui couvent ? Les humiliations, les violences insidieuses, l’indifférence, la dilution du sens qui font le lit des violences à venir comme l’attestent les histoires après les accords de Munich ou ceux d’Oslo… Zones de non droit dans nos banlieues, si nettement campées dans le dernier film de Jacques Audiard, Dheepan. Ghettos urbains ou ignorance des autres dont l’étrangeté ne nous intéresse pas. Anonymats généralisés. Bulles d’indifférence dans des transports qui n’ont plus rien de commun.
 
Vous pensez pouvoir rester en paix alors que… ?
 
Nos systèmes politiques ont implosé, à force de compromissions financières et de doubles jeux. Les jeunes ne croient plus à la parole des chefs d’Etat. Les images gouvernent et font la guerre. Elles permettent tout et son contraire. Elles éclatent nos têtes dans la frénésie et l’apparence mensongère. Alors posons nos voix dans la vie réelle, dans la vie locale et adressons des questions simples. Très simples comme celle du G20 qui interroge sur les financements de L’Etat Islamique [EI]. On nous dit que les ressources sont celles des territoires conquis : puits de pétrole et de gaz, mines de phosphates, coton… Et par des filières occultes impliquant des hommes d’affaires turcs. « Il existe des liens non négligeables entre la barbarie et le fascisme des radicaux islamistes et le climat, insiste Corinne Lepage. Ce lien s’appelle le pétrole. Daech vit de toutes les contrebandes, de tous les trafics mais en particulier des aides venues de pays pétroliers et de pétrole de contrebande. Au passage, ceci pose la question des clients directs et indirects de ce pétrole illégal, des raisons pour lesquelles les puits qui alimentent Daech n’ont pas été neutralisés et des ambiguïtés qui subsistent de la part d’un certain nombre de pays qui prétendent combattre Daech. En conséquence, réduire la place du pétrole et des hydrocarbures, développer l’autonomie énergétique de chaque État grâce aux énergies renouvelables, revient à nous écarter de la toute-puissance des producteurs de pétrole et à réduire les moyens de Daesh ».
 
Pas de paix contre les autres
 
Alors que la COP 21 va s’ouvrir le 30 novembre à Paris, pourrons-nous enfin porter la question géopolitique du réchauffement climatique ? Pourrons-nous prendre la mesure de la violence croissante qu’inflige la poignée de prédateurs puissants aux plus pauvres. « Vous pensez que le monde va pouvoir rester en paix alors que les inégalités ne cessent de se creuser et que l’enjeu climatique ajoute de l’inégalité ? » pointe avec lucidité Nicolas Hulot. Ce discours politique est le même que celui que développe le pape François qui tout au long de son Encyclique Laudate Si rappelle le lien structurel entre justice et respect de la vie.
 
Relier les paroles et les actes, telle peut être notre thérapie collective. Non pas en cherchant des garanties d’une sécurité impossible. Non pas en prétendant ne pas avoir peur. Mais en cherchant comment incarner notre implication pour un autre monde. Continuer de chanter comme Anne Sylvestre ce matin, malgré la mort de Baptiste Chevreau, son petit fils, victime du Bataclan.
 
Dorothée Browaeys, Rédactrice en chef adjointe UP’ Magazine
 

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