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Covid-19 : « Nous avons succombé à la panique »

Exclusif. Premier bilan du Covid-19 : Aurions-nous succombé à la panique ?

"Pour conjurer sa peur, il faut pouvoir la nommer"

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En cette fin du mois de mai, alors que le premier ministre vient d’annoncer un nouveau train de mesures de déconfinement, il est utile de dresser un premier bilan transitoire de l’épidémie de Covid-19. Pour le professeur Jean-François Toussaint, qui signe l’article qui suit, dès le début de la crise, certaines choses ont été prises pour ce qu’elles n’étaient pas. Nous n’étions pas en guerre, nous n’étions pas en position de suicide collectif, nous n’étions pas en situation de renoncer aux règles élémentaires ni d’écarter la rigueur de l’analyse. Celle-ci aurait dû continuer de guider nos actions, si nous n’avions malheureusement pas succombé à la panique. Les modélisations se sont fourvoyées, les projections se sont trompées ; c’est pourtant sur de telles simulations que s’est joué la paralysie d’une moitié de l’humanité


RÉSUMÉ

L’épidémie de Covid-19 s’achève en Europe. Elle a cessé dans plus de 70 pays et régions du monde. En termes de mortalité mondiale, cette phase présentera un total proche de 600 000 décès. Saisonnière ou non, sa recrudescence est une hypothèse à considérer parmi les autres, la pandémie pouvant aussi se maintenir à bas bruit ou s’arrêter spontanément. Outre celles directement liées aux mesures indispensables de lutte contre le SARS-CoV-2, les conséquences sociales, économiques et sanitaires du confinement généralisé vont être considérables. Il faut s’attendre à ce que l’ensemble de ces effets entraîne un recul de l’espérance de vie dans les prochaines années.


Ce qui précipite si facilement les hommes vers les mouvements totalitaires et les prépare si bien à une domination de ce type c’est la désolation partout croissanteHannah Arendt, Idéologie et Terreur, 1953

En cette fin du mois de mai, il est utile de dresser un premier bilan, transitoire certes, mais instructif de l’épidémie de Covid-19. Elle s’achève en effet dans plus de 50 pays, soit un quart de ceux qui ont déclaré au moins un cas. Sur le continent européen, cette phase aboutit actuellement à une diminution de 85% du nombre quotidien de contaminations et de décès. Par rapport aux maximas établis le 16 avril, cette réduction est désormais de plus de 50% dans le monde (Figure 1), ainsi qu’en Amérique du Nord. En six mois, cette vague mondiale atteindra probablement un total proche de 600 000 décès, à comparer aux 28 millions de décès survenus dans le même temps, pour d’autres causes ou aux 600 000 morts qu’entraîne les épidémies annuelles d’orthomyxovirus (les virus de la grippe).

Il faut donc maintenant comprendre vers quoi nous nous dirigeons et dans quel état

Figure 1 : Évolution des décès quotidiens dans le monde

Le principal facteur pronostic de cette maladie est l’âge, et de très loin1. Un précédent épisode, la canicule de 2003, avait déjà montré les vulnérabilités de nos anciens : nous ouvrons les yeux sur une vie fragile et des succès éphémères. Mais ce virus aura particulièrement affecté des nations qui ne s’imaginaient pas parmi les plus fragiles. Les pays européens latins – Italie, France, Espagne – sont ceux qui présentaient avant cette crise les valeurs les plus élevées voire les records mondiaux d’espérance de vie. Plus encore, les deux pays qui ont compté le plus grand nombre de décès (USA pour l’Amérique du Nord et Royaume-Uni pour l’Europe) sont ceux qui ont vu leur espérance de vie commencer à régresser depuis quelques années déjà. Cette fragilité, annoncée pourtant dès 19902, montre à quel point certains modes de vie conduisant à la sédentarité et à l’obésité se surajoutent au vieillissement pour créer les conditions d’une vulnérabilité absolue face à de nouvelles contraintes ou de nouveaux agents pathogènes.

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Aider la décision par l’évaluation du risque réel

La Covid s’inscrit dans une phase qui se prolonge dans le futur et dans le passé. Pour l’appréhender correctement, il faut scruter le réel, fouiller le terrain, disséquer le temps et ne tenir compte que de la réalité sans l’obscurcir de conceptions erronées ou de simulations falsifiées. La nature du risque réel doit rester le seul indicateur pour guider notre décision.

Dans un environnement (température, renouvellement de l’air, altitude …) non modifiable le plus souvent, le risque dépend principalement de deux facteurs : la circulation virale (contagiosité) et la vulnérabilité des personnes atteintes.

Même si elle reste fort peu mortelle (entre 995 et 997 personnes sur 1000 contaminées y survivent3), il ne faut pas minimiser les spécificités de cette épidémie. Elle fut unique par sa vitesse de propagation et la célérité avec laquelle se déstabilisaient les patients souffrant de forme sévère. Il faut ici encore rendre hommage au rôle majeur des soignants, praticiens de ville, équipes hospitalières, publiques ou privées, et leur engagement sans faille ni tergiversation, ainsi que ceux qui les ont soutenus. 

Mais, dès le début, certaines choses ont été prises pour ce qu’elles n’étaient pas. Nous n’étions pas en guerre, nous n’étions pas en position de suicide collectif, nous n’étions pas en situation de renoncer aux règles élémentaires ni d’écarter la rigueur de l’analyse. Celle-ci aurait dû continuer de guider nos actions, si nous n’avions malheureusement pas succombé à la panique.

L’erreur a certes pu venir d’abord des difficultés à organiser un recueil fiable des données. À plusieurs reprises, les chiffres officiels français furent en désaccord avec eux-mêmes et avec ceux que le gouvernement transmet à l’OMS (depuis le 12 avril, le nombre de contaminations diffère chaque jour de 22 000 à 35 000 cas entre ces deux sources). Les récentes soustractions de 342 décès en maisons de retraite (le 19/5, après celles des 13 et 15 mai) montrent à quel point il faudra reprendre le compte exact de décès mal attribués pour comprendre la réalité de ce qu’a été la Covid-19. Par ailleurs, les attributions sont également sujettes à de grandes difficultés : à New-York, dans la panique initiale, jusqu’à 15 000 décès d’origine cardiaque – et non infectieuse – ont été attribués à tort. Le 25 mai, l’Espagne a également soustrait 1918 décès de son compte initial. La réévaluation nécessaire de tous les bilans prendra du temps mais replacera précisément la Covid sur l’échelle des pandémies. Elle pourrait montrer a posteriori le prix de la peur dans nos décisions.

Simulateurs & Prédications

les modélisations se sont fourvoyées, les projections se sont trompées. C’est pourtant sur de telles simulations que s’est jouée la paralysie d’une moitié de l’humanité.L’ordonnance principale (le confinement total des populations) a été guidée par des estimations qui furent proposées le 12 mars aux représentants de notre République. Dans ce travail, beaucoup de choses étaient cependant erronées : les modélisations se sont fourvoyées, les projections se sont trompées ; les simulations ne sont toujours pas reproductibles, les justifications restent infondées. Et les études actuellement publiées répètent les mêmes erreurs : des modèles naïfs et dépassés, des algorithmes instables, des prédictions inutiles tant l’écart entre les options était grand. C’est pourtant sur de telles simulations que s’est jouée la paralysie d’une moitié de l’humanité.

Une réponse inadaptée peut entraîner le décès d’un individu. À l’échelle d’une société, elle peut en provoquer l’effondrement et barrer l’avenir de nos enfants.

Stratégies

Nos limites adaptatives étant essentiellement techniques (manque de respirateurs en Lombardie) ou matérielles (masques, sur-blouses, …), deux options s’offraient aux gouvernants :

  • Tester et isoler (les malades et les sujets contacts : ce fut le cas en Corée et en Allemagne) ou
  • Immobiliser la totalité de la population (en reproduisant la stratégie que la Chine n’avait pourtant déployée que pour 6 % de sa population : celle du Hubei).

En l’absence de toute possibilité d’expérimentation randomisée avec groupe contrôle, l’université d’Oxford a fait un travail remarquable, associant des centaines d’étudiants, pour détailler la nature exacte et la temporalité des mesures prises (écoles fermées, interdiction des manifestations collectives, campagnes de tests, etc, synthétisées en un index de stringence afin de comparer les pays entre eux.

Ces études montrent qu’il n’existe aucun lien entre le caractère « strict » des mesures décidées (leur intensité de confinement, avec ou sans encadrement militaire, par exemple) et la gravité de l’épidémie. L’OMS pourrait donc s’être trompée en suggérant cet unique moyen de réponse à la pandémie.Ces études montrent qu’il n’existe aucun lien entre le caractère « strict » des mesures décidées (leur intensité de confinement, avec ou sans encadrement militaire, par exemple) et la gravité de l’épidémie. L’OMS pourrait donc s’être trompée en suggérant cet unique moyen de réponse à la pandémie ; il faudra comprendre les raisons qui ont poussé sa direction à maintenir jusqu’en mai la nature menaçante de l’épidémie pour l’humanité, justifiant ainsi un confinement dont on mesure pourtant l’absence de gain supplémentaire par rapport aux mesures de dépistage et de distanciation, voire sa capacité à amplifier la contamination dans les maisons de retraite.

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Par temps de circulation virale importante ou accélérée (au début de la phase épidémique quasi exponentielle), seule la distanciation fait preuve de son efficacité : gestes barrière, masques, distance de 2 mètres entre les personnes ; suspension des circonstances de foules (transports en commun, match en stade ou salle fermées, concerts, …) ; interdiction des lieux sans renouvellement d’air (salles confinées, recirculation aérienne par climatisation, …).

De même, les plages atlantiques furent interdites d’accès pendant deux mois (en confusion complète avec les bandes de sable bondées de la côte d’azur en juillet). Éric Caumes, déclarait le mardi 5 mai : « Je ne comprends pas que les plages ne soient pas accessibles ». Ce professeur spécialiste des maladies infectieuses à la Pitié Salpétrière, membre du conseil scientifique du Covid-19, montre que de très nombreuses mesures ne sont pas en rapport avec le risque : le confinement favorise la transmission familiale et la contagion entre les personnes confinées (EHPAD) alors que le renouvellement de l’air, surtout en extérieur, est la meilleure garantie d’une diminution de la propagation virale. Les plages sont, avec les forêts et les grands espaces ouverts (montagnes, parcs nationaux, …), l’endroit où le risque de contamination est nul en l’absence de rencontres entre personnes. S’y promener seul (en maintenant toute rencontre éventuelle à plus de 2 mètres) ne doit donc non seulement pas être proscrit pendant la phase la plus active de la pandémie mais doit même être recommandé pour maintenir sa condition physique, seul rempart thérapeutique contre la maladie.

Fallait-il confiner ?

Aucun surplus d’efficience n’était prouvé dans la littérature scientifique internationaleAucun surplus d’efficience n’était prouvé dans la littérature scientifique internationale au-delà des mesures de distanciation décrites ci-dessus. Sur cette évidence, la Suède a développé un plan de réponse à l’épidémie très différent et, en l’absence de toute possibilité d’expérimentation, seule la comparaison « historique » entre pays reste ouverte à l’interprétation, malgré tous les biais possibles. Or, à cette aune, le confinement global n’apparaît pas toujours favorable aux populations qui l’ont pratiqué.

En Europe, les taux des pays qui n’ont pas confiné strictement (Allemagne, Suède, Pays-Bas) sont actuellement de 165 décès par million d’habitant contre 432 pour les autres. De même, des régions similaires limitrophes (entre Norvège et Suède par exemple) ne montrent pas de différence en termes de contamination (c’est pourtant sur ce critère que le confinement aurait dû avoir l’impact le plus important). En Suède, c’est principalement la région de Stockholm qui a subi une élévation majeure de la mortalité en rapport avec une gestion inappropriée de la crise dans les maisons de retraite.

Une étude récente montre d’ailleurs que l’initiation des mesures de confinement ne change pas les taux de croissance de la phase explosive. Enfin le retour à la normale s’avère beaucoup moins difficile dans une population qui a compris et accepté le risque. Dans tous les autres pays, pour ceux notamment qui en avaient les moyens, il ne faut pas s’étonner qu’après avoir sonné le tocsin d’un risque mortel pour tous les citoyens s’ils ne s’enterraient pas, et qu’ils restent rémunérés dans une telle situation d’effroi autant que d’incompréhension, très peu d’entre eux aient l’envie de ressortir4

Caractéristiques

Il existe une évolution spontanée de la maladie. On la comprend mieux maintenant que les pays non confinés achèvent leur parcours. Les promesses catastrophiques qui leur étaient faites n’ont pas été observées chez eux.Il existe une évolution spontanée de la maladie. On la comprend mieux maintenant que les pays non confinés achèvent leur parcours. Les promesses catastrophiques qui leur étaient faites n’ont pas été observées chez eux. Mais ces perspectives étaient déjà présentes dans les 30 régions chinoises hors Hubei qui n’ont pas contraint leur population à un régime aussi sévère qu’à Wuhan. Le Brésil enfin, qui a franchi le cap des 100 décès par million d’habitant (tandis que la Belgique a atteint la valeur 800 au même moment), donne également des clefs de compréhension de l’évolution « naturelle » de la pandémie en l’absence de réponse coordonnée par un État.

Pourquoi cette épidémie ne concerne-t-elle que 5 à 6% (en valeur estimée) des populations dans les régions qui ont confiné et pas plus de 20 à 25% (en valeur sérologique mesurée) dans les très rares États qui ont fait le choix de l’immunité collective ? Nul ne le sait encore, mais il est probable que ce trait soit spécifique de l’interaction virome-génome humain du SARS-CoV-2 et que la nature fractale de l’évolution sub-exponentielle de son taux de croissance soit à l’origine d’une limitation de l’extension que ce virus peut prendre.

Perceptions

D’où vient l’écart entre la réalité morbide du Covid-19 (l’ordre de grandeur de l’impact à la fin de cette phase pandémique sera comparable à celui d’un orthomyxovirus, loin de celle du VIH ou des diarrhées infectieuses qui emportent des millions d’enfants chaque année dans le monde) et la perception d’une maladie comparable à la peste de 1347 5 ?

Les boucles de renforcement positif, par la répétition d’un seul message (la mort, le nombre de morts, le risque de mortalité, les morts prématurées, les morts hospitalisées, les morts cachées, les morts oubliés, …) finissent par saturer l’espace cognitif.Les boucles de renforcement positif, par la répétition d’un seul message (la mort, le nombre de morts, le risque de mortalité, les morts prématurées, les morts hospitalisées, les morts cachées, les morts oubliés, …) finissent par saturer l’espace cognitif. Le développement des techniques d’information instantanée et la concurrence des moyens de communication6   qui y contribuent provoquent un déluge auquel notre cerveau n’est pas préparé ; il n’est alors plus en mesure de faire le tri. L’analyse d’Hannah Arendt se précise : « Face à ceux qui ne veulent plus s’en remettre à leur expérience, parce qu’elle ne leur permet plus de s’y retrouver, surgit la contrainte qu’on s’impose à soi-même d’être entraîné par le courant irrésistible des forces surhumaines, naturelles ou historiques »7.

Enfin, l’émergence d’une propriété, non incluse dans les simulations initiales mais liée à la synchronisation des modes de réponse (le confinement de la plupart de pays touchés aboutit à la paralysie d’une moitié de la population humaine), entraîne l’effondrement économique et son cortège de conséquences sociales et sanitaires.

Évolution

Pour préserver une capacité de réponse adaptative optimale, il faut garder en tête tous les avenirs possibles. Et pouvoir jongler d’une forme de réponse à une autre selon la réalité qui sera observée sur le terrain. Ce virus peut : disparaître (ce fut le cas du SARS en 2003), persister (à bas bruit), ou prendre une cyclicité (hypothèse de saisonnalité) avec alternance hivernale hémisphère nord – hémisphère sud.

Outre ces trois hypothèses, une quatrième (la persistance à un niveau élevé de contaminations) semble déjà écartée puisque tous les pays et toutes les régions qui ont subi cette vague ont connu la même dynamique :

  1. une phase de mise en place non décelée (possiblement dès l’automne 2019 – plusieurs athlètes de différents pays européens ont en effet présenté des syndromes grippaux particulièrement sévères à leur retour des championnats du monde militaires disputés à Wuhan du 18 au 27 octobre 2019) ;
  2. une phase explosive (celle de février/mars en Europe) d’environ quatre semaines, qui se produit lorsque des conditions, multiples, sont réunies (reste à savoir lesquelles : température ; vulnérabilités ; seuil d’expansion de la période précédente ; concurrence microbiologique ? …) ;
  3. un pic (31 mars en France (Figure 2), 16 avril dans le monde) ;
  4. puis une décroissance qui s’étend sur 8 semaines pouvant aboutir à la cessation de l’épidémie (Cf Encadré).
Durant les trois dernières semaines (entre le 6 et le 27 mai), 57 Pays et 46 Régions ou Territoires ont déclaré zéro, un ou deux décès (la semaine dernière, ce nombre était de 44 pays & régions). 

33 Pays et 41 Régions ou Territoires n’ont pas déclaré de décès depuis le 6 mai :

Chine : 30 des 31 provinces (hors Jilin), Mongolie, Cambodge, Vietnam, Nouvelle Zélande (Figure 3), 6 des 8 provinces Australiennes, Fidji, Papouasie, Timor, Buthan, Brunei, Seychelles, Islande, Groenland, Îles Féroé, Liechtenstein, Monaco, Gibraltar, Jordanie, Gambie, Rwanda, Ouganda, Erythrée, Namibie, Zimbabwe, Île Maurice, 5 des 13 provinces Canadiennes, Bahamas, Barbade, Bermudes, Caïman, Jamaïque, Trinidad, Aruba, Sainte Lucie, Saint Vincent, Dominique, Belize. Pour la France : Polynésie Française, Nouvelle-Calédonie, Saint Barthélémy, Saint Martin, Guyane Française et Martinique.

24 Pays et 5 Régions ou Territoires ont déclaré moins de deux décès depuis le 6 mai :

Taiwan, Thaïlande, Province chinoise du Jilin, 2 des 8 provinces Australiennes, Maldives, Sri Lanka, Ouzbékistan, Lettonie, Ile de Man, San Marin, Malte, Chypre, Albanie, Kosovo, Monténégro, Liban, Cap Vert, Togo, Bénin, Éthiopie, République Centrafricaine, Angola, Mozambique, Madagascar, Curaçao, Guyana, Paraguay. Pour la France : Réunion et Guadeloupe. Seuls 36 pays présentaient hier encore des taux supérieurs ou égaux à 10 décès par jour. Ce sont (par ordre croissant d’incidence) : Cameroun (10), Roumanie, Arabie Saoudite, Portugal, Philippines, Bolivie, Egypte, Nigeria, Japon (16), Pologne, Argentine, Nicaragua, Ukraine, Bangladesh, Belgique (22), Pays-Bas, Colombie, Indonésie, Turquie, Pakistan, Afrique du Sud, Chili, Iran, Allemagne, France métropolitaine (73), Italie, Suède, Canada. Taux supérieurs à 100 : Royaume-Uni (134), Pérou (159), Inde (172), Russie (174), Espagne (283), Mexique (501), USA (693), Brésil (1039)

Figure 3 : Évolution des contaminations quotidiennes en Nouvelle Zélande

La disparition complète et définitive est également peu probable puisque ce virus, s’il s’arrête de circuler, devrait rester en culture dans certains laboratoires P4, habilités à les maintenir sous très haute surveillance, comme le sont les virus de la variole ou du SARS, d’où s’était d’ailleurs échappé, sans bruit et heureusement sans dégât, le SARS-CoV-1 en 2004.

La deuxième vague n’est pour l’instant qu’une hypothèse parmi les autres et on ne la voit apparaître dans aucun pays du monde.La deuxième vague n’est pour l’instant qu’une hypothèse parmi les autres8 et on ne la voit apparaître dans aucun pays du monde. Cependant, si elle advenait, ce pourrait être le retour d’un foyer maintenu actif durant l’hiver austral dans l’un des pays d’Amérique du Sud. La surveillance sanitaire s’y intéresse de très près. Mais, dans l’hypothèse où elle surviendrait, cette vague devrait-elle être à la hauteur de la première ? A son sommet, le monde a connu près de 100 000 contaminations et 10 000 décès quotidiens. La France a culminé à 10 000 cas et 1440 décès quotidiens entre fin mars et début avril9 ; elle est parvenue à 275 nouveaux cas et 95 décès le 27 mai. La vigilance reste de mise mais nous sommes actuellement loin de ces valeurs maximales, enregistrées il y a 8 semaines.

 

Figure 2 : Évolution des décès quotidiens en France (Hôpitaux & EHPAD)

Perspectives

Nous avons dans le même temps assisté à une redistribution phénoménale des efforts de réflexion et des forces expérimentales. Tout le monde, en sciences biomédicales comme dans beaucoup d’autres, ne travaille plus que sur le coronavirus. Dans tous ces domaines de recherche, comme dans les médias, il faudra apprendre à se désintoxiquer. Mais il faudra aussi se réhabituer à la mort. D’abord parce qu’arrive à un âge avancé dans nos pays toute la génération née après la seconde guerre mondiale. Ensuite parce que, depuis une décennie, nous approchons les plafonds de nos capacités et, peut-être, les limites de notre évolution 10.

Cette dernière hypothèse restera sans réponse du point de vue de l’humanité mais qu’elle trotte régulièrement au fond de nos arrière-pensées en dit long sur la somme de connaissances allant toutes en ce sens. L’espérance de vie ne pourrait alors plus que se maintenir ou reculer, surtout si nos décisions contribuent à l’aggraver.

D’autant que de violentes contraintes (infectieuses, climatiques, économiques…) vont se reproduire maintenant à des fréquences de plus en plus élevées. Le réarmement de nos prédateurs primaires (virus, bactéries, parasites et champignons) et l’élévation de leurs capacités de résistance à tout notre arsenal thérapeutique montrent que l’équilibre atteint en notre faveur n’était que transitoire et précaire. La balance a toute chance désormais de revenir à leur avantage.

Jean-François Toussaint, Professeur de Physiologie, Université de Paris. Directeur de l’IRMES, avec Quentin de Larochelambert et Andy Marc, Chercheurs à l’IRMES


Notes

1- La médiane au décès, entre 82 et 84 ans, est similaire dans la plupart des pays développés. 
2- Olshansky SJ, et al. Estimating the upper limits to human longevity. Science 1990; 250: 634-64
3- https://www.springermedizin.de/covid-19/epidemiologie-und-hygiene/die-erkenntnisse-aus-der-coronavirus-studie-in-heinsberg/17890088, ce chiffre ne pourra que croître à mesure que le nombre réel de contaminés se révèlera de plus en plus important 
4- Covid-19 is China’s Chernobyl moment. Unherd, 20/5/20 
5- Le 25 avril, Jérome Salomon, DGS, rapproche les grandes pandémies historiques et le Covid-19 qui « peut être comparée à la pandémie de peste de 1347 ou à celle de grippe espagnole en 1917 ». Or la peste de 1347 a coûté la vie d’un tiers de la population européenne. À l’échelle mondiale en 2020, une pandémie comparable aurait supprimé 2,5 milliards d’êtres humains. Celle-ci en provoquera 4 000 fois moins. Dans quel but le directeur général de la santé fait-il cette comparaison ? Souhaite-t-il éclairer ou obscurcir le débat ?
6- Depuis février, on assiste à la traditionnelle course aux records dans les journaux et les chaines d’information continue pour savoir qui annoncera le plus grand nombre de décès en Chine, en Iran, en Italie, en Espagne, à New York puis au Brésil.
7- Idéologie et Terreur, Hannah Arendt, 1953
8- « Pour l’instant rien n’indique que ce virus va réapparaître pendant l’hiver » selon Maria Van Kerkhove, OMS, Health Emergencies Programme Leader, Conférence de Presse du 25 mai 2020
9- Selon les sources : 12490 nouveaux cas pour le CSSE de l’université Johns Hopkins et 7578 pour Santé Publique France le 31 mars 2020
10- « Are We Reaching the Limits of Homo sapiens ? » by Adrien Marck et al. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphys.2017.00812/full 


 

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Membre
alexandre.francois88@gmail.com
3 années

Rien à ajouter, tout y est. Article passionnant. J’ai moi-même rédigé (en beaucoup moins bien) un article aux arguments similaires il y a 15 jours : https://blogs.mediapart.fr/falexandre/blog/190520/confinement-2eme-vague-pourquoi-les-predictions-sur-le-covid-19-sont-fausses

Espérons seulement que le gouvernement prenne conscience, avec le recul, de la dynamique réelle de cette épidémie et de la limite des modèles de prédictions qui se sont trompés avant, pendant et après l’épidémie (en considérant un R0 fixe = 3, qui est en réalité le R0 constaté mi-mars au moment du pic épidémique !). Et qu’on adopte des mesures bien plus appropriées si une nouvelle vague survenait à l’automne ou l’hiver prochain…

Membre
marc.molitor@telenet.be
3 années

Très intéressant. Mais pourquoi un article aussi intéressant que celui-ci montre-t-il lui-même aussi si peu de rigueur sur certains chiffres ? La donnée de 800 décès par million d’habitants pour la Belgique référée à d’autres beaucoup plus basses dans d’autres pays tient simplement à un mode comptage différent, qui inclut les décès en maison de repos (y compris les suspectés), ce que la Belgique est seule à faire. Or ils comptent pour 50 pourcent du total. Bref l’article pêche aussi par ce qu’il critique lui-même. (Il n’est pas le seul: le Monde s’obstine à commettre la même erreur, en utilisant… Lire la suite »

Membre
vincent.verschoore@gmail.com
3 années

Il semble de plus en plus évident que le remède aura été pire que le mal: https://zerhubarbeblog.net/2020/05/27/confinement-covid-19-de-lerreur-a-lhorreur/

Membre
Olivia.recasens@humensis.com
3 années

Excellent

Membre
Rozenblat.marc@gmail.com
3 années

Belle synthèse. Félicitations à Jean-François et son équipe. Son incorporation dans le Conseil Scientifique permettrait sûrement une meilleure réflexion de nos gouvernant. Le SNMS Santé a depuis plus d’1 mois alerté sur la perte de chance sanitaire occasionnée par cette gestion de la pandémie ….. sans réponse Lettre ouverte au Président de la République par le Syndicat National des Médecins du Sport Santé 15 avril 2020 Monsieur Le Président de la République, Nous avons suivi avec attention votre allocution du 13 avril 2020. Nous souhaitons attirer votre réflexion sur l’approche particulière des Médecins du Sport Santé, réels spécialistes mais pas… Lire la suite »

arnaud.plagnol@gmail.com
3 années

Remarquable. Heureusement qu’une poignée d’esprits lucides résiste à cette folie du confinement généralisé aux conséquences terribles, en particulier pour les plus fragiles socialement et pour la jeunesse qui ne risquait rien et va payer l’addition toute sa vie, mais aussi pour les plus âgés, privés de tout soutien affectif en fin de vie. Une erreur monstrueuse qui se poursuit avec un délire « antiseptique » (« folie du toucher » en termes psychiatriques), très toxique à terme pour l’immunité de la population (il n’y a pas que le covid), notamment des enfants. Une population avec  » distanciation sociale » est condamnée à terme, physiquement et… Lire la suite »

Membre
andre@agencebobhenry.ca
3 années

Je ne suis ni médecin, ni scientifique , ni grand spécialiste de quoi que ce sois , mais il m’est apparue très clair, dès le début, que l’ensemble des décideurs mondiaux on simplement réagi , sans recul , sans prendre le temps de comprendre et d’analyser ce qui se passait vraiment . Au Québec , puisque j’y vie, ce constat est encore plus criant , les décisions , et les annonces de catastrophes plus que probables ont été promues a chaque jour, jour après jour , dans un show de télé , devenu la réalité absolu supporté par les médias… Lire la suite »

Membre
rocbalie@gmail.com
3 années

 » Nous n’étions pas en guerre, » ha bon ! ben moi j’ai bien l’impression que les Chinois sont en train de regarder l’incendie depuis la rive opposée !

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